Les quasars, ces noyaux galactiques actifs extrêmement brillants, ont longtemps captivé l’attention des scientifiques en raison de leur luminosité, supérieure à celle de milliers d’étoiles réunies dans un volume comparable à notre système solaire. Ces noyaux galactiques ultra-lumineux sont alimentés par des trous noirs supermassifs. Cependant, l’origine de leur activité intense et de leur émission d’énergie colossale demeurait jusqu’ici un mystère. Récemment, des chercheurs ont levé le voile sur cette énigme en découvrant que l’activité des quasars serait provoquée par la collision de galaxies.
En 1962, des radioastronomes ont découvert des sources radioélectriques puissantes et fluctuantes qui apparaissaient comme des étoiles ponctuelles à l’observation. Puisqu’il est inhabituel que les étoiles émettent des ondes radio significatives, ces objets, appelés quasars, devaient forcément être d’une autre nature. Au fil des six décennies écoulées depuis leur découverte, il est devenu de plus en plus évident que les quasars ne sont pas simplement des sous-produits de la croissance des galaxies et de leurs trous noirs supermassifs (SMBH) par accrétion de gaz, et qu’ils peuvent également influencer directement cette croissance.
L’origine de cette activité phénoménale est restée un mystère jusqu’à ce que des scientifiques des universités de Sheffield et de Hertfordshire révèlent qu’elle découle de la collision de galaxies. L’étude a été publiée dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.
Collision galactique et ignition de phares cosmiques
Des chercheurs ont découvert des collisions en utilisant des observations d’imagerie profonde du télescope Isaac Newton à La Palma, révélant la présence de structures déformées dans les régions extérieures des galaxies abritant des quasars.
En comparant les observations de 48 quasars et de leurs galaxies hôtes avec des images de plus de 100 galaxies non-quasars, les chercheurs ont conclu que les galaxies hébergeant des quasars sont environ trois fois plus susceptibles d’interagir ou de subir des collisions avec d’autres galaxies.
Il est important de noter que la plupart des galaxies ont des trous noirs supermassifs en leur centre. Elles contiennent également d’importantes quantités de gaz qui, la plupart du temps, orbitent à de grandes distances des centres des galaxies, hors de portée des trous noirs.
Lors de la collision entre deux galaxies, les forces gravitationnelles attirent d’énormes quantités de gaz vers les trous noirs supermassifs situés au centre du système de galaxies résultant de la collision. Juste avant que le gaz ne soit englouti par le trou noir, il libère des quantités phénoménales d’énergie sous forme de rayonnement, donnant naissance à un quasar.
« L’ignition » d’un quasar peut avoir des conséquences dramatiques pour des galaxies entières, chassant le reste du gaz hors de la galaxie et empêchant la formation de nouvelles étoiles pendant des milliards d’années. La présente étude a permis d’améliorer la compréhension de la manière dont ces objets puissants sont déclenchés et alimentés.
Le professeur Clive Tadhunter, du département de physique et d’astronomie de l’Université de Sheffield, déclare dans un communiqué : « Les quasars sont l’un des phénomènes les plus extrêmes de l’univers, et ce que nous voyons est susceptible de représenter l’avenir de notre propre galaxie, la Voie lactée, lorsqu’elle entrera en collision avec la galaxie d’Andromède dans environ cinq milliards d’années ».
Reconstitution de l’histoire de l’Univers
La découverte et l’étude d’un quasar à l’aube du cosmos offrent aux chercheurs un aperçu unique d’une époque où l’univers était encore jeune et très différent de ce que nous observons aujourd’hui. Grâce à leur luminosité, les quasars se distinguent à de grandes distances et agissent ainsi comme des phares illuminant les nuages d’hydrogène présents au début de l’Univers, permettant ainsi de comprendre son évolution.
Les quasars ne sont pas apparus immédiatement après le début de l’histoire de l’Univers. Au départ, des galaxies se sont formées, qui ont progressivement commencé à fusionner, puis les premiers quasars sont apparus dans leurs essaims. Les scientifiques montrent d’ailleurs que le rayonnement de ces objets peut interférer avec la formation des étoiles.
En effet, lorsque l’Univers était jeune, les galaxies contenant les quasars étaient plus proches ou en collision. Cela avait pour effet de nourrir le trou noir supermassif en leur centre et de libérer alors une énorme quantité d’énergie. Cette énergie chauffe et repousse le gaz environnant vers l’extérieur, générant de puissants écoulements qui traversent l’espace interstellaire tels un tsunami, causant des ravages dans la galaxie hôte.
Les écoulements jouent un rôle important dans l’évolution des galaxies. Le gaz alimente la formation d’étoiles, donc lorsque le gaz est éliminé en raison des écoulements, le taux de formation d’étoiles diminue. Dans certains cas, les flux sortants sont si puissants et expulsent de si grandes quantités de gaz qu’ils peuvent complètement arrêter la formation d’étoiles dans la galaxie hôte.
Les scientifiques pensent également que les écoulements sont le principal mécanisme par lequel le gaz, la poussière et les éléments sont redistribués sur de grandes distances dans la galaxie ou peuvent même être expulsés dans l’espace entre les galaxies — le milieu intergalactique. Cela peut provoquer des changements fondamentaux dans les propriétés de la galaxie hôte et du milieu intergalactique.
Le Dr Jonny Pierce, chercheur postdoctoral à l’Université du Hertfordshire, explique : « C’est un domaine dans lequel les scientifiques du monde entier souhaitent en savoir plus. D’ailleurs, l’une des principales motivations scientifiques du télescope spatial James Webb de la NASA est d’étudier les premières galaxies de l’Univers, et Webb est capable de détecter la lumière même des galaxies les plus éloignées. Les quasars jouent un rôle clé dans notre compréhension de l’histoire de l’Univers, et peut-être aussi de l’avenir de la Voie lactée ».