Des chercheurs ont peut-être enfin résolu le célèbre « paradoxe de l’information» de Stephen Hawking sur les trous noirs, un véritable casse-tête pour les physiciens durant depuis plusieurs décennies. Dans une nouvelle étude, ils suggèrent qu’en considérant les lois de la gravité quantique — une possibilité que Hawking n’avait pas prise en compte, le rayonnement thermique des trous noirs serait modifié de sorte à pouvoir conserver l’information contenue — plutôt que de la perdre à jamais, comme le veut le « rayonnement de Hawking ».
Le célèbre paradoxe de l’information de Hawking sur les trous noirs postule que les informations qu’ils contiennent disparaissent avec le temps (au fur et à mesure que l’objet s’évapore), opposant ainsi les lois de la mécanique quantique à celles de la relativité générale.
Pour comprendre la théorie avancée par l’éminent physicien, il faut d’abord considérer un trou noir d’un point de vue théorique. Selon les lois de la physique, les trous noirs sont des objets relativement simples, « si simples qu’ils peuvent être caractérisés par trois caractéristiques : leur masse, leur moment cinétique et leur charge électrique », explique Xavier Calmet, chercheur au département de physique et d’astronomie de l’Université du Sussex (Royaume-Uni).
Rappelons que ces objets, si denses que même la lumière ne peut échapper à leur attraction gravitationnelle, se forment généralement à la suite de l’explosion d’une étoile massive. La théorie de la « relativité générale » stipule d’ailleurs que rien ne peut échapper à l’emprise gravitationnelle d’un trou noir.
En 1976, Hawking a suggéré que les trous noirs « s’évaporent » lentement avec le temps en perdant de l’énergie sous forme de rayonnement thermique. Désignées sous le nom de « rayonnement de Hawking », ces radiations disparaîtraient avec le trou noir à la fin de sa vie, en même temps que les informations qu’elles contenaient. D’après Hawking, bien que ce rayonnement s’échappe lentement des trous noirs, il ne peut transporter des informations en raison de sa nature thermique. Cette évaporation conduirait ainsi les trous noirs à détruire au passage toute information les concernant, ainsi que celle de tous les objets engloutis. Un trou noir « solitaire » finirait par disparaître de lui-même, sans laisser de traces, en même temps que ces objets, car il perd de l’énergie et de la masse s’il ne peut se nourrir d’un autre objet céleste (étoiles, galaxies entières, etc.).
Paradoxalement, les lois de la mécanique quantique indiquent que l’état final d’un objet peut révéler des indices sur son état initial et que les informations ne peuvent être complètement effacées. Et bien que le trou noir final soit un objet relativement simple, l’étoile qui l’a engendré est un amalgame complexe d’atomes interagissant entre eux pour produire de l’énergie. À partir du rayonnement de Hawking d’un trou noir, nous devrions ainsi pouvoir remonter jusqu’à son origine, car l’information qu’il contient ne peut tout simplement pas être effacée de l’Univers.
Tentant de résoudre ce paradoxe, des chercheurs ont avancé dans une étude antérieure (2022) que ces informations pourraient être conservées dans le rayonnement entourant les trous noirs, sous forme de « cheveux » cosmiques. Surnommés « cheveux quantiques de la gravité », ils recèleraient d’informations sur les origines des trous noirs. La nouvelle étude, publiée dans la revue Physics Letters B le 6 mars 2023 par la même équipe, complète ces recherches en incluant les lois de la gravitation quantique dans les calculs.
Des informations conservées par le biais de la gravité quantique
D’après l’étude de 2022, les chercheurs suggèrent que les trous noirs possèdent des cheveux quantiques. Il s’agit d’une empreinte quantique unique à chaque trou noir et qui se manifeste au niveau des champs gravitationnels les entourant. Dans leurs nouveaux calculs cependant, les scientifiques ont cette fois pris en compte les effets de la gravité quantique sur le rayonnement émis par les trous noirs.
Ils ont ainsi conclu que la gravité quantique peut modifier le rayonnement de Hawking de sorte à le convertir en rayonnement non thermique. De cette manière, il pourrait ainsi contenir des informations. « Bien que ces corrections gravitationnelles quantiques soient minuscules, elles sont cruciales pour l’évaporation des trous noirs », explique Calmet. L’information s’échappant d’un trou noir pourrait ainsi être récupérée par un observateur extérieur.
Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’il n’existe pas encore de dispositifs capables de mesurer ce rayonnement de Hawking. L’affirmation des chercheurs reste ainsi purement théorique. De plus, les effets de la gravité quantique que subit ce rayonnement seraient infimes. Selon les chercheurs, le meilleur moyen actuel de confirmer la théorie est de simuler des trous noirs en laboratoire, en modélisant mathématiquement les fameux rayonnements.