Une équipe de chercheurs de différentes universités basées aux États-Unis et au Royaume-Uni, dont Wisconsin-Madison, ont publié une étude préliminaire prometteuse. Celle-ci présente la possibilité de créer un ordinateur quantique « programmable », à partir d’atomes neutres piégés par le biais de lasers.
Mais d’abord, qu’est-ce qu’un ordinateur quantique ? Un « ordinateur quantique » est un ordinateur qui s’appuie, pour faire ses calculs, sur les principes de la physique quantique. Ce qui ne nous avance pas beaucoup plus si on ne définit pas un peu mieux ce qu’est cette dernière !
La physique quantique s’intéresse au comportement de la matière et de la lumière à un niveau microscopique, ou atomique. Les scientifiques ont en effet découvert qu’à cette échelle, elle se comporte de façon assez contre-intuitive en comparaison de la physique connue jusqu’alors. En étudiant ces comportements, de nouveaux principes physiques, toujours en exploration de nos jours, sont apparus.
Le fameux principe de « superposition » est crucial dans le fonctionnement des ordinateurs quantiques. Un ordinateur classique a pour base de fonctionnement les « bits », qui constituent l’unité d’information la plus élémentaire. Un bit peut être à l’état 0 ou 1, et c’est sur ces 0 et 1 que reposent tous les codes plus complexes des ordinateurs. Un ordinateur quantique, lui, utilise des « qubits ». Ceux-ci peuvent être, en quelque sorte, à la fois 0 et 1, dans une superposition d’états.
La superposition permet aux algorithmes quantiques d’utiliser d’autres phénomènes quantiques, tels que l’intrication quantique. Il s’agit d’enchevêtrer les qubits, de sorte qu’ils forment un seul système. Alors, même s’ils sont éloignés les uns des autres, il sera toujours possible de connaître l’état d’un qubit en mesurant celui d’un autre qui est intriqué avec lui. Ce principe est requis pour tout calcul quantique. L’intérêt d’un ordinateur quantique est l’énorme puissance de calcul qu’il peut déployer.
Des atomes piégés avec des lasers
Maintenant, que sont ces « qubits », très concrètement ? Il s’agit d’atomes, que l’on « organise » selon divers moyens pour qu’ils interagissent entre eux et se placent dans ces états quantiques requis pour le calculateur. Différents types d’atomes et différents systèmes sont utilisés. Par exemple, il existe des « pièges magnétiques » pour des ions positifs, ou encore des superconducteurs. Dans cette étude, les scientifiques ont plutôt choisi d’utiliser ce qu’on appelle des « atomes neutres », c’est-à-dire qui ne présentent pas de charge électrique, que celle-ci soit positive ou négative.
Sans charge, il n’y a donc pas besoin de piège électromagnétique pour maintenir les atomes dans la configuration voulue. Les scientifiques ont plutôt utilisé un « piège » basé sur des lasers. La concentration des lasers « attire » les atomes, ce qui permet de les organiser, en l’occurrence en une sorte de « grille ». Ils permettent aussi de les refroidir.
Selon les scientifiques, l’utilisation de ces atomes neutres dans un ordinateur quantique pourrait s’avérer utile pour différentes raisons. Ils ont des caractéristiques identiques, et il est donc plus facile d’en utiliser davantage. Ils présentent un long temps de cohérence (le temps pendant lequel il est possible de maintenir la superposition quantique), et il est possible de les « piéger » sur plusieurs dimensions. Enfin, ils s’enchevêtrent très bien. Ces atomes font donc de très bons candidats pour des calculateurs quantiques.
Les scientifiques expliquent aussi qu’il est possible de stimuler les atomes pour les réorganiser à sa guise, ce qui permet d’avoir plusieurs usages possibles. C’est en ce sens qu’ils affirment avoir créé un ordinateur quantique « programmable », puisque non dédié à un seul usage.
Une durée de fonctionnement 500 fois plus longue
La nouveauté qu’il faut surtout souligner dans l’expérience que
les scientifiques présentent, c’est la durée de fonctionnement de
l’ordinateur. En effet, il est très complexe de maintenir longtemps
un état de superposition quantique. « Les bits quantiques
(qubits) sont fragiles et se dégradent s’ils ne sont pas isolés du
bruit environnemental, mais doivent interagir avec
d’autres qubits pour effectuer des calculs », explique
ainsi l’étude.
Or, l’équipe est parvenue à faire fonctionner le calculateur plus de 600 µs, soit 500 fois plus longtemps que les précédentes tentatives pour créer un état de superposition en utilisant des atomes neutres. Autre fait étonnant, ils seraient parvenus à faire un véritable calcul de chimie. Les scientifiques affirment en effet, entre autres utilisations, avoir réussi à estimer l’énergie d’une molécule d’hydrogène.
Bien entendu, les expériences présentées sont encore une fois loin de présenter un ordinateur quantique vraiment fonctionnel, mais « elles représentent une étape importante pour le développement de processeurs basés sur des qubits à atomes neutres », se félicitent les scientifiques.
Pour eux, des améliorations technologiques au niveau des lasers seront nécessaires pour perfectionner le processus, incluant « l’amélioration du refroidissement du laser pour atteindre l’état fondamental du mouvement atomique, la mise en forme spatiale des faisceaux de commandes optiques pour réduire les erreurs de porte, l’optimisation des paramètres de piège optique pour une localisation et cohérence améliorées, et une puissance laser plus élevée pour une diffusion réduite à partir de l’état intermédiaire ».
L’équipe n’est cependant pas la seule en lice concernant les recherches sur les atomes neutres dans les ordinateurs quantiques. Le domaine des ordinateurs quantiques fait l’objet d’une énorme compétition. « Lors de la finalisation de cette étude, nous avons pris conscience d’un travail connexe qui démontre l’encodage de qubits logiques avec une architecture d’atomes neutres complémentaires », précisent ainsi les scientifiques.