Des chercheurs américains ont mis au point une thérapie génique prometteuse contre la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD). D’après les résultats, publiés dans la revue Nature, cette thérapie a non seulement ralentit le déclin musculaire associé à la maladie chez la souris, mais a également permis de l’inverser partiellement. Cette thérapie pourrait constituer l’espoir tant attendu dans la lutte contre cette maladie dévastatrice. Les essais cliniques devraient commencer d’ici deux ans, estiment les chercheurs.
La myopathie de Duchenne, ou dystrophie musculaire de Duchenne (DMD), ainsi que la dystrophie musculaire de Becker, sont les formes les plus fréquentes de dystrophie musculaire. Toutefois, la DMD est la plus agressive des deux. En France, 100 à 150 nouveau-nés en sont atteints chaque année.
Cette maladie génétique se caractérise par une dégénérescence et une faiblesse musculaire progressive causées par l’altération de la dystrophine (une protéine indispensable aux muscles, dont le rôle est de garder les cellules musculaires intactes). Étant donné qu’elle est liée au chromosome X, la DMD se transmet suivant un mode récessif lié à ce chromosome et se manifeste principalement chez le sexe masculin. Les premiers symptômes apparaissent généralement vers l’âge de 4 ans.
L’innovation : une thérapie fragmentée, puis auto-assemblée
Étant donné que la DMD est une maladie génétique rare, une thérapie génique visant à remplacer le gène défectueux par un gène sain constitue certainement la meilleure solution. D’ailleurs, en 2020, un enfant atteint de myopathie génétique a vu ses symptômes diminuer nettement suite à une thérapie génique. Cependant, un problème majeur persiste : la taille du gène complet de la dystrophine. En effet, ce gène, le plus long du génome humain, n’entre pas dans les vecteurs viraux utilisés dans le cadre des thérapies géniques et ne peut de ce fait être introduit dans les cellules.
Compte tenu de cet obstacle, des chercheurs de l’Université de Washington ont tenté une nouvelle approche. « C’est comme commander un lit king-size qui ne passe pas par votre porte d’entrée, alors nous l’avons divisé en morceaux plus petits, et il s’assemble ensuite tout seul », a déclaré dans un communiqué le professeur Jeffery Chamberlain de la faculté de médecine de l’Université de Washington à Seattle.
L’idée de Chamberlain et de son équipe est simple : diviser le gène en de plus petits fragments, les charger dans une série de vecteurs viraux, puis donner aux cellules musculaires les instructions pour les réassembler. Pour mettre en application cette idée, les chercheurs ont conçu un tout nouveau système de délivrance basé sur une série de vecteurs viraux adéno-associés (AAV). Cette série d’AAV, par suite, transporte les parties du gène de la dystrophine dans les cellules musculaires. Ces fragments sont alors réassemblés une fois dans les cellules grâce aux instructions intégrées. Les chercheurs soulignent que le virus utilisé comme vecteur est génétiquement modifié, afin de ne pas provoquer d’infection au patient.
Les scientifiques ont effectué des essais sur des modèles murins pour la dystrophie musculaire. Les résultats sont prometteurs. En plus de stopper la progression de la maladie, la thérapie génique a inversé certaines lésions musculaires. Les chercheurs ont noté que les souris présentaient des « corrections physiologiques significatives ».
En 2023, une autre thérapie génique pour la DMD, basée sur l’administration d’une version abrégée de dystrophine dans les cellules, a été approuvée par la FDA. Baptisée Elevidys (delandistrogene moxeparvovec-rokl), cette thérapie utilise également un virus adéno-associé, mais pour délivrer de la micro-dystrophine dans les cellules musculaires. Cependant, l’Elevidys n’a pas pu apporter d’améliorations significatives de la fonction motrice.
Chamberlain et ses collègues ont déclaré que « les méthodes de remplacement génique utilisant des AAV se sont avérées difficiles pour la DMD et certains autres troubles, en partie à cause d’une capacité de charge modeste et de la nécessité de doses très élevées ». « Dans cette étude, nous avons démontré la faisabilité d’exprimer de grands gènes en divisant la séquence codante en deux ou trois parties transportables par les AAV, qui sont ensuite efficacement reconstituées en une grande protéine fonctionnelle », ont-ils ajouté.
Bien que le projet ne soit actuellement qu’en phase d’essais sur des souris, les chercheurs s’attendent à débuter les essais sur l’homme d’ici 2026. Ils espèrent également que leur nouvelle méthode puisse être appliquée à d’autres maladies génétiques similaires à la DMD.