Des patients atteints de la maladie de Parkinson ont retrouvé une meilleure mobilité, un sommeil apaisé et une qualité de vie améliorée après avoir reçu des greffes de cellules souches directement dans le cerveau. Pour la première fois, des essais cliniques montrent que ces cellules peuvent survivre, produire de la dopamine et atténuer durablement les symptômes moteurs. Une percée médicale que les chercheurs espéraient depuis plus de deux décennies.
Bien que menés sur un nombre restreint de patients, ces essais cliniques ont mis en évidence la capacité des cellules souches, une fois transplantées dans le cerveau, à produire de la dopamine et à atténuer certains symptômes moteurs de manière notable. L’une de ces approches thérapeutiques a d’ores et déjà reçu l’aval de la FDA pour débuter une phase 3 d’essais cliniques, dernière étape avant une éventuelle mise sur le marché.
Parkinson, deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente dans le monde, se caractérise par une destruction progressive des neurones au sein d’une région cérébrale centrale : la substance noire (ou *locus niger*). Cette zone, essentielle au contrôle du mouvement, perd d’abord ses neurones producteurs de dopamine – un neurotransmetteur clé dans la régulation des fonctions neurologiques – avant de se détériorer totalement.
À mesure que ces neurones dégénèrent, apparaissent des symptômes invalidants : tremblements, rigidité musculaire, troubles de la marche, déficits cognitifs, fatigue chronique. Selon les projections de GlobalData, le nombre de personnes atteintes dans sept grands pays (États-Unis, Allemagne, Italie, Espagne, Japon, Royaume-Uni et France) passera de 2,16 millions en 2023 à 3,15 millions en 2033.
Cellules souches : une piste thérapeutique en pleine effervescence
Si plusieurs traitements permettent aujourd’hui d’atténuer les symptômes, aucun ne permet encore de guérir la maladie. La lévodopa, convertie en dopamine par les neurones, constitue le traitement de référence pour soulager les symptômes moteurs tels que la bradykinésie, la rigidité ou les tremblements.
Elle est souvent administrée en association avec des substances comme la carbidopa ou la bensérazide, qui en améliorent l’efficacité en limitant sa dégradation prématurée. Toutefois, son efficacité décroît avec le temps, à mesure que les cellules cérébrales s’altèrent. À long terme, elle peut même provoquer des mouvements involontaires, connus sous le nom de dyskinésies.
D’autres options existent, comme la stimulation cérébrale profonde, qui mime l’activité neuronale normale pour atténuer les symptômes. Mais cette technique, qui implique une intervention chirurgicale invasive et un suivi médical soutenu, reste hors de portée pour de nombreux patients.
Confrontés à ces limites, les chercheurs se sont tournés vers une alternative ambitieuse : remplacer les neurones dopaminergiques défaillants. C’est précisément le pari qu’ont fait les deux équipes à l’origine de ces récentes publications, en recourant à des cellules souches – ces cellules immatures capables de se transformer en divers types cellulaires, y compris en neurones producteurs de dopamine.
Une première étude riche d’enseignements
La première étude s’est appuyée sur un échantillon de douze patients nord-américains. Les scientifiques leur ont administré des doses variables d’un traitement expérimental conçu par BlueRock Therapeutics, filiale du groupe pharmaceutique Bayer. Le produit est issu de cellules souches embryonnaires humaines transformées en « progéniteurs neuronaux » – une forme précoce de cellules cérébrales.
« L’objectif est de positionner ces cellules précisément là où elles peuvent établir des connexions fonctionnelles avec d’autres neurones », explique dans un communiqué le Dr Viviane Tabar, présidente du département de neurochirurgie au Memorial Sloan Kettering Cancer Center, cofondatrice de BlueRock et autrice principale de l’étude.
Au total, trois millions de cellules ont été injectées dans 18 zones spécifiques du mésencéphale. Environ 300 000 d’entre elles – un chiffre approximatif, bien que certaines estimations évoquent plutôt 400 000 à 600 000 neurones dopaminergiques dans cette région – ont survécu après la greffe. Un traitement immunosuppresseur a été prescrit pendant un an afin de prévenir tout rejet.
Dix-huit mois après l’intervention, des examens par TEP ont suggéré que les cellules greffées produisaient de la dopamine. Les évaluations cliniques ont montré une amélioration des symptômes à hauteur de 50 %. Les patients ont également signalé une réduction notable de leurs symptômes moteurs et de troubles associés – sommeil, appétit, mobilité quotidienne. La mention d’une réduction de la douleur, symptôme moins caractéristique de la maladie, mérite toutefois d’être nuancée.
« Un patient parkinsonien typique perd deux à trois points par an sur l’échelle UPDRS. Or, les patients ayant reçu la dose maximale ont gagné jusqu’à 20 points », souligne le Dr Lorenz Studer, co-auteur de l’étude et directeur du Centre de biologie des cellules souches au Memorial Sloan Kettering Institute.
Une seconde étude fondée sur les CSPi
Le recours aux cellules souches pour traiter la maladie de Parkinson s’inscrit dans une longue histoire scientifique. Dès les années 1980, des essais de transplantation de tissu cérébral riche en neurones dopaminergiques avaient montré des résultats encourageants. Mais cette méthode, fondée sur l’utilisation de tissu fœtal, soulevait de lourdes objections éthiques.
Comme le rappelle Hideyuki Okano, du Centre de recherche en médecine régénérative de l’Université Keio à Tokyo, ces travaux ont constitué « une première preuve de concept » mais n’ont pu se généraliser en raison des controverses.
Pour contourner ces obstacles, les chercheurs ont mis au point deux grandes stratégies : d’une part, créer en laboratoire des lignées de cellules souches à capacité de prolifération quasi illimitée ; d’autre part, reprogrammer chimiquement des cellules adultes – généralement cutanées – en cellules souches pluripotentes induites (CSPi).
Il y a cinq ans, une équipe avait déjà réussi à convertir des CSPi en neurones dopaminergiques et à les transplanter chez un patient, avec une amélioration des symptômes observée sur deux ans.
Dans l’étude récente menée à Kyoto, les chercheurs ont utilisé cette même approche : sept patients ont reçu des injections bilatérales de CSPi dérivées de leurs propres cellules. Comme dans l’étude nord-américaine, les examens cliniques ont suggéré que les cellules transplantées produisaient de la dopamine. Les participants ont constaté une réduction notable de leurs symptômes. Aucun effet indésirable grave n’a été observé.
Une avancée attendue de longue date
Ces deux publications résultent de plus de vingt-cinq années de recherches consacrées à l’application des cellules souches aux pathologies neurodégénératives. L’équipe du Dr Studer a notamment consacré une décennie à identifier la méthode de production des neurones dopaminergiques, puis une autre à concevoir un produit compatible avec une utilisation clinique.
Parmi les défis techniques majeurs : la mise au point de protocoles de cryoconservation permettant de stocker et transporter les cellules sous forme congelée, sans altérer leur potentiel thérapeutique.
Si les résultats sont encourageants, les chercheurs restent prudents. Le traitement nécessite encore une quantité considérable de cellules et un contrôle qualité rigoureux afin d’assurer son efficacité et sa sécurité. Malgré ces contraintes, cette double avancée ouvre une nouvelle piste thérapeutique pour des millions de malades.