Des chercheurs suggèrent dans une récente étude que la stimulation acoustique favorise la croissance des champignons mycorhiziens, essentiels à la croissance des plantes. En étant exposée à des ondes sonores monotones de 80 décibels, la biomasse des spores fongiques a quintuplé en seulement 5 jours lors d’expériences en laboratoire. Les réseaux mycorhiziens étant d’une importance écosystémique majeure, cette découverte ouvre la voie à une nouvelle approche dite « écoacoustique », qui pourrait restaurer plus efficacement les écosystèmes endommagés.
Face à la perte mondiale de biodiversité, la restauration des écosystèmes devient impérative. Cependant, les efforts actuels se concentrent généralement sur les interventions physiques et visibles, telles que le reboisement ou la réintroduction d’espèces. Or, un écosystème ne redevient pleinement fonctionnel qu’en récupérant tous ses composants d’origine, y compris dans le sol. Il est en effet important de considérer que plus de la moitié de la biodiversité terrestre s’y trouve.
La croissance des plantes ainsi que d’autres fonctions écosystémiques essentielles sont soutenues par une subtile relation symbiotique avec la biodiversité du sol. Cette biodiversité inclut les insectes, les microorganismes ainsi que les champignons mycorhiziens. La symbiose entre ces derniers et les plantes terrestres figure parmi les plus répandues et les plus importantes sur Terre. Depuis des millions d’années, ces champignons jouent un rôle clé dans la formation et le fonctionnement des écosystèmes mondiaux, notamment en améliorant l’accès des plantes aux nutriments.
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Une récente recherche a également révélé que les champignons mycorhiziens sont essentiels à la séquestration du carbone dans le sol. On estime que plus de 13 milliards de tonnes de CO2 provenant des plantes terrestres sont transmises chaque année à ces champignons. Cela représente environ 36 % des émissions mondiales annuelles dues aux combustibles fossiles. Cela signifie que les stratégies de séquestration de carbone basées sur la revégétalisation devraient également tenir compte de la biodiversité fongique du sol.
La perte de ces champignons engendre ainsi la dégradation des sols ainsi qu’une perturbation du cycle de séquestration du carbone. Cette perte est principalement attribuée à la déforestation et à l’agriculture intensive. « Plus de 75 % des sols de la planète sont dégradés. Nous devons donc prendre des mesures radicales pour inverser la tendance et commencer à restaurer la biodiversité », suggère dans un communiqué Jake Robinson, de l’Université Flinders en Australie.
Une approche favorisant la croissance des espèces indigènes
L’écoacoustique est depuis peu explorée en tant qu’outil de surveillance de la biodiversité des sols. Cela suggère que le son pourrait détenir un immense potentiel pour influencer les processus écologiques et façonner la dynamique des écosystèmes. Par exemple, il a été montré que les plantes perçoivent les ondes sonores comme des stimuli mécaniques favorisant la circulation des nutriments et ainsi leur croissance. La stimulation acoustique pourrait ainsi être utilisée pour la restauration des écosystèmes.
Dans une nouvelle étude en prépublication sur la plateforme biorXiv, Robinson et ses collègues ont cherché à déterminer comment les paysages sonores pourraient influencer la biomasse fongique du sol et le cycle de décomposition de la matière organique. Leurs résultats révèlent une étonnante interaction entre le son et les champignons. « Notre étude met en évidence l’importance des paysages sonores dans la nature. Nous pouvons désormais écouter les sons des petits animaux comme indicateurs de la santé du sol, mais nous pourrions également être en mesure d’appliquer le son pour améliorer la santé du sol », explique l’expert.
En outre, l’approche pourrait à la fois restaurer des sols dégradés et favoriser la croissance des plantes indigènes, dont les plus fragiles ne peuvent croître qu’au niveau de sols riches. Selon Martin Breed, co-auteur de la recherche et professeur à l’Université Flinders, « les études de notre laboratoire sur l’écologie de la restauration ouvrent la voie à une meilleure repousse de la végétation indigène, y compris la réintroduction d’espèces en danger d’extinction ».
5 fois plus de biomasse fongique en seulement 5 jours
Dans le cadre de leurs expériences, les chercheurs de la nouvelle étude ont enterré des sachets ordinaires de thé vert et de rooibos (un arbuste très riche en antioxydants souvent utilisé pour le thé) afin de stimuler la croissance des champignons à mesure que la matière organique se dégradait. L’ensemble a été placé dans un caisson d’isolation acoustique afin d’être exposé à un paysage sonore monotone de 70 à 90 décibels, à une fréquence de 8 kilohertz. Après 14 jours de stimulation, une abondante biomasse fongique (0,5 gramme en moyenne) a poussé à l’intérieur et à l’extérieur de chaque sachet. En revanche, les champignons étaient beaucoup moins visibles sur les sachets témoins exposés à un bruit ambiant inférieur à 30 décibels.
Dans une seconde expérience, les chercheurs ont cultivé des champignons Trichoderma harzianum dans des boîtes de Pétri. Il s’agit d’un ascomycète opportuniste et symbiotique, dont le mycélium se développe à la surface des racines des plantes et les protège des agents pathogènes tout en favorisant leur croissance. 20 boîtes ont été exposées à une stimulation sonore monotone de 80 décibels pendant 5 jours, tandis que 20 autres n’ont reçu aucune stimulation. Après 5 jours, l’activité des spores a été multipliée par 5 sur les cultures stimulées.
« Cette recherche nous a surpris lorsqu’un champignon commun favorisant la croissance d’une plante a augmenté son nombre initial de biomasse de cellules de spores de près de cinq fois, par rapport au groupe témoin, où les ondes sonores étaient aux niveaux ambiants », affirme Robinson.
Il est important de savoir qu’après la revégétalisation, le microbiome du sol, y compris les champignons, peut mettre des décennies à se rétablir complètement. Bien que davantage de recherches soient nécessaires pour en comprendre les mécanismes exacts, ces résultats suggèrent que l’écoacoustique pourrait accélérer ce processus. Selon les experts, il est également possible que ces organismes convertissent les ondes sonores en charge électrique, ce qui pourrait stimuler l’activité de l’ensemble de la biodiversité du sol.