Des physiciens ont conçu le labyrinthe le plus « complexe » au monde

Les physiciens ont conçu le labyrinthe le plus complexe au monde
Section de labyrinthe généré par le biais d'un cycle hamiltonien. | Université de Bristol
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Dans un labyrinthe, même lorsqu’il s’agit d’un cas relativement simple, patience et concentration sont les clés pour en sortir. Cependant, le labyrinthe qu’une équipe de physiciens britanniques et suisses a récemment conçu aurait raison de n’importe qui. C’est en s’appuyant sur des principes de géométrie et en s’inspirant du jeu d’échecs afin d’étudier la structure d’un cristal exotique que l’équipe y est parvenue. L’objectif était d’établir le chemin le plus court pour diriger un atome vers un autre au sein de l’architecture complexe du quasi-cristal. En outre, dans le cadre de l’étude, les chercheurs ont créé un algorithme permettant de produire à chaque fois des labyrinthes qu’ils qualifient de « parmi les plus difficiles au monde ».

Le cristal exotique étudié par Felix Flicker, physicien à l’Université de Bristol et ses collègues, les physiciens Shobhna Singh et Jerome Lloyd de l’Université de Genève en Suisse, est une forme spécifique de cristal connue sous le nom de quasi-cristal. En plus de présenter une disposition complexe de la symétrie de leurs atomes, les quasi-cristaux sont aussi très rares. Trois ont été trouvés dans une météorite qui a atterri dans la région de Khatyrka en Russie en 2011, tandis que le dernier spécimen, découvert en 2016, ne fait que quelques micromètres de diamètre. En 1945, des quasi-cristaux ont été créés artificiellement lors de la détonation de la première bombe atomique, durant le test Trinity.

En plus de leur rareté, les quasi-cristaux ont une « architecture » peu commune. En effet, dans les cristaux ordonnés comme le diamant, les atomes sont disposés selon un motif net qui se répète en trois dimensions et qui se superpose. En revanche, dans un cristal désordonné, comme le verre, les atomes sont disposés de façon irrégulière. Les quasi-cristaux quant à eux, représentent le parfait équilibre entre les deux, avec des atomes disposés selon des motifs non réguliers, mais tout de même topologiquement similaires. En résumé, ils présentent une symétrie beaucoup plus complexe, avec des atomes formant des motifs en six dimensions. Ces motifs suivent d’ailleurs de près un concept mathématique appelé pavage apériodique, notamment le pavage d’Ammann-Beenker.

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« Les quasi-cristaux ont toutes ces symétries qui ne pourraient en aucun cas exister dans les cristaux, ce qui est assez fascinant. C’est une très belle branche des mathématiques — mais n’importe qui peut en apprécier leur beauté directement, sans avoir besoin d’en comprendre les détails », explique Flicker dans un communiqué.

Des échecs aux maths

Pour mieux comprendre les quasi-cristaux, une équipe de physiciens-théoriciens dirigée par Flicker a décidé de créer un algorithme spécialisé afin d’en décrire la structure et cartographier les atomes qui s’y trouvent. Pour y parvenir, les chercheurs se sont inspirés du jeu d’échecs, notamment du cavalier qui se déplace en L. Dans le puzzle du Cavalier d’Euler, le chevalier a pour objectif de passer sur toutes les cases de l’échiquier sans passer plus d’une fois sur la même case et de revenir à son point de départ. Ce modèle, qui retrace le parcours du cavalier passant une seule fois sur tous les points d’un graphe, est appelé « circuit hamiltonien ».

« Dans un tour de cavalier, la pièce d’échecs visite chaque case de l’échiquier une seule fois avant de revenir à sa case de départ. C’est un exemple de cycle hamiltonien, une boucle à travers une carte visitant tous les points d’arrêt une seule fois », explique Flicker. Le cycle hamiltonien produit par Flicker et son équipe permet un passage par chaque atome du quasi-cristal une seule fois, reliant tous les atomes en une seule ligne qui ne se croise jamais. La ligne obtenue produit un labyrinthe, avec un point de départ et une sortie. Et cela peut être mis à l’échelle à l’infini, générant ainsi une structure géométrique de type fractale dans laquelle les plus petites structures ressemblent aux plus grandes.

Cependant, trouver des cycles hamiltoniens n’est pas si simple. D’ailleurs, c’est un problème NP-Complet (un problème dont la complexité augmente de façon exponentielle au fur et à mesure que le nombre d’éléments augmente). En outre, une solution qui permet d’identifier les cycles hamiltoniens pourrait potentiellement résoudre de nombreux autres problèmes mathématiques délicats. Toutefois, même si les circuits hamiltoniens sont des problèmes NP-complets, quelques-uns font exception à la règle et celui du cavalier d’Euler, la base de l’étude de Flecker, en fait partie. Ainsi, avec son équipe, Flecker a cherché une méthode analogue à l’algorithme de Warnsdorf pour l’appliquer à ce problème. C’est de cette façon que les chercheurs ont pu générer un labyrinthe illustrant la structure des atomes dans les quasi-cristaux.

« Lorsque nous avons examiné les formes des lignes que nous avons construites, nous avons remarqué qu’elles formaient des labyrinthes incroyablement complexes. La taille des labyrinthes augmente de façon exponentielle – et il en existe un nombre infini », a déclaré Flecker. « Nous montrons que certains quasi-cristaux constituent des cas particuliers dans lesquels le problème est étonnamment simple. Dans ce contexte, nous pourrions résoudre certains problèmes apparemment impossibles ». L’un de ces problèmes pourrait être celui du changement climatique, avancent les chercheurs.

Des quasi-cristaux pour lutter contre le changement climatique ?

Nombreux sont les chercheurs qui estiment que la solution au réchauffement climatique réside principalement dans la réduction du niveau de dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère. Jusqu’à ce jour, cela se fait artificiellement à l’aide de cristaux auxquels adhèrent les molécules de CO2. Ainsi, l’équipe de l’étude espère que les quasi-cristaux, avec leurs structures complexes, puissent se montrer plus efficaces pour absorber et stocker le CO2.

« Nos travaux montrent également que les quasi-cristaux peuvent être meilleurs que les cristaux ordinaires pour certaines applications d’adsorption. Par exemple, les molécules courbées trouveront davantage de moyens d’atterrir sur les atomes irrégulièrement disposés des quasi-cristaux », déclare Singh, doctorante à l’Université de Cardiff et co-auteure de l’étude. « Les quasi-cristaux sont également fragiles, ce qui signifie qu’ils se brisent facilement en minuscules grains. Cela maximise leur surface d’adsorption », conclut Singh.

Source : Physical Review X

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