Les perroquets sont des animaux sociables dotés d’une intelligence remarquable. Cependant, cette intelligence peut parfois être à double tranchant, la captivité pouvant provoquer chez certains des comportements dépressifs. Alors qu’ils tentaient de trouver de nouveaux moyens d’aider au bien-être de ces animaux en captivité, des chercheurs ont découvert qu’ils pouvaient tisser des liens sociaux avec d’autres perroquets et d’autres maîtres par le biais d’appels vidéo qu’ils choisissent eux-mêmes de lancer !
Les scientifiques en question, de la Northeastern University (à Boston), ont antérieurement utilisé l’interaction informatique pour étudier le comportement d’animaux apprivoisés, tels que les chiens et les orques. Dans une nouvelle expérience menée conjointement avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et l’Université de Glasgow (Écosse, Royaume-Uni), les perroquets ont été choisis pour leur incroyable perspicacité et malléabilité cognitive. Leur bonne acuité visuelle leur permet également d’observer et d’interpréter correctement les mouvements diffusés à travers un écran, sans compter leur notoriété en matière de capacités vocales.
À l’état sauvage, les perroquets se servent de ces capacités pour interagir avec les membres de leurs groupes, dont la densité varie de quelques centaines à plusieurs milliers d’individus. Une grande partie des psittaciformes étant menacée de disparition, plus de la moitié vit en captivité, dans des zoos ou des parcs, dans un souci de conservation. Beaucoup d’autres sont adoptés en tant qu’animaux de compagnie. Ces oiseaux, de nature sociable, se retrouvent alors isolés, et certaines espèces sont particulièrement sujettes à des troubles du comportement et de la reproduction dus au stress de la captivité. Ces problèmes soulèvent des préoccupations à la fois en matière de conservation et d’éthique.
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Des difficultés d’adaptation à la captivité
Plus de 40% des psittaciformes dans le monde sont menacés ou sur le point de l’être. Actuellement, le nombre d’individus en captivité correspond plus ou moins à celui des individus à l’état sauvage (chacune comptant environ 50 millions d’individus). Alors que certains taxons s’adaptent assez bien et parviennent à prospérer en captivité, d’autres en revanche ont du mal à survivre hors de leur milieu naturel. Une étude antérieure a mis en lumière des comportements anormalement répétitifs et autodestructeurs chez certaines espèces de perroquets domestiqués. Ces comportements vont du rongeage de barreaux à l’autoarracchage de plumes et aux balancements nerveux et excessifs.
Bien qu’elles vivent pour la plupart dans des conditions contrôlées, de nombreuses espèces sont également sujettes aux maladies et aux problèmes de reproduction. Ces maladies étant transmissibles et omniprésentes, les oiseaux concernés doivent être isolés davantage et ne peuvent pas interagir avec d’autres perroquets ou d’autres espèces d’oiseaux. Ces problèmes refléteraient les effets de goulots d’étranglement génétiques ou du stress induit par la captivité, sans compter le manque d’interaction avec d’autres perroquets.
Les résultats des expériences des chercheurs de Northeastern suggèrent que les appels vidéo pourraient aider au bien-être des perroquets en captivité, en essayant de reproduire en partie les interactions sociales dont ils pourraient bénéficier dans la nature. Toutefois, « nous ne disons pas que vous pouvez les rendre aussi heureux que s’ils étaient dans la nature. Nous essayons d’aider ceux qui sont déjà en captivité », précise Rebecca Kleinberger, professeure adjointe à Northeastern et conceptrice principale de l’expérience. Cette dernière concerne notamment des perroquets qui ont été domestiqués sur une ou deux générations et n’encourage nullement à mettre en captivité les individus actuellement à l’état sauvage.
De plus, les expérimentations ont été méticuleusement encadrées par des professionnels du comportement animal et par des maîtres expérimentés, qui ont intégré lentement la technologie auprès des oiseaux. Ainsi, il est pour l’instant déconseillé d’essayer le protocole, qui est tout de même publié sur l’ACM Digital Library. En effet, il est important de garder à l’esprit que les perroquets sont particulièrement susceptibles, en particulier lorsqu’il s’agit d’autres oiseaux pouvant interagir avec eux. Des mises en contact non encadrées et sans intermédiaires pourraient provoquer des réactions violentes et des dommages matériels.
Des interactions sociales durables ?
Pour effectuer la série d’expériences, l’équipe de recherche a appris à 18 perroquets à passer des appels vidéo via des tablettes ou des smartphones. Ils ont préalablement appris aux oiseaux à sonner une cloche, afin de signaler à leurs maîtres qu’ils souhaitaient passer un appel. Ils ont également appris à utiliser l’interface de la tablette, sans même avoir été récompensés par des friandises en échange. Les oiseaux étaient ainsi libres de choisir s’ils voulaient ou non, et quand, passer l’appel. Après que les perroquets ont sonné les cloches, les maîtres présentaient l’écran avec une liste de photos d’amis perroquets à appeler. Les perroquets devaient choisir soit des couples, soit des trios, regroupés en fonction de la taille et du fuseau horaire de la région où ils résident.
L’expérimentation s’étalait sur une durée de trois mois, avec des sessions d’encadrement de trois heures. En appuyant sur les écrans avec leurs becs, les oiseaux pouvaient lancer jusqu’à deux appels à la fois, pour une durée maximale de cinq minutes chacun. Parallèlement, les propriétaires ont reçu des instructions précises, notamment de suspendre les appels au moindre signe de nervosité ou d’agressivité. Au final, 15 oiseaux sont parvenus jusqu’à la fin de l’étude, tandis que trois autres ont abandonné bien plus tôt (ou plutôt leur comportement n’a pas permis de continuer l’étude dans de bonnes conditions).
Non sans surprise, les chercheurs ont constaté que non seulement les oiseaux lançaient librement des appels, mais semblaient également comprendre que de véritables perroquets interagissaient avec eux, de l’autre côté des écrans. La majorité des maîtres ont d’ailleurs signalé que les appels ont été extrêmement bénéfiques pour leurs perroquets, ces derniers ayant manifesté des cris d’appel et de petits coups de tête affectueux, indiquant leur contentement.
Par ailleurs, d’après Kleinberger, « certaines dynamiques sociales fortes ont commencé à apparaître ». Certains des oiseaux auraient appris des compétences enseignées par d’autres lors des appels vidéo, tels que la recherche de nourriture, de nouvelles vocalisations et même le vol. Ils montraient également des préférences complexes (autant pour les perroquets que pour d’autres maîtres), en développant des relations durables à distance, similaires à l’amitié chez les humains. En outre, ceux qui lançaient le plus d’appels gagnaient en popularité.