Après huit semaines consécutives d’intenses précipitations, le Pakistan est confronté à une crise sans précédent. Selon les autorités, les inondations ont causé la mort de plus de 1000 personnes, impacté plus de 33 millions d’habitants (sur les quelque 220 millions que compte le pays), détruit un million de maisons et plus de 3500 kilomètres de routes. Une situation qui ne fera que déstabiliser davantage un pays déjà économiquement fragile.
La mousson 2022 marquera à jamais les Pakistanais. Selon Sherry Rehman, la ministre du Changement climatique du pays, un tiers du pays est désormais sous l’eau. « Je peux dire sans crainte d’être contredit que cette situation d’inondation est probablement la pire de l’histoire du Pakistan », a déclaré le Premier ministre Shehbaz Sharif, selon les propos rapportés par le Washington Post. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont dû être hébergées dans des camps d’urgence et le nombre de morts ne cesse d’augmenter à mesure que les secours progressent.
Aujourd’hui, les dirigeants pakistanais somment les pays développés — qu’ils jugent responsables de ces conditions météorologiques extrêmes — de leur venir en aide. « Nous voulons montrer cela au monde développé en particulier. La qualité de vie dont bénéficient aujourd’hui les Occidentaux, quelqu’un en paie le prix dans le monde en développement », a déclaré Ahsan Iqbal, ministre de la Planification et du Développement. « Aucun pays ne peut faire face seul aux effets multiples et en cascade des phénomènes météorologiques extrêmes », souligne Rehman sur son compte Twitter.
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Vers une pénurie alimentaire et des risques sanitaires
Le district de Khairpur, dans la province du Sindh, située au sud du pays, est l’un des districts les plus durement touchés. Après une lente montée des eaux pendant près de deux mois, l’eau a soudainement déferlé, engloutissant au passage plusieurs villages. La ville de Padidan a reçu plus de 1700 mm de pluie en une seule journée ! « Du jamais vu, nulle part », a commenté la ministre du Changement climatique.
La ville de Karachi, le centre économique et financier du pays, a cumulé plus de 1200 mm en deux mois — alors qu’elle reçoit habituellement moins de 250 mm de pluie par an. Des pompes à eau ont été distribuées aux habitants, mais ces équipements ne sont pas d’une grande utilité face à l’ampleur de la catastrophe.
Les personnes qui ont été contraintes de quitter leur maison sont hébergées dans des camps de fortune, mais les secours manquent de matériel, de médicaments, de nourriture et d’eau potable. « Nous devons aider plus de 33 millions de personnes et les ressources de l’État sont au maximum de leur capacité », explique Rehman dans une interview accordée à Sky News.
Outre les pertes humaines et les innombrables dommages matériels causés par cette mousson apocalyptique, un autre problème majeur se profile à l’horizon : une pénurie alimentaire. « Une grande partie de la récolte du Sindh est endommagée. La moitié de la corbeille à pain du pays a disparu », a averti la ministre. Au total, près de 80 000 hectares agricoles ont été ravagés et plus de 710 000 animaux d’élevage ont péri sous les eaux ; sur les marchés, le prix des légumes a déjà explosé. Le risque est également sanitaire : les eaux stagnantes sont propices à la prolifération des moustiques et font craindre une épidémie de malaria.
Selon les experts, le nombre croissant d’événements météorologiques extrêmes dans le monde — y compris les inondations — est causé par la hausse des températures. Des températures plus élevées impliquent en effet plus d’eau dans l’air : pour chaque degré supplémentaire, l’air peut contenir environ 4% d’eau en plus, ce qui entraîne des pluies torrentielles. Ironie du sort : les émissions de gaz à effet de serre proviennent essentiellement des pays les plus riches, mais ce sont les pays en développement qui en subissent les conséquences.
Un enchaînement d’événements extrêmes
Le Pakistan paie aussi ici ses années de retard sur la prise en compte du réchauffement climatique, explique Ayesha Siddiqi, spécialiste de la question climatique en Asie du Sud, à l’Université de Cambridge. De par la pression démographique, les habitants peinent à trouver un endroit où s’installer et vont parfois jusqu’à occuper les zones inondables. En outre, dans les régions les plus pauvres, les constructions sont peu robustes et ne sont pas protégées contre les intempéries.
Cette année, le Pakistan a malheureusement enchaîné les événements météorologiques dévastateurs. Dès la sortie de l’hiver, le pays a subi quatre vagues de chaleur successives (les températures dépassant à plusieurs reprises les 50 °C) et une sécheresse intense, qui ont sérieusement impacté l’agriculture. Et ces deux derniers mois, des précipitations environ quatre fois supérieures à la moyenne de ces 30 dernières années ont déferlé sur le pays. Une masse d’eau qui a fait déborder les fleuves et rivières déjà gonflées par la fonte accélérée des glaciers de l’Himalaya. « Nous sommes littéralement en première ligne de la catastrophe climatique en cours. Cela arrivera à d’autres plus tard. Il est temps que nous en prenions tous conscience », a souligné Rehman.
Ces inondations surviennent malheureusement alors que le pays était déjà en grande difficulté financière : la flambée des prix mondiaux des produits de base, ajoutée à la hausse du dollar américain, a entraîné une augmentation des coûts de l’électricité et de l’alimentation. Suite à une demande du Pakistan, le Fonds monétaire international a débloqué lundi 1,1 milliard de dollars pour le pays. Mais les dommages causés par les inondations sont estimés à 11 milliards de dollars selon le ministre des Finances, ce qui ne va guère arranger la situation.
Le pays va néanmoins bénéficier d’une aide de l’Agence des États-Unis pour le développement international de 30 millions de dollars, ainsi que d’une enveloppe de l’ONU de 3 millions de dollars. « Cette super inondation est provoquée par le changement climatique ; les causes sont internationales, et la réponse appelle donc une solidarité internationale », a déclaré Julien Harneis, coordinateur humanitaire des Nations Unies au Pakistan.