Paradoxe climatique : la couche d’ozone pourrait amplifier de 40 % le réchauffement d’ici 2050

Les efforts visant à la reconstituer apporteraient moins de bénéfices climatiques qu’on le pensait.

ozone rechauffement climatique
| Pixabay
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Alors que la couche d’ozone fait office de bouclier naturel protégeant la surface de la Terre contre les radiations solaires, de nouvelles simulations suggèrent qu’elle pourrait amplifier le réchauffement de la planète d’environ 40 % d’ici 2050 par rapport aux prévisions initiales, lorsqu’elle est combinée à la pollution atmosphérique d’origine anthropique. Cela signifierait que les décennies d’efforts visant à la reconstituer apportent moins de bénéfices climatiques que prévu, même si elle demeure essentielle à la protection de la vie sur Terre.

L’ozone (O3) est un gaz optiquement actif, absorbant et émettant le rayonnement infrarouge terrestre à ondes longues, tout en filtrant les rayonnements solaires à ondes courtes dans les spectres ultraviolet (UV) et visible. Située dans la stratosphère entre 20 000 et 50 000 mètres d’altitude, la couche d’ozone entourant la Terre joue un rôle vital en agissant comme un filtre naturel contre les rayons UV solaires.

La couche d’ozone bloque notamment les rayonnements UV-B, susceptibles d’altérer l’ADN. Sans elle, des mutations délétères se produiraient chez tous les organismes vivants, et l’incidence des cancers de la peau ainsi que des maladies oculaires augmenterait fortement. Les inquiétudes liées à son amincissement ont émergé dans les années 1970, en raison de ses impacts potentiels à la fois sur la santé publique et sur le climat.

Si la couche filtre les radiations solaires nocives, sa capacité à retenir le rayonnement infrarouge terrestre en fait également un contributeur au réchauffement. Son amincissement se traduit par une diminution de l’ozone stratosphérique, tandis que la concentration d’ozone dans la troposphère – issue de la pollution atmosphérique d’origine anthropique – augmente, piégeant davantage de chaleur près de la surface.

Un équilibre fragile entre protection et réchauffement

On estime qu’environ 90 % de l’ozone terrestre se trouve dans la stratosphère, contre près de 10 % dans la troposphère, une répartition qui a fluctué au fil des décennies. L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique dans les années 1970 était lié à l’utilisation massive de chlorofluorocarbures (CFC) et d’hydrochlorofluorocarbures, employés notamment dans les systèmes réfrigérants et de climatisation. Le Protocole de Montréal, établi en 1987, a interdit l’usage de ces substances dans le but de restaurer la couche d’ozone.

Cependant, ces efforts ne semblent pas produire les bénéfices climatiques escomptés, selon une récente étude parue dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics. « Les pays font ce qu’il faut en continuant d’interdire les produits chimiques appelés CFC et HCFC qui endommagent la couche d’ozone au-dessus de la Terre », explique dans un communiqué Bill Collins, de l’université de Reading, auteur principal de l’étude. « Cependant, si cela contribue à réparer la couche d’ozone protectrice, nous avons constaté que cette reconstitution de l’ozone réchauffera la planète plus que prévu », précise-t-il.

Les chercheurs ont eu recours à des modélisations pour simuler l’évolution de l’atmosphère d’ici 2050. Les scénarios retenus reposaient sur une réduction progressive des CFC et HCFC, conformément au Protocole de Montréal, mais sur un contrôle limité de la pollution atmosphérique.

« Pour la première fois, nous quantifions le forçage radiatif futur de l’ozone de 2015 à 2050 à l’aide de plusieurs modèles, en distinguant les effets dus aux variations des substances appauvrissant la couche d’ozone (SACO) de ceux liés aux émissions de précurseurs de l’ozone », précisent les auteurs. « Nous quantifions le forçage dû aux variations de l’ozone dans la troposphère et dans la stratosphère », ajoutent-ils.

Un acteur sous-estimé du réchauffement climatique

Les simulations révèlent que, bien qu’ils soient eux-mêmes des gaz à effet de serre, l’élimination des CFC et HCFC n’apporte pas les bénéfices climatiques attendus. Alors que la restauration de la couche d’ozone visait initialement à atténuer (indirectement) le réchauffement en éliminant ces gaz, l’effet inverse pourrait se produire d’ici quelques décennies. Selon l’équipe, l’ozone stratosphérique, combiné à la pollution d’origine anthropique, pourrait entraîner un réchauffement environ 40 % supérieur aux prévisions initiales.

Plus précisément, l’ozone devrait provoquer un réchauffement supplémentaire de 0,27 watt par mètre carré (Wm-2) – une mesure de la quantité d’énergie piégée par mètre carré de surface terrestre – entre 2015 et 2050. À titre de comparaison, le CO2 devrait générer un réchauffement supplémentaire de 1,75 Wm-2 sur la même période, ce qui ferait de l’ozone le deuxième contributeur au réchauffement climatique.

« La pollution atmosphérique provenant des véhicules, des usines et des centrales électriques crée également de l’ozone près du sol, ce qui entraîne des problèmes de santé et contribue au réchauffement planétaire », souligne Bill Collins. Même si des efforts de réduction de l’ozone issu de la pollution atmosphérique sont entrepris, la couche d’ozone stratosphérique continuera de se reconstituer durant plusieurs décennies, provoquant selon les experts un réchauffement inévitable.

Si la protection de la couche d’ozone demeure essentielle, ces résultats suggèrent que les politiques climatiques devraient être réadaptées pour tenir compte de ses effets de réchauffement.

Source : Atmospheric Chemistry and Physics
Laisser un commentaire