Des chercheurs de l’Université de Ritsumeikan à Kyoto ont développé de nouvelles cellules solaires à couche mince, flexibles et sans cadmium. Non seulement leur technologie affiche un impact environnemental bien inférieur à celui des cellules solaires standards, mais elle peut être produite à plus faible coût. Ces cellules solaires ouvrent ainsi la voie à une alternative encore plus propre aux combustibles fossiles.
Les cellules photovoltaïques sont généralement constituées de matériaux semi-conducteurs, notamment de silicium ou d’autres composés à base d’indium, de gallium ou de cadmium. Le tellurure de cadmium (CdTe), par exemple, remplace le silicium depuis quelques années. De par sa meilleure capacité d’absorption de la lumière (même à l’aube ou par temps couvert), il s’avère plus rentable que les cellules au silicium. Cependant, le tellurure de cadmium présente deux inconvénients majeurs.
L’élément tellure est un élément rare, dont les sources épuisables ne permettent pas d’envisager un usage pérenne de cette technologie. De plus, le cadmium est un élément très toxique, tant pour l’Homme que pour l’environnement ; il menace ainsi directement le personnel des sites d’assemblage ou de recyclage des panneaux solaires qui en contiennent. Pour contourner ces défauts, des chercheurs japonais ont mis au point une méthode écologique qui élimine l’utilisation de cadmium toxique dans le processus de production, afin de créer des cellules solaires rentables, efficaces et respectueuses de la santé humaine et de l’environnement.
Plus d’efficacité pour moins de toxicité
La lutte contre le changement climatique repose essentiellement sur l’élimination des combustibles fossiles. Ceci implique de recourir à des sources d’énergie alternatives, plus propres et renouvelables. L’énergie photovoltaïque s’impose aujourd’hui comme l’une des solutions de choix. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la production solaire photovoltaïque mondiale s’est élevée à près de 1000 TWh en 2021 ; c’est aujourd’hui l’énergie renouvelable qui progresse le plus rapidement en matière d’ajouts de capacité. L’avantage de cette technologie est qu’elle est très modulaire et qu’elle peut être déployée en très petites quantités.
Le séléniure de cuivre, d’indium et de gallium (CuInGa(Se)2, aussi appelé CIGSSe) est un type de cellule solaire à couche mince qui offre plusieurs avantages par rapport aux cellules solaires traditionnelles en silicium : elles sont environ 100 fois plus fines, moins chères à produire et plus faciles à installer sur les toits et les véhicules. En outre, par rapport à d’autres matériaux utilisés dans les cellules solaires à couche mince (tels que le silicium amorphe, le tellurure de cadmium et les matériaux organiques), le CIGSSe absorbe plus fortement la lumière et peut donc être produit en films plus fins.
L’impact environnemental des processus de fabrication des cellules solaires reste toutefois préoccupant : la fabrication des panneaux solaires implique en effet des matériaux toxiques et de nombreux déchets industriels. Les cellules à CIGSSe contiennent notamment une couche tampon de sulfure de cadmium, hautement toxique et cancérigène. Les professeurs Jakapan Chantana et Takashi Minemoto et leur équipe ont donc entrepris de modifier le procédé de fabrication de manière à ce que cette couche tampon soit moins nocive.
Pour ce faire, les cellules ont été développées à partir d’absorbeurs CIGSSe, via un processus de recuit à l’air qui permet d’en oxyder la surface. « Il est démontré pour la première fois que la surface oxydée des absorbeurs CIGSSe après le processus de recuit à l’air entraîne une augmentation considérable des performances photovoltaïques des cellules solaires CIGSSe », soulignent les chercheurs dans la revue Solar RRL. L’équipe annonce une efficacité de conversion énergétique de 16,7%.
Un process envisageable à grande échelle
Des tentatives d’oxydation de la surface CIGSSe ont déjà été faites auparavant, mais le processus était extrêmement long (de l’ordre de plusieurs mois). La nouvelle méthode proposée par Chantana et ses collègues réduit ce temps d’oxydation à quelques heures seulement ! Leur approche consiste tout d’abord à déposer une couche de CIGSSe sur un substrat flexible en acier inoxydable. Ce dépôt subit ensuite un processus de recuit à l’air — une montée progressive en température utilisée fréquemment dans l’industrie pour modifier certaines caractéristiques des matériaux. Au cours du chauffage, la surface de CIGSSe est oxydée pour former des couches tampons natives de sulfure d’indium (Inx(O,S)y).
Après avoir testé différentes conditions d’oxydation, les chercheurs sont parvenus à fabriquer, après 6 heures d’oxydation à 130 °C, une cellule solaire CIGSSe avec une efficacité de conversion énergétique maximale de 16,7%. Certes, ce rendement est inférieur à celui des cellules solaires classiques (qui dépassent généralement les 20%), mais cette approche a le mérite d’être beaucoup plus écologique. « Dans le procédé classique, le cadmium est déposé sur la couche de CIGSSe par un procédé de dépôt par bain chimique. En éliminant cette étape, nous avons créé un processus de fabrication entièrement sec, qui génère moins de déchets », explique le professeur Chantana dans un communiqué.
Le procédé demeure en outre très rentable, ce qui permet d’envisager une production à grande échelle. Ces dernières années, la part des énergies renouvelables a significativement augmenté dans le monde. Un récent rapport du centre de réflexion Ember révèle que les infrastructures solaires et éoliennes ont produit plus de 10% de l’électricité mondiale en 2021. Au total, la production de ces deux énergies a enregistré une hausse de 17% en 2021 et devrait continuer d’augmenter jusqu’à atteindre les 20% d’ici 2030. Avec des panneaux solaires plus efficaces, plus économiques et plus écologiques, ces efforts de transition énergétique n’en seront que plus louables.