Une équipe de chercheurs chinois a eu l’idée d’ajouter du lycopène — un pigment naturel de la famille des caroténoïdes, que l’on trouve principalement dans la tomate, mais aussi dans d’autres fruits rouges — dans des cellules solaires à base de pérovskites pour améliorer leur efficacité et leur stabilité. Cette approche pourrait mener à un développement plus respectueux de l’environnement de ces cellules solaires.
La plupart des cellules photovoltaïques sont aujourd’hui constituées de semi-conducteurs, principalement à base de silicium. Le principe d’une cellule photovoltaïque est de forcer les électrons et les lacunes électroniques à se diriger chacun vers une face opposée du matériau. Pour ce faire, on utilise deux couches de semi-conducteur dopées respectivement P (avec excès de lacunes) et N (avec excès d’électrons) — ce que l’on appelle une jonction P-N.
Mais une nouvelle génération très prometteuse de cellules solaires a fait son apparition il y a quelques années : les cellules solaires à pérovskites (PSC), composées le plus souvent d’un matériau hybride organique-inorganique. Les matériaux pérovskites, tels que les halogénures de plomb de méthylammonium et les halogénures de plomb de césium, entièrement inorganiques, sont particulièrement peu coûteux à produire et simples à fabriquer. En outre, leur rendement n’a cessé d’augmenter ces dernières années, dépassant celui des cellules solaires à jonction P-N au silicium.
Un antioxydant naturel pour empêcher la dégradation
Néanmoins, il est rapidement apparu que les cellules à pérovskites se dégradent rapidement à la lumière — un comble pour des cellules photovoltaïques ! Conséquence : lorsque ces cellules sont exposées au soleil, leur rendement chute en quelques minutes à peine. En outre, elles sont sensibles à l’humidité, à la température et souffrent d’une instabilité structurale globale.
Cette instabilité est essentiellement due à deux facteurs. Tout d’abord, la pérovskite n’est pas un matériau monocristallin : elle est composée de plusieurs grains accolés les uns aux autres. L’interface entre les grains entraînant des défauts chimiques, il faut ainsi veiller à utiliser des grains les plus fins possibles. Par ailleurs, une part des électrons créés par le rayonnement lumineux est piégée dans le réseau atomique : peu mobiles, ils finissent par s’accumuler aux électrodes, empêchant le passage des autres électrons. Ce qui se traduit par une chute du rendement.
Parce qu’elles impliquent l’utilisation de matériaux toxiques (plomb ou étain par exemple), il n’est pas question de fabriquer des cellules à pérovskites de courte durée de vie. Leur faible coût de production et leur efficacité présentent néanmoins un intérêt commercial certain ; par conséquent, les scientifiques s’emploient à trouver le moyen d’augmenter leur stabilité, afin que leur rendement ne faiblisse pas au fil du temps.
Dans ce contexte, une équipe de chercheurs chinois de l’Université de Jilin s’est inspirée de la nature. Le lycopène est un puissant antioxydant que l’on trouve dans plusieurs fruits rouges, en particulier dans la tomate cuite (mais aussi dans la pastèque, la papaye ou le pamplemousse rose). Ce pigment, que l’on tire de notre alimentation, est connu pour protéger la peau contre les méfaits des UV solaires : il se lie aux radicaux libres produits par la lumière ultraviolette et protège ainsi les tissus cutanés des dommages cellulaires.
Les chercheurs ont donc eu l’idée de vérifier si le lycopène pouvait agir de la même façon dans les cellules solaires à pérovskites exposées aux UV et à l’oxygène de l’air — l’objectif étant de ralentir leur dégradation.
Une efficacité maintenue pendant près de cinq mois
« Des additifs naturels, sains et peu coûteux devraient non seulement réduire les sites de piégeage, mais aussi améliorer considérablement la stabilité », notent les chercheurs dans leur article. Les résultats obtenus par l’équipe indiquent en effet que le lycopène peut passiver les joints de grains, améliorer la cristallinité et même réduire la densité des pièges d’électrons, ce qui améliore le flux d’électricité.
Les cellules solaires modifiées sont non seulement devenues plus stables, mais aussi plus efficaces. Les chercheurs rapportent une amélioration notable de l’efficacité de conversion de l’énergie, qui est passée de 20,57% à 23,62%. De plus, le lycopène peut éliminer les radicaux libres induits par les UV dans le processus de vieillissement à la lumière. Le dispositif présente également des propriétés hydrophobes et antioxydantes améliorées, une grande stabilité au dioxygène avec un rendement moyen de 91,2% pendant 960 heures, une meilleure stabilité aux UV et une stabilité à long terme avec un rendement moyen de 92,4% après 3500 heures.
« Ce travail fournit une stratégie pour résoudre les problèmes d’efficacité et de stabilité des dispositifs PSC en s’inspirant des plantes naturelles, ce qui ouvre la voie au développement de PSC respectueux de l’environnement avec une efficacité et une stabilité élevées », conclut l’équipe. La commercialisation de ce type de cellules ne pourra toutefois être envisagée que lorsque leur efficacité sera durable sur près d’une trentaine d’années.