À chaque fois que la lumière interagit avec la matière, elle semble ralentir. Cependant, la relativité générale implique que la lumière incidente subit une accélération et ainsi peut varier avec le temps. En tenant compte de cette accélération dans la mécanique des ondes, des chercheurs suggèrent dans une nouvelle étude que la flèche unidirectionnelle du temps est une propriété générale et fondamentale de la nature qui ne peut être inversée. Le voyage dans le temps serait ainsi impossible, comme le suggèrent déjà les théories d’Einstein.
La vitesse de la lumière (299 792 458 mètres par seconde) est l’une des plus importantes constantes de la nature. Dans la physique moderne, sa valeur est donc généralement considérée comme étant strictement constante. Cependant, elle semble ralentir lorsqu’elle interagit avec la matière, en traversant un verre d’eau ou un cristal par exemple. D’un autre côté, la lumière incidente entrant en contact avec une interface subit logiquement une accélération, ce qui n’a jusqu’à présent pas été pris en compte dans la plupart des équations physiques. Ces différentes observations ont suscité nombre de débats quant à la considération des caractéristiques physiques de la lumière en tant que variables ou non.
En supposant que la vitesse d’une onde peut varier dans le temps, des chercheurs ont mis au point une nouvelle équation dite « des ondes accélératrices », qui pourrait peut-être mettre fin aux débats. L’auteur principal de l’étude, Matias Koivurova, de l’Université de Tempere en Finlande orientale, explique : « j’ai trouvé un moyen très intéressant de dériver l’équation d’onde standard en dimensions 1+1. La seule hypothèse dont j’avais besoin était que la vitesse de l’onde est constante. Puis je me suis dit : et si ce n’était pas toujours constant ? Cela s’est avéré être une très bonne question ».
Une flèche du temps unidirectionnelle ?
Au départ, les solutions trouvées par les chercheurs semblaient ne pas avoir de sens, jusqu’à ce qu’ils se rendent compte qu’elles se comportaient tout simplement de manière relativiste. Il s’agit plus ou moins du même effet de contraste que celui entre des voyageurs spatiaux hypothétiques qui auraient une perception différente du temps et de la distance par rapport à des observateurs terrestres. Afin d’obtenir des solutions en cohérence avec ce principe, ils ont décidé de considérer une vitesse de référence constante : celle de la lumière dans le vide.
Les calculs ont révélé qu’en considérant que les ondes peuvent accélérer, il existe une direction temporelle bien définie et à sens unique. En d’autres termes, l’équation des ondes accélératrices ne permet que des solutions dans lesquelles le temps ne s’écoule que vers l’avant et non l’inverse. D’un point de vue thermodynamique, l’augmentation de l’entropie montre dans quelle direction le temps évolue. En supposant que ce dernier puisse reculer, l’entropie diminue jusqu’à son niveau minimal, où elle est libre d’augmenter à nouveau.
Cependant, l’entropie s’applique uniquement aux grands systèmes et exclut les particules individuelles (du moins selon nos connaissances actuelles). Toutefois, « nous nous attendons à ce que les particules individuelles se comportent comme si elles avaient une direction temporelle fixe », suggère Koivurova. Et, étant donné que les ondes accélératrices peuvent être dérivées de considérations géométriques, elles seraient transposables au comportement de toutes les formes d’ondes (telles que celles électromagnétiques). Cela signifierait que la direction unique du temps est une propriété générale et immuable de la nature, rendant impossible tout voyage temporel.
Mettre fin à une controverse de longue date ?
Mis à part la direction du temps, l’équation d’ondes accélératrices pourrait également avoir d’importantes implications dans l’un des plus célèbres débats en physique : la controverse Abraham-Minkowski. Elle concerne notamment la question de savoir ce que devient l’élan de la lumière lorsqu’elle traverse un milieu. Si Minkowski avance qu’elle augmente, Abraham suggère le contraire. Et bien que contradictoires, les deux hypothèses ont été observées expérimentalement.
De leur côté, les chercheurs finlandais suggèrent que lorsque l’onde se déplace le long d’une géodésique, son énergie et sa quantité de mouvement sont conservées par le biais d’un effet relativiste. En outre, en considérant une géométrie en courbe de l’espace-temps, elle gagne en énergie au cours de son déplacement, même si son élan reste constant. Dans ce contexte, les ondes accélérées subissent une dilatation temporelle tout en contractant leur longueur. Du point de vue d’un observateur éloigné, cet effet de contraction donnerait l’illusion que l’élan n’est pas conservé à l’intérieur du matériau.
Par ailleurs, la nouvelle théorie a également des implications dans ce que l’on appelle les « matériaux variables dans le temps ». Parmi ces matériaux figure l’hypothétique cristal temporel photonique désordonné, à l’intérieur duquel une onde ralentirait de manière exponentielle tandis que son énergie augmente. Le déplacement des ondes à travers ce type de matériau ne peut être représenté par les équations des ondes standards, mais peut en revanche être modélisé par le biais des équations des ondes accélératrices.
« Notre formalisme montre que le changement observé dans l’énergie de l’impulsion est dû à un espace-temps courbe que subit l’impulsion. Dans de tels cas, les économies d’énergie sont localement violées », conclut Marco Ornigotti de l’Université de Tampere, coauteur de l’étude, publiée dans la revue Optica.