[Article mis à jour, le 15/03/2021 à 17h30] La France, l’Italie et l’Allemagne viennent d’annoncer la suspension de l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca, par précaution. L’Agence européenne des médicaments doit rendre un avis demain après-midi. Le titre de l’article a de ce fait également été modifié le 15 mars à 18h06 (titre initial : « Les Pays-Bas s’ajoutent à la liste des pays ayant suspendu l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca »).
Le 11 mars, le Danemark, la Norvège et l’Islande ont choisi de suspendre l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca par mesure de précaution, après avoir relevé des « cas graves de formation de caillots sanguins » chez certaines personnes vaccinées. Hier, les Pays-Bas ont annoncé à leur tour cesser momentanément l’administration de ce vaccin, suivis de la France, l’Italie et l’Allemagne le 15 mars. À ce jour, aucun lien n’a pourtant pu être établi entre le produit et les symptômes observés au niveau du système circulatoire.
Le ministre néerlandais de la Santé, Hugo de Jonge, a précisé qu’aucun cas de caillots sanguins n’avait été signalé aux Pays-Bas parmi les personnes ayant reçu le vaccin développé par l’Université d’Oxford et le laboratoire AstraZeneca. La décision a été motivée par l’apparition de caillots sanguins chez des Norvégiens vaccinés avec ce produit, faisant suite aux premiers cas déjà signalés au Danemark.
Plusieurs pays européens ont interrompu l’utilisation du lot concerné, qui comprend un million de doses du vaccin AstraZeneca et qui a été distribué à 17 pays de l’Union européenne, dont la France. Selon l’agence européenne des médicaments (EMA), au 9 mars, seulement 22 cas de thrombose avaient été signalés pour plus de trois millions de personnes vaccinées dans l’espace économique européen. À l’heure actuelle, l’existence d’un lien entre le vaccin et la formation de caillots sanguins n’est pas prouvée.
Des cas isolés qui génèrent une vague d’inquiétude
Les premiers rapports de caillots sanguins chez des personnes ayant reçu le vaccin d’AstraZeneca sont venus d’Autriche. Le pays a d’ailleurs cessé d’administrer ce vaccin suite au décès d’une infirmière de 49 ans, causé par de graves troubles de la coagulation, survenus quelques jours après qu’elle a été vaccinée. Dans la foulée, l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie et le Luxembourg, ont eux aussi suspendu l’utilisation des doses provenant de ce même lot. Le 10 mars, une enquête préliminaire de l’EMA a souligné qu’il n’existait aucun lien entre le vaccin d’AstraZeneca et le décès survenu en Autriche.
Pour justifier sa décision, l’Irlande a, quant à elle, cité un rapport faisant état d’un décès et de trois hospitalisations en Norvège. La professeure Karina Butler, chef du Comité consultatif national de vaccination d’Irlande, a déclaré que son gouvernement agissait par prudence, mais voulait en savoir plus sur le groupe inattendu d’événements de coagulation « très graves » observés chez les jeunes ; en effet, la Norvège a déclaré que le phénomène s’était produit chez des personnes de moins de 50 ans. Dans trois cas, il s’agissait d’une coagulation cérébrale, dont l’une s’est avérée fatale. Selon Butler, des similitudes avec d’autres cas signalés en Europe suggèrent qu’il pourrait potentiellement y avoir un lien avec le vaccin.
De même, le gouvernement néerlandais a annoncé vouloir attendre les résultats d’une enquête de l’EMA avant de poursuivre l’utilisation de ce vaccin : « Nous ne pouvons laisser aucun doute sur le vaccin. Nous devons nous assurer que tout va bien, il est donc sage de faire une pause pour le moment », a déclaré Hugo de Jonge. Même principe de précaution dans la région du Piémont, au nord de l’Italie : depuis hier, l’utilisation du vaccin est suspendue à titre de « mesure de précaution extrême ». Le pays s’interroge notamment sur la mort d’un enseignant qui avait été vacciné la veille.
De son côté, l’Agence danoise des médicaments a tenu à préciser dans un communiqué que le Danemark n’avait « pas renoncé au vaccin », mais qu’il souhaitait seulement faire « une pause dans son utilisation ». Le Danemark n’a enregistré qu’un seul décès suite à l’administration du vaccin ; ce décès fait actuellement l’objet d’une enquête de l’EMA. Jeudi, le ministre de la Santé Olivier Véran, s’est voulu rassurant. « Le bénéfice apporté par la vaccination est jugé supérieur au risque à ce stade », a-t-il affirmé en conférence de presse, soulignant que ce risque n’était statistiquement pas plus fort chez les patients vaccinés avec AstraZeneca que chez les autres. Cependant, le gouvernement français a annoncé il y a quelques heures la suspension de l’utilisation du vaccin, « en espérant la reprendre vite si l’EMA donne son feu vert », a déclaré le président de la République lors d’une conférence de presse.
« Une suspension injustifiée » pour le Royaume-Uni
Selon l’Agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA), des millions de personnes ont reçu le vaccin AstraZeneca sans aucun effet secondaire significatif. La France a reçu 316 800 doses de ce lot suspect, dont près de la moitié ont déjà été administrées selon l’Agence nationale de sécurité du médicament. Parmi les effets indésirables recensés dans l’Hexagone suite à l’administration de ce vaccin, la grande majorité sont des syndromes pseudo-grippaux ; aucun événement thrombo-embolique n’a en revanche été signalé. Un pompier d’Arles a toutefois été hospitalisé aujourd’hui pour une arythmie cardiaque, après sa première injection.
L’Agence norvégienne des médicaments a déclaré que les quatre personnes de moins de 50 ans qui avaient reçu le vaccin AstraZeneca avaient toutes un nombre réduit de plaquettes sanguines. « Les personnes de moins de 50 ans qui ont reçu le vaccin AstraZeneca et se sentent de plus en plus mal plus de trois jours après la vaccination, et qui remarquent des taches bleues plus ou moins grandes sur la peau (hémorragies cutanées) doivent consulter un médecin dans les plus brefs délais », conseillent les responsables de l’agence.
Pourquoi le Royaume-Uni n’a-t-il pas interrompu son programme de vaccination, malgré ces signalements ? Pour la MHRA, la suspension n’est simplement pas justifiée : « Nous sommes conscients de l’action en Irlande. Nous examinons de près les rapports, mais étant donné le grand nombre de doses administrées et la fréquence à laquelle des caillots sanguins peuvent apparaître naturellement, les preuves disponibles ne suggèrent pas que le vaccin en est la cause ».
Le groupe pharmaceutique britannique n’est pas vraiment inquiet. Un porte-parole de la société a déclaré qu’il n’y avait eu aucun signal provenant d’essais cliniques ou de ses données de sécurité — couvrant plus de 17 millions de doses — d’un risque accru d’embolie pulmonaire, de thrombose veineuse profonde ou de thrombocytopénie. Il souligne par ailleurs que le nombre rapporté de ces types d’événements était inférieur au nombre qui se serait produit naturellement dans la population non vaccinée. Vendredi, l’Organisation mondiale de la santé a assuré qu’il n’y avait « pas de raison de ne pas utiliser » ce vaccin.