Les phtalates, utilisés dans de nombreux produits de consommation, sont associés à une mortalité accrue

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Une nouvelle étude publiée dans la revue Environmental Pollution révèle que l’exposition aux phtalates est associée à une mortalité accrue, notamment pour cause cardiovasculaire, entraînant des coûts sociétaux d’environ 39 milliards de dollars par an au minimum. Les chercheurs appellent à une action réglementaire urgente pour encadrer leur usage.

Les phtalates sont des produits chimiques qui entrent dans la composition de centaines de produits de consommation ; ils sont notamment utilisés pour rendre le plastique plus mou et flexible, et pour augmenter la résistance des matières aux chocs et au froid. Emballages alimentaires, revêtements de sol, cosmétiques, peintures, vêtements, jouets, etc., les phtalates sont partout. On les trouve par exemple dans les objets en polychlorure de vinyle (PVC), les poches de perfusion utilisées en milieu hospitalier, les parfums, les shampoings, le vernis à ongles (ils sont dans ce cas utilisés comme agents fixateurs, qui empêchent le vernis de se craqueler).

Problème : certains phtalates sont des perturbateurs endocriniens avérés ; plusieurs ont par ailleurs été classés dans la catégorie des substances présumées toxiques pour la reproduction humaine par l’Agence européenne des produits chimiques. Plusieurs normes ont été adoptées dans le monde pour limiter, voire interdire, l’utilisation des phtalates dans certains types de produits. Une directive européenne interdit depuis plusieurs années l’utilisation de certains phtalates dans les articles de puériculture ou les jouets destinés aux enfants de moins de trois ans. Car même de faibles doses de perturbateurs endocriniens peuvent avoir de lourdes conséquences.

Des composés associés au cancer, au diabète et aux maladies cardiovasculaires

Parmi les phtalates les plus répandus : le phtalate de bis (2-éthylhexyle) (DEHP), le phtalate de dibutyle (DBP), le phtalate de diisononyle (DINP), le phtalate de diisodécyle (DIDP) et le phtalate de benzyle et de butyle (BBP). Ils sont généralement ajoutés aux produits pour les rendre plus résistants, plus durables — ou pour maintenir le parfum plus longtemps dans le cas des produits cosmétiques.

Ces composés ne forment pas de lien chimique avec les produits en plastique qui les contiennent, de sorte qu’ils peuvent aisément s’en échapper. Ils constituent ainsi une menace dès lors qu’ils sont inhalés ou ingérés, c’est pourquoi les jeunes enfants courent un risque particulièrement élevé d’exposition, car ils ont tendance à mettre leurs mains en bouche.

Le Centre international de recherche sur le cancer classe le DEHP parmi les causes possibles de cancer. Le DINP a, quant à lui, été associé au cancer chez des rats et des souris ; il figure en outre sur la liste de composés chimiques reconnus comme cause de cancer du Bureau californien de l’évaluation des risques environnementaux sur la santé. Des études antérieures ont montré par ailleurs que l’exposition aux phtalates était liée à l’obésité infantile, au diabète et aux maladies cardiaques.

Les travaux de recherche de Leonardo Trasande, spécialiste en santé environnementale infantile à la NYU Langone Health, visaient à évaluer les associations entre l’exposition aux phtalates et la mortalité, ainsi qu’à estimer la perte de productivité économique inhérente à cette mortalité précoce. Cette étude a impliqué une cohorte de 5303 adultes, âgés de 20 ans ou plus, qui ont participé à la National Health and Nutrition Examination Survey (menée entre 2001 et 2010) et qui ont fourni des échantillons d’urine pour les mesures de métabolites des phtalates.

Plus de 90 000 décès imputables aux phtalates chaque année

Les résultats mettent en évidence une mortalité accrue associée aux métabolites de phtalates de poids moléculaire élevé, notamment ceux du DEHP. Trasande et ses collaborateurs précisent que la mortalité cardiovasculaire était significativement accrue dans le cas d’un métabolite important du DEHP, le phtalate de mono-(2-éthyl-5-oxohexyle).

Finalement, en extrapolant à la population des Américains âgés de 55 à 64 ans, l’équipe a identifié 90 761 à 107 283 décès attribuables chaque année aux phtalates, ce qui correspond à plus de 40 milliards de dollars de perte de productivité économique par an. « Cette étude s’ajoute à la base de données croissante sur l’impact des plastiques sur le corps humain », a déclaré Trasande à CNN.

L’American Chemistry Council, qui représente les industries américaines de la chimie, des plastiques et du chlore, a qualifié cette étude de « manifestement inexacte », du fait qu’elle regroupe tous les phtalates dans un seul groupe, sans distinguer les différences de toxicité — les phtalates de poids moléculaire élevé comme le DINP et le DIDP auraient, selon l’organisme, une toxicité plus faible que les autres phtalates. Une réponse « prévisible et similaire à celles utilisées par l’industrie du tabac lorsque des études ont apporté des preuves du préjudice », selon Trasande. Le conseil n’a d’ailleurs fourni aucune preuve remettant en question les conclusions de l’étude.

Les chercheurs précisent toutefois que d’autres études sont nécessaires pour corroborer les observations et identifier les mécanismes physiologiques mis en jeu. En attendant, ils soulignent l’urgence d’une action réglementaire.

Comment limiter son exposition aux phtalates ? Trasande conseille d’utiliser des produits (lotions, lessives et autres produits de nettoyage) de préférence non parfumés, de conserver les aliments dans des contenants en verre, en céramique ou en acier inoxydable (et non en plastique), d’éviter les plastiques allant au micro-ondes et au lave-vaisselle (ceux-ci contiennent nécessairement des phtalates pour résister aux températures) et d’une manière générale, d’éviter tous les plastiques numérotés 3 (PVC), 6 (polystyrène) et 7 (polycarbonate, résines époxydes, téflon, mélamine, etc.). Enfin, le spécialiste recommande de consommer des fruits et légumes frais ou surgelés plutôt qu’en conserve et transformés.

Source : Environmental Pollution, L. Trasande et al.

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