Depuis sa création en 2009, le Bitcoin était réputé ultra-sécurisé et impossible à cracker, ce qui a contribué à son essor et lui a permis d’atteindre la valeur historique de plus de 60 000 dollars l’unité il y a peu. Mais depuis quelques années, des études se sont penchées sur la capacité des ordinateurs quantiques à contourner la sécurité de sa blockchain. Une récente étude publiée dans AVS Quantum Science montre qu’un ordinateur quantique doté d’entre 317 millions et 1,9 milliard de qubits pourrait y parvenir.
Satoshi Nakamoto, le mystérieux créateur du Bitcoin, a révolutionné le monde de la finance avec cette cryptomonnaie. Sa blockchain, la technologie qui permet et sécurise les échanges de bitcoin, a été conçue de sorte à être « impossible à pirater » et de permettre des transactions sans intermédiaires. Elle est même jusqu’ici restée infaillible.
Mais la course aux ordinateurs quantiques pourrait, cette fois-ci, changer la donne. Avec la puissance et la taille suffisante, ces machines risquent peut-être de bouleverser tout le marché des cryptomonnaies. Les chercheurs de l’entreprise britannique Universal Quantum, auteurs de l’étude publiée dans AVS Quantum Science, montrent qu’il serait possible de décrypter les algorithmes qui régissent le bitcoin, de falsifier les clés numériques et de modifier les transactions effectuées.
Une faille dans l’algorithme ECDSA
Il est important de noter que la fourchette de 317 millions à 1,9 milliard de qubits reste assez large. La cause est qu’il existe un laps de temps entre le traitement (ou minage) et l’arrivée de la transaction à destination. Il s’agit là d’une fenêtre de tir variable et exploitable pour les hackers, car cela peut représenter en moyenne entre dix minutes et une heure, selon la transaction.
Le point de faille se situerait dans l’Algorithme de Signature Numérique à Courbe Elliptique (ECDSA), le mécanisme chargé de la signature et de l’authentification de la transaction. Un ordinateur quantique avec une capacité inférieure à 317 millions de qubits serait ainsi capable de détecter quelques transactions. Les chercheurs britanniques estiment que celles qui prennent une journée et plus, peuvent être décryptées avec une machine à 13 millions de qubits. Et pour cibler toutes les transactions, il faudrait monter jusqu’à 1,9 milliard de qubits.
Par ailleurs, ces chiffres sont propres à un type spécifique d’ordinateurs quantiques. Le type de matériel utilisé pour la construction de l’ordinateur est en effet un facteur clé pour déterminer le nombre de qubits requis. Selon ce paramètre, la durée des calculs et les marges d’erreur peuvent largement varier.
Pour pallier ce problème, les chercheurs ont alors créé un outil qui prend en compte ces caractéristiques matérielles. La fourchette établie par les Britanniques correspond alors à un ordinateur quantique avec des temps de calcul d’une microseconde. Ce qui est typique des ordinateurs quantiques supraconducteurs construits par les géants Google et IBM.
Les dispositifs à ions piégés, utilisés notamment par Universal Quantum, IonQ et Honeywell, affichent des temps de fonctionnement de près de 235 microsecondes. Pour ceux qui s’appuient sur des qubits en silicium, la durée de traitement peut approcher les millisecondes, ce qui peut augmenter considérablement le nombre de qubits requis pour cracker un algorithme de blockchain.
Des perspectives positives
Les scientifiques d’Universal Quantum ont aussi étudié d’autres perspectives d’utilisation des ordinateurs quantiques, comme la simulation de molécules. Comme ces machines sont régies par les mêmes principes physiques que les atomes, elles devraient pouvoir simuler exactement et rapidement des molécules, avec le nombre de qubits nécessaires.
Un ordinateur quantique pourrait par exemple simuler la molécule FeMoco. Il s’agit d’un cluster de molécules clés utilisé par certaines plantes et phytoplanctons pour capter l’azote atmosphérique. Et dans l’agriculture, on ajoute artificiellement de l’azote dans certains engrais pour plus de productivité. Modéliser la FeMoco pourrait ainsi être très utile dans la production de ces engrais.
Les ordinateurs conventionnels sont incapables à l’heure actuelle de simuler la molécule, mais les chercheurs ont estimé qu’un dispositif supraconducteur pourrait résoudre les calculs en 10 jours, en utilisant seulement 7,5 millions de qubits. En utilisant le même nombre de qubits, un dispositif à ions piégés prendrait 2450 jours. Mais il serait possible d’obtenir un délai de 10 jours avec une machine de la même architecture, avec 600 millions de qubits cependant…
Pourtant, les qubits supraconducteurs ne peuvent être utilisés qu’à une certaine distance. Toute communication à longue portée nécessiterait des chaînes d’interactions de transmission de messages qui peuvent nécessiter de nombreux calculs supplémentaires.
Tandis que les ordinateurs quantiques à ions piégés sont capables de déplacer physiquement leurs qubits pour leur permettre d’interagir directement sur des distances beaucoup plus grandes. Cela réduit le nombre d’opérations nécessaires, ce qui devrait à son tour réduire le nombre de qubits nécessaires. Plus important encore, cela pourrait ouvrir la porte à de nouveaux schémas de correction d’erreurs, qui pourraient être considérablement plus efficaces que ceux utilisés sur les dispositifs de supraconducteurs.
Néanmoins, cracker du Bitcoin et simuler du FeMoco restent pour l’instant des fantasmes. Mais les résultats d’Universal Quatum ouvrent déjà la voie vers de prometteuses perspectives d’utilisation. De plus, d’autres chercheurs ont déjà étudié la faisabilité de nouvelles cryptomonnaies telles que le Quantum Resistant Ledger (qui a pu voir le jour), qui devraient résister au piratage quantique.