En utilisant une version perfectionnée de l’Allen Telescope Array (ATA), une équipe d’astronomes a mis au point une nouvelle technique permettant de capter les signaux radio émanant d’exoplanètes. Cette méthode permet notamment d’identifier des signaux à bande étroite, semblables à ceux émis par nos sondes et orbiteurs, en exploitant la configuration orbitale naturelle des systèmes multiplanétaires. La détection de ces signatures pourrait potentiellement indiquer la présence d’une technologie extraterrestre.
Les recherches visant à détecter des technosignatures extraterrestres se concentrent généralement sur les signaux radio puissants. Cette approche est motivée par le fait que les récepteurs radio terrestres peuvent capter des signaux ayant franchi des distances interstellaires. Cependant, des décennies de recherches infructueuses ont poussé les astronomes à explorer de nouvelles stratégies de détection.
Étant donné que ces signaux seraient logiquement des « fuites » radio non destinées à être interceptées, il a été suggéré qu’ils pourraient se situer dans une bande de fréquence étroite, plutôt que l’inverse. En d’autres termes, comme ils ne seraient pas émis dans l’intention d’être captés à une distance interstellaire, ils pourraient être bien moins puissants qu’on ne le pensait.
D’autre part, la plupart de nos technologies (téléphones, radars d’aéroports, etc.) produisent des signaux radio à bande beaucoup plus étroite que ceux des processus astrophysiques naturels. La détection de ce type de signal en dehors de la Terre pourrait ainsi potentiellement indiquer la présence d’une civilisation extraterrestre intelligente.
Cependant, étant donné la faible probabilité que de tels signaux à bande étroite puissent être détectés depuis la Terre, de nouvelles techniques de détection doivent être explorées. Dans cette optique, une équipe de l’Université d’État de Pennsylvanie propose une technique reposant sur l’occultation planète-planète (PPO), un phénomène s’appuyant sur la dynamique orbitale naturelle des systèmes multiplanétaires, et sur la précision de détection améliorée de l’ATA.
« La plupart des recherches supposent un signal puissant, tel une balise destinée à atteindre des planètes lointaines, car nos récepteurs ont une limite de sensibilité à une puissance d’émission minimale au-delà de ce que nous envoyons involontairement », explique dans un communiqué de l’Université de Pennsylvanie Nick Tusay, auteur principal de l’étude, prépubliée sur le serveur arXiv. « Avec un meilleur équipement, nous pourrions bientôt être en mesure de détecter les signaux d’une civilisation extraterrestre communiquant avec son vaisseau spatial », ajoute-t-il. Le SETI Institute et l’Université de Californie, à Berkeley, ont également contribué à cette recherche.
2 264 signaux corrects sur 25 millions
La PPO est un phénomène qui se produit lorsqu’une planète passe devant une autre, la masquant temporairement (vue depuis la Terre). Durant ce phénomène, les fuites de signaux radio entre les deux planètes peuvent être captées. Ces émissions seraient similaires à celles produites par les communications entre nos vaisseaux spatiaux, rovers et bases spatiales.
Pour tenter de détecter de tels signaux, l’équipe a commencé par cibler TRAPPIST-1, un système multiplanétaire situé à 40,7 années-lumière de la Terre, comportant sept planètes rocheuses de taille terrestre orbitant autour d’une naine rouge. Certaines d’entre elles se trouvent dans la zone habitable et pourraient ainsi potentiellement abriter de l’eau liquide.
Toutes sont uniformément espacées et proches les unes des autres, effectuant une orbite complète en deux ou trois jours. « Le système TRAPPIST-1 est relativement proche de la Terre, et nous disposons d’informations détaillées sur l’orbite de ses planètes, ce qui en fait un excellent laboratoire naturel pour tester ces techniques », explique Tusay.
La version améliorée de l’ATA dispose d’un logiciel avancé de filtrage des signaux, baptisé NBeam Analysis. Isoler les bonnes interférences radio (RFI) de celles d’origine terrestre est en effet l’un des défis principaux de la détection des technosignatures extraterrestres. Selon les experts, « depuis le tout premier projet de recherche d’intelligence extraterrestre, l’analyse des interférences radio a été un problème important ». Avant de cibler TRAPPIST-1, le système a été testé sur les signaux de nos orbiteurs martiens, notamment pour évaluer sa précision.
L’équipe a ensuite observé et intercepté les signaux radio à bande étroite provenant de TRAPPIST-1 durant une fenêtre PPO de 28 heures, constituant la plus longue recherche de signaux radio monocible à ce jour. En isolant les signaux émanant uniquement de la cible, NBeam Analysis a réduit le nombre d’émissions radio de 25 millions à 2 264.
Cependant, aucun des signaux détectés ne provient d’une technologie extraterrestre. Néanmoins, les chercheurs estiment que cette technique pourrait ouvrir la voie à l’exploration d’autres systèmes stellaires. En outre, combiner cette technique avec des télescopes plus grands et plus puissants pourrait permettre de détecter des signaux radio à bandes encore plus étroites. « Les méthodes et algorithmes développés pour ce projet peuvent être appliqués à d’autres systèmes stellaires, augmentant nos chances de découvrir des communications régulières entre des planètes au-delà de notre système solaire, si elles existent », suggère Tusay.
Par ailleurs, l’étude pose une question intrigante : les extraterrestres pourraient-ils, eux aussi, observer les PPO de notre système solaire depuis leurs emplacements ? Ces phénomènes se produisent moins fréquemment que dans TRAPPIST-1, environ une fois tous les deux ans. Néanmoins, nos émissions radio sont si abondantes qu’elles pourraient facilement engendrer des fuites lors d’une PPO observée depuis un autre système stellaire.