Une précision record pour les qubits atomiques ouvre la voie à l’ordinateur quantique de demain

Des ordinateurs quantiques fonctionnels bientôt à portée de main ?

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| Pixabay
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Des ingénieurs ont mis au point une technique inédite pour positionner avec une précision presque parfaite des atomes individuels dans un cristal de silicium. En stabilisant nettement ces atomes utilisés comme qubits, cette avancée ouvre la voie à des dispositifs plus fiables et facilement extensibles. Un pas décisif vers la réalisation d’ordinateurs quantiques pleinement fonctionnels.

Les ordinateurs quantiques ont le potentiel de largement franchir les limites des ordinateurs classiques et de résoudre ainsi des problèmes qui leur seraient hors de portée. Cette puissance repose sur la superposition (la capacité des qubits à présenter différents états simultanément) et l’intrication quantique (la capacité des qubits à être inextricablement liés), permettant d’effectuer des milliards de calculs simultanément.

Parmi les approches les plus utilisées pour développer les ordinateurs quantiques figurent celles qui s’appuient sur des atomes isolés de silicium utilisés comme qubits. Afin de pallier la sensibilité intrinsèque des qubits aux perturbations environnementales et préserver leurs propriétés quantiques, les atomes sont refroidis à des températures extrêmement basses. Ce procédé de refroidissement permet ensuite de les contrôler à l’aide de champs électriques et magnétiques.

Cependant, « les systèmes informatiques quantiques les plus avancés en développement sont toujours aux prises avec le double problème d’atténuer les taux d’erreur des qubits et d’augmenter leur nombre », indique Taylor Stock, du Département de génie électronique et électrique de l’University College de Londres (UCL).

Différentes stratégies ont été proposées pour atténuer les taux d’erreurs des qubits. L’une d’entre elles consiste à introduire des atomes « d’impureté » dans le cristal de silicium et à utiliser leurs propriétés pour former des qubits. Le taux d’erreur des qubits résultants est intrinsèquement faible, d’autant plus que la technique s’appuie sur des dispositifs microélectroniques en silicium facilement industrialisables.

L’approche standard consiste à utiliser des atomes de phosphore comme impuretés. Mais l’agencement des atomes individuels à l’intérieur des cristaux constitue une difficulté supplémentaire. L’agencement manuel d’atomes de phosphore dans des cristaux de silicium n’a jusqu’ici été effectué qu’avec un taux de précision de 70 %, ce qui reste encore loin du niveau de précision nécessaire à un ordinateur quantique sans erreurs.

Ces limites sont principalement attribuées à une réaction chimique due à l’interaction du phosphore avec la surface en silicium. En conséquence, les dispositifs actuels s’appuient sur des transistors à un seul atome, tandis que les dispositifs multicomposants utilisent de petits amas non uniformes d’atomes de phosphore.

Stock et ses collègues ont émis l’hypothèse selon laquelle l’arsenic pourrait supplanter le phosphore en tant qu’atome d’impureté pour les cristaux de silicium. Il permettrait d’atteindre un niveau de précision très élevé et, par extension, les faibles taux d’erreurs nécessaires au développement d’ordinateurs quantiques pratiques.

« La capacité de placer des atomes dans le silicium avec une précision quasi parfaite et d’une manière qui nous permet de les mettre à l’échelle est une étape importante pour le domaine de l’informatique quantique. C’est la première fois que nous avons démontré un moyen d’atteindre la précision et l’échelle requises », explique, dans un communiqué de l’UCL, coauteur principal de l’étude, Neil Curson, également du Département de génie électronique et électrique de l’University College de Londres (UCL).

Un taux de précision remarquable de 97 %

Les physiciens supposaient initialement que les atomes d’arsenic isolés présenteraient les mêmes problèmes que le phosphore et ne permettraient ainsi que d’obtenir le même taux de précision d’agencement. Cependant, Curson et ses collègues ont démontré que les atomes d’arsenic pouvaient être placés de manière plus fiable que le phosphore.

La technique – décrite dans la revue Advanced Materials – consiste à introduire et à placer, un par un, l’arsenic dans le réseau de silicium. Pour ce faire, l’équipe a eu recours à un microscope à effet tunnel, un outil de haute précision dont l’aiguille permet, à l’échelle atomique, d’identifier et de manipuler les atomes individuels d’arsenic — un peu à la manière d’un bras robotisé au fonctionnement analogue à celui d’un tourne-disque. Les atomes ont été placés progressivement jusqu’à former un réseau 2×2 d’atomes d’arsenic individuels, prêts à devenir des qubits.

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Taylor Stock charge un échantillon dans le microscope à effet tunnel (STM), utilisé pour réaliser une fabrication à l’échelle atomique. © Agnese Abrusci/UCL

L’équipe a obtenu un taux de précision remarquable de 97 % (± 2 %), mais estime que ce chiffre passera à 100 % d’ici quelques années. « Ces résultats nous rapprochent d’une frontière avancée de la technologie des semi-conducteurs : l’assemblage déterministe de réseaux de dopants et de qubits de précision atomique à des échelles arbitrairement grandes », indiquent les chercheurs dans leur document.

Toutefois, il est important de noter que d’autres défis techniques devront être surmontés avant de pouvoir utiliser cette méthode pour produire des ordinateurs quantiques fonctionnels. Le positionnement manuel de chaque atome — via le microscope à effet tunnel — nécessite plusieurs minutes. Or, le développement d’un ordinateur quantique universel impliquera la création de réseaux contenant des dizaines de millions, voire des milliards de qubits atomiques.

Néanmoins, les chercheurs indiquent que le processus peut, en théorie, être répété indéfiniment et pourrait être automatisé. L’industrie en plein essor des semi-conducteurs devrait d’ailleurs contribuer au développement de la technologie. D’autre part, l’approche développée dans l’étude serait hautement compatible avec les techniques actuelles de fabrication de semi-conducteurs.

« Nous avons maintenant un énorme défi d’ingénierie à relever pour pouvoir le faire plus rapidement et plus facilement – ​​mais c’est la première fois que je suis certain qu’un ordinateur quantique universel peut être construit », conclut Curson.

Source : Advanced Materials

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