En injectant un traitement composé principalement de nanoparticules plasmatiques de jeunes porcs à des rats âgés, des chercheurs sont parvenus à inverser leur vieillissement de plus de 67% (67,4%). Si ce résultat était transposé aux humains, cela équivaudrait à ramener une personne de 80 ans à un âge biologique de 26 ans ! À terme, les applications de ce traitement expérimental (baptisé E5) ne se limiteraient pas uniquement aux humains, mais également à la conservation des espèces menacées.
La parabiose hétérochronique, impliquant le mélange de sang jeune et âgé, est explorée depuis plusieurs années dans l’espoir d’inverser le vieillissement biologique et de lutter contre les maladies liées à l’âge. Des expériences sur des modèles animaux ont démontré que le transfert de sang jeune dans un organisme âgé prolonge la durée de vie. Les effets observés, transparaissant au niveau des tissus, suggèrent qu’ils résultent directement de facteurs plasmatiques transmissibles. Ces découvertes ont conduit à de vastes recherches visant à identifier et isoler ces facteurs potentiels.
Cependant, dans la biologie du vieillissement, il est essentiel de différencier l’amélioration de la santé ou du fonctionnement des organes et la véritable inversion de l’âge au niveau moléculaire. En effet, si le premier peut être obtenu par le biais de médicaments ou d’interventions chirurgicales, les biomarqueurs cliniques identifiés jusqu’ici ne suffisent pas à établir avec précision les mécanismes fondamentaux pouvant être liés au second.
La nouvelle étude, publiée dans la revue GeroScience, avait pour objectif de déterminer si les traitements basés sur la parabiose hétérochronique peuvent véritablement inverser l’âge biologique. L’expérience marque également le premier cas de transfert épigénétique interespèce au monde. « Cette étude visait à répondre à la question suivante : le jeune plasma de porc inverse-t-il l’âge biologique des tissus de rat ? », expliquent les experts, issus de l’Université de Californie et du laboratoire Yuvan Research, dans leur document.
Une analyse basée sur six horloges épigénétiques
Les changements épigénétiques (tels que la méthylation et la glycosylation) sont une caractéristique bien établie du vieillissement. La différence entre l’âge par méthylation et l’âge chronologique est par exemple prédictive de la mortalité (toutes causes confondues) et est associée à un large éventail de pathologies (telles que la neurodégénérescence). Dans le cadre de la nouvelle étude, 6 horloges épigénétiques distinctes ont été utilisées pour quantifier le taux de vieillissement chez les rats. Parmi ces horloges figurent notamment la méthylation et la glycosylation, toutes deux applicables aux humains.
D’un autre côté, des analyses de l’immunoglobuline G humaine (IgG) ont démontré que des changements dans sa composition en N-glycome se produisent avec le vieillissement et les conditions pathologiques liées à l’âge. Cette voie fournit une horloge glycannique pouvant indiquer l’âge moléculaire et pouvant être inversée par le biais de changements du mode de vie. En complément des horloges épigénétiques, les chercheurs de l’étude ont ainsi effectué des profilages d’IgG N-glycanes ainsi que des évaluations physiologiques, histologiques, biochimiques et cognitives.
Ramener une personne de 80 ans à 26 ans ?
Le traitement E5, administré à des rats âgés de 2,3 ans au maximum, est composé de fractions de nanoparticules plasmatiques provenant de jeunes porcs. Ces fractions comprennent des exosomes, des vésicules extracellulaires transportant des molécules bioactives — impliquées dans la communication intercellulaire, l’activité antitumorale, la régénération tissulaire et la réponse immunitaire, des fonctions vitales qui se détériorent avec l’âge. Parmi ces molécules figure également un large éventail de protéines, de lipides, de microARN et d’ARNm.
D’autre part, le traitement est basé sur le principe de l’échange plasmatique hétérochronique et ainsi n’implique pas la fixation physique des systèmes circulatoires des deux animaux (le porc et le rat). Cela a l’avantage de réduire considérablement le stress induit. En outre, un jeune rat pèse environ deux fois moins qu’un vieux rat et ne pourrait donc remplacer que 50% du plasma de ce dernier. En revanche, le porc, par sa taille, peut renouveler 100% du sang d’un rat âgé.
Après seulement quelques jours de traitement, les rats ont enregistré une remarquable inversion de l’âge biologique, avec une moyenne de 67,4%. Dans une autre expérience, les rats âgés ont bénéficié d’un rajeunissement hépatique de 77,6%. Des résultats similaires chez l’Homme pourraient ramener une personne de 80 ans à l’âge biologique de 26 ans.
Mis à part l’humain, le traitement pourrait également potentiellement s’appliquer à d’autres animaux, en prolongeant par exemple la durée de vie des animaux de compagnie. Par ailleurs, il pourrait contribuer à la conservation des espèces menacées. En effet, en étant utilisé de manière contrôlée et responsable, ce traitement pourrait peut-être (sur le long terme) permettre de rééquilibrer le statut de conservation de certaines espèces et restaurer des écosystèmes entiers. Toutefois, de nombreux défis restent à surmonter avant d’envisager une application clinique.