Face à l’augmentation des cas de perte auditive liée à l’âge, la recherche se mobilise pour trouver des solutions. Des scientifiques argentins ont identifié une corrélation entre la diminution du cholestérol dans l’oreille interne et la dégradation de l’audition. En se concentrant sur les phytostérols, similaires au cholestérol, ils suggèrent une nouvelle voie de traitement.
La perte auditive liée à l’âge est une réalité à laquelle de nombreuses personnes sont confrontées à travers le monde. Alors que la population mondiale vieillit, la nécessité de comprendre et de traiter cette affection devient de plus en plus urgente.
Dans ce contexte, des chercheurs argentins, dirigés par María Eugenia Gomez-Casati, Mauricio Martin et Martín Ferreyra, de l’Institute of Pharmacology, la School of Medicine, et l’University of Buenos Aires, ont exploré le rôle du cholestérol dans l’oreille interne et comment sa diminution pourrait être liée à la dégradation de l’audition. Leur étude, axée sur l’utilisation potentielle des phytostérols comme traitement, offre une perspective nouvelle et intrigante sur la manière de traiter cette forme courante de perte auditive. Elle est publiée dans la revue PLOS Biology.
Le rôle du cholestérol
Le cholestérol, souvent associé à des problèmes cardiaques, joue également un rôle fondamental dans le fonctionnement de notre système auditif. Présent dans l’oreille interne, il intervient directement dans le mécanisme d’amplification des sons par les cellules ciliées externes (CCE). Ces cellules, véritables amplificateurs naturels, ont la capacité unique de s’étirer et de se contracter en réponse aux vibrations sonores, permettant ainsi une perception claire et précise des sons.
Cependant, avec le vieillissement, la quantité de cholestérol dans l’oreille interne tend à diminuer. Cette baisse impacte directement la flexibilité des CCE. Sans une quantité suffisante de cholestérol, ces cellules ne peuvent plus s’étirer efficacement, réduisant ainsi leur capacité d’amplification. En conséquence, les sons perçus deviennent moins clairs, moins distincts, conduisant progressivement à une perte auditive.
Des souris pour comprendre
L’équipe de recherche a observé que, tout comme chez l’homme, le cholestérol dans l’oreille interne des souris tend à diminuer avec l’âge. Cette observation a suscité des questions sur les mécanismes sous-jacents de cette diminution.
En approfondissant leurs recherches, les scientifiques ont identifié une enzyme, la CYP46A1, dont la fonction principale est de décomposer le cholestérol pour le recycler. Étonnamment, le niveau de cette enzyme était nettement plus élevé chez les souris âgées par rapport aux jeunes. Cette augmentation de la CYP46A1 chez les souris âgées suggère qu’elle pourrait être responsable de la dégradation accrue du cholestérol dans l’oreille interne, conduisant à sa diminution globale.
Cette découverte est significative, car elle établit un lien direct entre l’activité de l’enzyme CYP46A1 et la baisse du cholestérol dans l’oreille, offrant ainsi une piste pour comprendre les mécanismes moléculaires de la perte auditive liée à l’âge et pour envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Les phytostérols à la rescousse
Face à cette perte de cholestérol, les chercheurs se sont tournés vers les phytostérols, des composés d’origine végétale similaires au cholestérol. L’un des avantages majeurs de ces molécules est leur capacité à franchir la barrière hémato-encéphalique, une membrane protectrice qui empêche de nombreuses substances, dont le cholestérol, d’entrer dans le système nerveux central et l’oreille interne.
Les chercheurs ont alors conçu une expérience où des souris jeunes étaient exposées à un médicament (efavirenz) stimulant l’activité de l’enzyme CYP46A1, reproduisant ainsi artificiellement la perte de cholestérol observée chez les souris âgées. Parallèlement à cela, ces souris ont été mises sous un régime alimentaire enrichi en phytostérols pendant une durée de trois semaines.
Les résultats ont dépassé les attentes. Non seulement les phytostérols ont compensé la perte de cholestérol, mais ils ont également restauré la fonction des cellules ciliées externes, ces amplificateurs naturels du son. Cette amélioration suggère que les phytostérols pourraient jouer un rôle protecteur contre la perte auditive liée à l’âge.
Vers une solution pratique
Les phytostérols, connus pour leurs bienfaits sur la santé, notamment dans la régulation du cholestérol sanguin, sont couramment intégrés dans divers compléments alimentaires. Ces compléments, accessibles au grand public sans nécessité de prescription médicale, rendent les phytostérols facilement disponibles pour une large part de la population. Dans le contexte de la recherche sur la perte auditive liée à l’âge, cette accessibilité pourrait offrir une approche pratique et non invasive pour traiter ou prévenir cette affection.
Toutefois, bien que les premières études sur les souris soient prometteuses, il est impératif d’approfondir ces recherches. Les souris utilisées étaient jeunes, et il serait essentiel de reproduire ces tests sur des souris plus âgées pour simuler de manière plus réaliste la perte auditive.
De plus, bien que les souris soient des modèles biologiques couramment utilisés en recherche, les résultats obtenus sur elles ne garantissent pas une efficacité similaire chez l’homme. Des essais cliniques sur des volontaires humains seraient donc nécessaires pour évaluer l’efficacité, la sécurité et la posologie des phytostérols dans le traitement de la perte auditive liée à l’âge.