Oiseaux marins en péril : la grippe aviaire atteint l’Antarctique

Une souche hautement pathogène qui pourrait se propager sur l’ensemble du continent.

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La souche hautement pathogène de grippe aviaire se propage actuellement chez les oiseaux marins dans le sud de la péninsule Antarctique et pourrait s’étendre à l’ensemble du continent. Des carcasses de labbes infectés par le virus ont été retrouvées dans plusieurs sites de nidification, ainsi que celles de manchots. La présence confirmée du virus dans la région pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur ces oiseaux, qui se reproduisent en vastes colonies, ainsi que sur les animaux qui s’en nourrissent.

Les oiseaux marins figurent parmi les groupes de vertébrés comptant le plus grand nombre d’espèces menacées. Bien que le réchauffement climatique et les pressions anthropiques soient les principales causes d’extinction, les maladies infectieuses émergentes représentent également une menace majeure. Des épidémies comme le choléra aviaire ont par exemple considérablement réduit la population d’albatros à nez jaune (Thalassarche chlororhynchos).

La grippe aviaire constitue aujourd’hui l’une des préoccupations majeures non seulement pour les aviculteurs, mais aussi pour la santé publique. La souche hautement pathogène du virus (H5N1 HPAIV) se propage en Europe, en Asie et en Afrique depuis 2020. En quelques mois seulement, il s’est diffusé à l’échelle mondiale, entraînant la mort de millions d’oiseaux sauvages et d’élevage. En 2023, il a notamment décimé un quart des fous de Bassan (Morus bassanus) nidifiant sur les côtes britanniques.

Les premiers cas d’infection chez les oiseaux en Amérique du Sud ont été signalés entre novembre et décembre 2022, lors d’une épidémie sans précédent affectant plus de 14 ordres d’oiseaux sauvages, dont certains en danger d’extinction. En 2023, plus de 20 000 décès d’oiseaux sauvages ont été recensés au Pérou en seulement quatre semaines, ainsi que ceux de milliers de mammifères marins. Les espèces les plus touchées étaient les pélicans thages (Pelecanus thagus) et les fous variés (Sula variegata).

Entre 2023 et 2024, le virus s’est progressivement propagé depuis l’Amérique du Sud vers les îles subantarctiques. Des labbes bruns (Stercorarius antarcticus lonnbergi) et des pétrels géants (Macronectes giganteus) infectés ont été signalés sur l’île Bird, à environ 1 500 kilomètres de la péninsule Antarctique. Selon les experts, les données suggèrent que les oiseaux marins sont confrontés à un risque d’extinction locale.

Afin d’étudier la progression du virus chez les oiseaux marins, une équipe codirigée par l’Université catholique pontificale du Chili, à Santiago, a surveillé plusieurs sites de nidification dans le sud de la péninsule Antarctique. Les chercheurs ont identifié les premiers cas d’infection, qui pourraient potentiellement se propager sur l’ensemble du continent.

« C’est effrayant. Heureusement, cela ne touche que quelques oiseaux », explique Juliana Vianna, coauteure de l’étude et chercheuse à l’Université catholique pontificale du Chili à Santiago, au New Scientist. « J’espère que cela va continuer ainsi, mais la grippe aviaire au Chili et au Pérou a été une catastrophe. Elle a tué des milliers et des milliers d’oiseaux de mer et d’otaries », ajoute-t-elle. Les résultats de la recherche sont détaillés sur le serveur de prépublication bioRxiv.

Un risque de propagation sur l’ensemble du continent

Vianna et ses collègues ont étudié 16 sites de nidification d’oiseaux marins, répartis le long de la péninsule Antarctique occidentale (PAO) entre novembre 2023 et janvier 2024. L’objectif était d’évaluer l’état de santé des oiseaux et de détecter la présence du H5N1 HPAIV.

Une mortalité inhabituelle a été observée parmi les populations de labbes de la région, des hybrides entre le labbe antarctique (Stercorarius antarcticus) et le labbe brun. Au total, 35 oiseaux ont été retrouvés morts sans présenter aucun signe de blessure ou de prédation. Les restes ont été découverts non seulement au niveau de la PAO, mais également au-delà du cercle polaire antarctique, y compris dans d’importantes zones de reproduction ornithologique autour de la baie de Margarita.

Des échantillons prélevés sur 11 carcasses provenant de six sites différents ont été testés positifs au virus. Les labbes sont à la fois des charognards et des opportunistes qui s’attaquent aux poussins ou consomment les œufs d’autres oiseaux. Les chercheurs estiment que cela a probablement accru leur risque d’infection. « Cette découverte constitue le cas de mortalité d’oiseaux marins le plus méridional en Antarctique lié au virus HPAIV à ce jour », indiquent les experts dans leur document.

« Les décès signalés de labbes sont inquiétants », estime Thijs Kuiken, de l’Université Érasme de Rotterdam, aux Pays-Bas, qui n’a pas participé à l’étude. « Certaines espèces de la région ne vivent que sur de petites îles et pourraient être anéanties par la grippe aviaire », ajoute-t-il.

Si la présence du virus n’a pas encore été confirmée chez d’autres espèces d’oiseaux, des chercheurs sur place ont signalé avoir observé d’autres labbes et des manchots morts ce mois-ci. Cela soulève des inquiétudes quant à une propagation rapide du virus, d’autant plus que certains de ces oiseaux se reproduisent au sein de gigantesques colonies pouvant compter plusieurs dizaines de milliers d’individus.

Bien que la sensibilité au virus varie selon les espèces, la démographie des oiseaux de mer est particulièrement vulnérable à la mortalité des adultes, et certaines des espèces touchées sont déjà menacées d’extinction. Le virus a par exemple été détecté chez les manchots de Humboldt (Spheniscus humboldti), les manchots Adélie (Pygoscelis adeliae) et les cormorans antarctiques (Leucocarbo bransfieldensis).

« Ces résultats sont essentiels pour l’évaluation de l’état de santé général des populations d’oiseaux marins de l’Antarctique et fournissent une base de référence pour la surveillance continue de la propagation du virus HPAIV chez les espèces aviaires au cours des prochaines saisons de reproduction », souligne l’équipe.

Par ailleurs, alors que la Nouvelle-Zélande et l’Australie restent relativement épargnées par le virus (voire indemnes), d’autres groupes de chercheurs ont signalé sa présence dans les archipels de Crozet et de Kerguelen, dans l’océan Indien. Cela indiquerait que le virus a déjà parcouru plus de la moitié de l’Antarctique et se dirige rapidement vers ces régions.

Source : bioRxiv

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