Une récente expérience sur le Toxoplasma gondii, un parasite courant transmis par les chats et la viande mal cuite, révèle qu’il décapite les spermatozoïdes humains après seulement cinq minutes de contact direct. Bien que ses effets sur la fertilité demeurent incertains, les chercheurs soupçonnent qu’il pourrait en partie expliquer la baisse de la fertilité masculine observée au cours des dernières décennies.
T. gondii est un parasite unicellulaire susceptible de provoquer de graves infections chez les animaux à sang chaud, y compris les humains. Les chats infectés excrètent les œufs dans leur litière ou d’autres endroits où les humains et d’autres animaux peuvent entrer en contact. Ces œufs peuvent également se retrouver sur des fruits et légumes mal lavés, les crustacés et la viande mal cuite.
Si la plupart des hôtes du parasite parviennent à contenir l’infection initiale sans manifester de symptômes notables, T. gondii peut néanmoins persister à vie dans l’organisme, sous forme de kystes dormants présents dans le cerveau, le cœur et les tissus musculaires. Ces kystes peuvent se réactiver en cas d’immunodépression, entraînant des manifestations sévères.
Chez l’humain comme chez le mouton, les infections prénatales peuvent, par exemple, provoquer des avortements spontanés ou affecter le développement du fœtus. On estime que 30 à 50 % de la population mondiale est porteuse du parasite de manière permanente.
Parallèlement, la fertilité masculine a considérablement diminué au cours des dernières décennies. Une étude épidémiologique a mis en évidence une hausse de près de 80 % du nombre de cas rapportés d’infertilité masculine entre 1990 et 2019. Les facteurs les plus souvent invoqués sont l’obésité et l’exposition à des toxines environnementales.
Or, si les effets de la toxoplasmose sur la grossesse sont bien documentés, des indices de plus en plus nombreux laissent penser qu’elle pourrait également altérer la fertilité masculine. Une récente étude codirigée par l’Institut de parasitologie de l’Université Justus Liebig de Giessen, en Allemagne, vient étayer cette hypothèse en montrant, pour la première fois, que les spermatozoïdes humains sont décapités après un contact direct avec le parasite. Les résultats ont été publiés dans The FEBS Journal.
Une propagation rapide au niveau des organes génitaux
Une fois introduit dans l’organisme, le toxoplasme se propage à travers de nombreux organes, y compris les organes reproducteurs masculins. Les premières preuves de cette dissémination sont apparues au plus fort de la pandémie de sida, dans les années 1980, lorsque certains patients présentaient des parasites dans leurs testicules.
Bien que les personnes immunodéprimées soient plus à risque, les individus en bonne santé peuvent également être infectés. Des observations en imagerie sur des souris ont révélé que le parasite migre vers les testicules en quelques jours seulement après l’infection. Il peut également former des kystes dans la prostate ou dans le sperme, suggérant une possible transmission sexuelle.
Concernant les conséquences sur la fertilité, une étude a établi que plus de 86 % des hommes infectés présentaient des anomalies spermatiques. Par ailleurs, une proportion significative de couples infertiles se révèle plus susceptible d’être infectée par T. gondii. Selon Bill Sullivan, professeur de microbiologie et d’immunologie à l’Université de l’Indiana, « la nouvelle étude renforce les résultats récents qui soulignent l’importance de prévenir cette infection parasitaire. »
22,4 % de spermatozoïdes étêtés en 5 minutes
L’objectif de cette nouvelle étude était d’évaluer la capacité des tachyzoïtes (forme asexuée en multiplication rapide) de T. gondii à infecter les testicules et l’épididyme, et à analyser leurs effets sur la morphologie et les fonctions des spermatozoïdes humains.

Chez les souris, les chercheurs ont confirmé que les parasites colonisent rapidement les testicules et l’épididyme, dès deux jours après l’infection. Ils y perturbent l’homéostasie des tissus, entraînant une infiltration immunitaire et des lésions cellulaires.
Les chercheurs ont ensuite exposé in vitro des spermatozoïdes humains au parasite : 22,4 % d’entre eux étaient étêtés après seulement cinq minutes d’exposition. Cette proportion augmentait rapidement avec la durée du contact. Les observations au microscope électronique à balayage et à transmission ont mis en évidence des anomalies structurelles, telles que des queues torsadées et des ruptures de la membrane plasmique.
« Certains spermatozoïdes présentaient des trous dans leur tête, suggérant que les parasites tentaient de les envahir comme ils le feraient avec n’importe quel autre type de cellule des organes qu’ils infiltrent », indique Sullivan. En outre, les tachyzoïtes ont entraîné une perte du potentiel membranaire mitochondrial (MMP) sans modification des concentrations d’espèces réactives de l’oxygène (ROS), ce qui a conduit à la mort cellulaire. Le dysfonctionnement mitochondrial apparaît ainsi comme un mécanisme possible des dommages infligés aux spermatozoïdes.

Une prévention toujours aussi importante
Bien que les chercheurs soupçonnent un lien entre toxoplasmose et déclin de la fertilité masculine à l’échelle mondiale, la relation de cause à effet reste à ce jour difficile à établir. Pour Sullivan, les études disponibles montrant des anomalies spermatiques restent trop peu nombreuses pour aboutir à des conclusions définitives.
La prévention de l’infection demeure néanmoins essentielle. « Quel que soit l’effet potentiel de ce parasite sur la fertilité, il est conseillé d’éviter le toxoplasme », insiste-t-il. Il recommande notamment de nettoyer régulièrement la litière des chats, de se laver soigneusement les mains après chaque manipulation, de bien laver fruits et légumes, de cuire correctement la viande et les crustacés, et d’éviter la consommation de lait cru.