Alienware Corporation, entreprise de matériel informatique et filiale du constructeur Dell, est un leader sur le marché des PC de jeu. Mais certains de ses ordinateurs sont aujourd’hui si puissants et gourmands en énergie qu’ils se heurtent aux réglementations énergétiques adoptées par certains États américains. D’autres pays pourraient également être concernés à l’avenir.
« Ce produit ne peut pas être expédié dans les États de Californie, du Colorado, d’Hawaï, de l’Oregon, du Vermont ou de Washington en raison des réglementations sur la consommation d’énergie adoptées par ces États », voilà le message d’avertissement à l’attention des clients américains, désormais affiché sur la boutique en ligne de Dell pour les ordinateurs concernés. Les commandes passées à destination des États mentionnés sont tout bonnement annulées.
Plusieurs États ont en effet mis en œuvre de nouvelles restrictions concernant la consommation énergétique de certains produits électroniques grand public, y compris les ordinateurs personnels. De ce fait, les modèles Aurora Ryzen Edition R10 ou R12, jugés trop énergivores, ne sont plus autorisés à la vente dans ces États. Ces restrictions font suite à un rapport de la Semiconductor Industry Association (SIA), paru en 2015, qui soulignait que la consommation totale d’énergie par l’informatique augmentait bien plus rapidement que la production mondiale d’énergie. Une situation clairement pas durable sur le long terme.
La Californie, pionnière des normes énergétiques pour l’informatique
Les processeurs actuels fonctionnent à environ 10-17 J/bit. Mais l’énergie requise pour les calculs pourrait très bien dépasser un jour la production énergétique mondiale — ce qui, selon la SIA, devrait survenir d’ici 2040. « La consommation totale d’énergie par l’informatique à usage général continue de croître de manière exponentielle et double environ tous les trois ans, tandis que la production mondiale d’énergie ne croît que de manière linéaire, d’environ 2% par an », peut-on lire dans un rapport établi en 2020.
Dès 2016, la Californie est devenue le premier État à instaurer des limites d’efficacité énergétique pour les ordinateurs. La California Energy Commission (CEC) avait alors voté à l’unanimité l’adoption de normes énergétiques plus strictes encadrant les appareils électroménagers, dans le but d’atteindre les objectifs climatiques. Depuis, d’autres États ont adopté des normes similaires.
À l’époque, le Natural Resources Defense Council (NRDC) — une organisation à but non lucratif de défense de l’environnement — estimait que ces normes énergétiques permettraient d’économiser plus de 2,3 milliards de kilowattheures d’électricité par an — soit l’équivalent de la consommation annuelle d’électricité de l’ensemble des foyers de San Francisco. Selon les prévisions, elles devaient également permettre de réduire la pollution de 730 000 tonnes de carbone chaque année.
Les modes « non actifs » en ligne de mire
Les exigences de niveau I sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019 ; celles du niveau II sont mises en œuvre depuis le 1er juillet 2021 : elles concernent les ordinateurs de bureau, les clients légers et les systèmes de jeux mobiles. À partir du 9 décembre, « les ordinateurs dotés d’une capacité de mise en réseau à haute vitesse, les ordinateurs portables multiécrans, les ordinateurs portables à comportement cyclique et les moniteurs avec des taux de rafraîchissement élevés » seront également concernés.
Selon un rapport de la CEC de 2016, les ordinateurs et les moniteurs représentent environ 3% de la consommation d’énergie dans les foyers et 7% de la consommation d’énergie commerciale de l’État. La plupart du temps, ces produits sont allumés et consomment de l’électricité, mais ne sont pas utilisés ou sont en mode veille. Ces modes non actifs — la CEC en distingue quatre au total : inactivité courte, inactivité longue, veille et arrêt — sont désormais encadrés par des limites strictes de consommation énergétique.
Ces dernières varient en fonction des caractéristiques du produit, mais globalement, les ordinateurs de bureau et de jeu, ainsi que les clients légers construits entre le 1er janvier 2019 et le 1er juillet 2021 ne doivent pas consommer plus de 50/80/100 kWh par an pour un score d’extensibilité (ES) inférieur à 250, compris entre 251 et 425, puis entre 426 et 690 respectivement. Pour le niveau II — qui concernent les appareils fabriqués après le 1er juillet — les limites de consommation tombent à 50/60/75 kWh par an. Si les machines d’Alienware sont bien conformes au label Energy Star — initié par l’Environmental Protection Agency en 1992 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre —, certaines configurations ne répondent plus à ces nouvelles normes.
À ce jour, on ne sait pas réellement si d’autres constructeurs que Dell sont affectés par cette nouvelle réglementation. Acer a déclaré à The Register qu’il étudiait actuellement la question, et HP n’a fait aucun commentaire. À noter que ces restrictions qui concernent les PC de jeu pourraient ne pas s’appliquer à des pratiques encore plus énergivores et nuisibles à l’environnement, telles que le minage de cryptomonnaies. Pour rappel, le minage de Bitcoin consomme en un an plus d’électricité que toute l’Argentine.