À l’issue du Big bang, l’Univers primitif est composé d’un ensemble de quarks et de gluons libres, formant une sorte de « soupe primordiale » appelée plasma quarks-gluons. L’étude de cet état de la matière est essentiel pour mieux comprendre la transition entre cet état primitif et l’apparition des premiers hadrons. Pour ce faire, une équipe américaine de physiciens a réussi à créer de minuscules gouttelettes de plasma quarks-gluons.
Les chercheurs ont créé de minuscules gouttelettes de matière ultra-chaude, qui remplissait autrefois l’Univers primitif, formant trois formes et tailles distinctes : des cercles, des ellipses et des triangles.
L’étude, publiée dans la revue Nature Physics, est issue des travaux d’une équipe internationale de scientifiques et porte sur un état de la matière ressemblant à un liquide, appelé plasma quarks-gluons (QGP).
Les physiciens pensent que cette matière a rempli l’univers tout entier au cours des premières microsecondes qui ont suivi le Big Bang, alors que l’univers était encore trop chaud pour que des particules se rassemblent pour former des atomes.
Le professeur Jamie Nagle, du CU Boulder, et des collègues de l’Université Vanderbilt, ont collaboré à l’expérience PHENIX et ont utilisé un collisionneur massif du Brookhaven National Laboratory à Upton, dans l’État de New York, pour recréer ce plasma.
Dans une série de tests, les chercheurs ont brisé des paquets de protons et de neutrons selon différentes combinaisons, dans des noyaux atomiques beaucoup plus gros. Ils ont découvert qu’en contrôlant soigneusement les conditions, ils pouvaient générer des gouttelettes de plasma quarks-gluons qui se dilataient pour former trois motifs géométriques différents.
Les résultats fournissent la preuve la plus solide à ce jour que de telles gouttes minuscules se comportent comme un fluide. C’est quelque chose que les scientifiques pensaient auparavant impossible, a déclaré Nagle.
« Notre résultat expérimental nous a beaucoup rapprochés de la réponse à la question de savoir quelle est la plus petite quantité possible de matière d’Univers primitif pouvant exister » déclare Nagle du département de physique. Il a proposé cet ensemble d’expériences en 2014 avec ses collègues.
Un plasma quarks-gluons se comportant comme un fluide parfait
Les scientifiques ont commencé à étudier cette question au collisionneur d’ions lourds relativistes de Brookhaven (RHIC) en 2000. Ils ont alors réuni les noyaux lourds d’atomes d’or, générant des températures atteignant des billions de °C. Dans le chaos des collisions, les quarks et les gluons résultants, les particules subatomiques qui composent tous les protons et les neutrons, se sont décloisonnés et se sont écoulées presque librement.
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Un tel état de la matière, qui, selon les théoriciens, imite les conditions observées juste après le Big Bang, se comporte probablement comme un « fluide parfait » précise Paul Romatschke, professeur de physique au CU Boulder. « Si vous pouviez avoir une bouteille de ce liquide sur votre bureau » explique Romatschke, « et que vous deviez renverser son contenu pour le faire s’écouler autour d’un obstacle, cela se ferait presque sans frottement ».
Quelques années plus tard, une série d’expériences au grand collisionneur de hadrons de Genève, en Suisse, a secoué les théoriciens. Cela était surprenant, car la plupart des scientifiques supposaient que des protons isolés ne pourraient pas fournir suffisamment d’énergie pour que quoi que ce soit puisse se comporter comme un fluide.
Étudier les oscillations du plasma quarks-gluons pour mieux comprendre l’Univers primitif
Nagle, Romatschke et leurs collègues ont mis au point un moyen de tester l’idée en 2014 : si de minuscules gouttelettes se comportaient comme un liquide, elles devaient alors conserver leur forme. Comme Nagle l’explique : « Imaginez que vous ayez deux gouttelettes en expansion. Si les deux gouttelettes sont très proches l’une de l’autre, elles se rencontrent et se poussent l’une contre l’autre à mesure qu’elles se développent, et c’est ce qui crée ce modèle ».
En d’autres termes, si vous jetez deux pierres dans un bassin, assez proches l’une de l’autre, les ondulations des deux impacts s’entremêleront pour former un motif ressemblant à une ellipse. La même chose pourrait être vraie si vous brisiez une paire proton-neutron, appelée deutéron, en quelque chose de plus grand. De même, un trio proton-proton-neutron, également appelé atome d’hélium-3, pourrait s’expandre en une forme ressemblant à celle d’un triangle.
Et c’est exactement ce que l’expérience PHENIX a montré : des collisions de deutérons ont formé des ellipses de courte durée, des atomes d’hélium-3 ont formé des triangles, et un seul proton a explosé en forme de cercle. Les résultats, selon les chercheurs, pourraient aider les théoriciens à mieux comprendre comment le plasma d’origine quark-gluon de l’Univers s’est refroidi en quelques millisecondes, donnant naissance aux premiers atomes existants.
Une expérience de nouvelle génération appelée sPHENIX est en développement, sous la direction de chercheurs de CU Boulder, afin d’explorer les plasmas quarks-gluons à une échelle encore plus réduite.