En 2014, des chercheurs se sont vus attribuer le prix Nobel de chimie pour leurs travaux sur la nanoscopie, une technique de bioimagerie à superrésolution permettant d’observer des molécules individuelles. Cependant, elle ne permettait de capturer des instantanés que sur quelques dizaines de secondes. S’inspirant de cette technique, une équipe a développé le concept de superrésolution « PINE », permettant d’étendre les observations jusqu’à 250 heures, révélant ainsi des détails moléculaires inédits de la division cellulaire.
Dans la nature, toute structure vivante ou non se forme et s’organise par le biais de l’assemblage de milliards de constituants individuels. Cette dynamique d’assemblage s’étend selon au moins 3 ordres de grandeur en matière de taille ou de longueur et au moins 5 ordres en matière de temps. La superrésolution a révolutionné la bioimagerie, en permettant de sonder cette dynamique jusqu’à une échelle ne dépassant pas les 10 nanomètres, soit une résolution de 100 atomes.
En général, les techniques de superrésolution existantes consistent à induire intentionnellement un photoblachiement. Ce procédé vise à éclairer les molécules maquées par fluorophore (un marqueur fluorescent), de sorte qu’elles réfléchissent une lumière qui s’estompe au bout de quelques dizaines de secondes. Malgré la grande résolution des images reconstruites à partir des points de fluorescence, le protocole induit une dégradation permanente et limite considérablement le temps d’observation — ce qui n’est pas idéal pour suivre les processus biomoléculaires s’étalant sur de longues périodes.
« La cellule vivante est un endroit très fréquenté avec des protéines animées ici et là. Notre système à superrésolution est très attrayant pour visualiser ces activités dynamiques », suggère dans un communiqué Guangjie Cui, doctorant en génie électrique et informatique à l’Université du Michigan et co-concepteur de la nouvelle technique. Détaillée dans la revue Nature Communications, cette nouvelle technique étend la plage d’observation en superrésolution à 250 heures.
Une technique étendant considérablement le temps d’observation
Le dispositif développé par Cui et ses collègues est un nanoscope à intensité de phase sans blanchiment (de l’anglais « nonbleaching phase intensity nanoscope », ou PINE). Il comprend un mince film multicouche intégré, à base d’alcool polyvinylique et de polymères cristallins liquides. Ce film permet une distribution aléatoire de nanosondes en or, utilisées à la place des fluorophores et permettant d’éviter le photoblanchiment.
En effet, des recherches ont précédemment révélé que la technique des nanosondes permet une diffusion lumineuse élastique et sans blanchiment, offrant une superrésolution plus durable. Cependant, ces méthodes étaient sujettes aux déplacements, entravant la précision de la superrésolution. De plus, seules quelques nanosondes ont pu être utilisées, alors que des milliers sont nécessaires pour reconstruire de manière optimale les images des structures observées. De surcroît, elles n’atteignaient pas un niveau de superrésolution inférieur à 10 nanomètres.
Le protocole des chercheurs du Michigan permet d’utiliser une population de plusieurs milliers de nanosondes et offre ainsi une résolution inférieure à 10 nanomètres. Les nanotiges réagissent à la lumière, que le film de polymère permet de détecter lorsqu’elle est réfléchie selon une phase précise. Cette précision permet de sélectionner les nanotiges selon l’angle de la lumière entrante. En enregistrant 10 à 30 images — chacune prise selon un angle de nanotige différent — et en les combinant pour en former une seule, l’équipe a pu observer des détails à l’échelle d’une protéine dans une cellule. En comparaison, ces détails seraient flous avec un microscope conventionnel.
« Nous sommes en mesure de réaliser une nanoscopie inférieure à 10 nm de longue durée et de suivre l’émergence de collectifs à grande échelle impliquant des centaines d’architectures cellulaires (> 900) dans les cellules, qui ne peuvent toutes être obtenues à l’aide de la fluorescence existante », précisent-ils dans leur étude.
Zoom sur des détails inédits
Pour tester leur nouvelle technique, les scientifiques ont cherché à détecter de l’actine, une protéine filamenteuse de soutien cellulaire d’environ 7 nanomètres de diamètre. Même si les nanotiges sont environ deux fois plus grandes que les protéines, elles ont permis de révéler des détails inédits sur le processus de division cellulaire. En effet, bien que nous en comprenions les bases, ce processus demeure en grande partie mystérieux en raison des limites des technologies d’observation.
La technique PINE a permis d’observer un ensemble de 904 filaments d’actine et a révélé que pendant la division cellulaire, elles se dilatent à mesure qu’elles s’éloignent les unes des autres. Ensuite, cette dilatation induit un rapprochement leur permettant de se reconnecter. Ce processus est tempéré par la tendance d’extension du réseau de protéines et du recrutement d’autres protéines voisines. De ce fait, le réseau résultant a tendance à se contracter à mesure qu’il est connecté et tend à se dilater s’il est moins connecté.
Par ailleurs, il a été constaté que le comportement de l’actine est étroitement lié à celui de la cellule. Lorsque le réseau de protéines se dilate, la cellule hôte se contracte. Mais de manière contradictoire, celle-ci se contracte lorsque les protéines se dilatent. Cette dynamique contradictoire a été observée pour la première fois, et les chercheurs comptent prochainement en comprendre les implications et les éventuels impacts. Notamment, la dérégulation de ce processus pourrait être à l’origine de certaines pathologies.