Percée : des physiciens observent la lumière passer du « temps imaginaire » dans un matériau

Le phénomène a été théorisé il y a près de 10 ans mais n’a jusqu’ici pas été démontré expérimentalement.

lumiere temps imaginaire
| Pixabay
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Des chercheurs ont pour la première fois observé la lumière passer un « temps imaginaire » à l’intérieur d’un matériau, un phénomène étrange théorisé il y a près de dix ans mais qui n’avait jusqu’ici jamais été démontré expérimentalement. Des impulsions micro-ondes ont été injectées dans un ensemble de câbles et ont révélé de subtils changements physiques mesurables, précédemment décrits en nombres imaginaires.

Le temps imaginaire est un concept dérivé de la mécanique quantique, décrivant une dimension temporelle différente de celle que nous expérimentons. Si l’on représente le temps ordinaire comme une ligne horizontale reliant le passé et le futur, le temps imaginaire serait orthogonal à cette ligne, à l’instar du nombre imaginaire qui est orthogonal au nombre réel dans le plan complexe.

Bien que sa vitesse soit techniquement constante, la lumière peut ralentir lorsqu’elle traverse un matériau en raison des interactions avec les atomes qui le composent, créant ainsi un décalage temporel. En 2016, des chercheurs ont avancé l’hypothèse selon laquelle ce décalage pourrait être imaginaire. Le nombre de secondes mesurant ce temps de décalage serait ainsi représenté en nombre imaginaire, c’est-à-dire impliquant la valeur mathématique « i », la racine carrée de -1.

Cependant, de tels nombres ne sont pas présents dans la nature et sont difficiles à représenter dans notre expérience de la réalité. Les décalages de temps imaginaires ont donc été largement écartés des expériences, la plupart des chercheurs estimant qu’ils n’étaient pas physiques ou réels. Deux chercheurs de l’Université du Maryland ont cependant démontré qu’il est possible de les mesurer expérimentalement. Autrement dit, ils ont observé la lumière passer un temps imaginaire.

« C’est une sorte de degré de liberté caché que les gens ignoraient », explique Steven Anlage, l’un des experts, au New Scientist. « Je pense que nous l’avons mis en évidence et lui avons donné un sens physique », ajoute-t-il. Les résultats de la recherche sont publiés dans Physical Review Letters.

De subtils changements physiques des impulsions lumineuses

Pour réaliser leur expérience, Anlage et sa collègue Isabelle Giovannelli ont utilisé un ensemble de câbles coaxiaux dont les extrémités étaient reliées pour former un cercle et constituer un réseau simplifié. Des impulsions micro-ondes ont été injectées à travers le réseau et contrôlées avec précision à l’aide d’un oscilloscope ultra-sensible et d’autres instruments de mesure. L’objectif était de déterminer la durée de passage des impulsions dans les câbles, ainsi que l’évolution de leur fréquence et d’autres propriétés physiques.

temps imaginaire
Les câbles coaxiaux connectés en « anneau graphique » servent de matériau au passage aux micro-ondes. © Giovannelli et al.

Leurs résultats indiquent que le temps imaginaire précédemment prédit se manifeste par de subtils changements dans les caractéristiques physiques des impulsions micro-ondes. Celles-ci auraient circulé à travers les câbles avec une fréquence légèrement décalée, ce qui s’expliquerait par le fait que leur énergie et leur intensité évoluent au cours de leur déplacement.

Selon les chercheurs, ces décalages imaginaires dans la fréquence des impulsions micro-ondes ont été particulièrement difficiles à détecter, ce qui expliquerait en partie pourquoi ils avaient été ignorés jusqu’ici dans les expériences précédentes.  « C’était très complexe. Si nous avons pu les mesurer, c’est en partie grâce à nos oscilloscopes parmi les meilleurs au monde », précise Giovannelli.

Bien que très faibles, ces effets pourraient avoir un rôle utile dans certains domaines, tels que la nanotechnologie ou les dispositifs de détection à haute résolution. Ces résultats pourraient aussi contribuer à améliorer les dispositifs fondés sur la mémoire photonique. Prochaine étape : les chercheurs prévoient d’explorer plus avant la manière dont ces décalages de fréquence pourraient influencer les informations transportées par les impulsions lumineuses lorsqu’elles traversent un matériau.

Source : Physical Review Letters
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