Bien qu’elle soit étudiée depuis des centaines d’années, la lumière est encore loin d’avoir livré tous ses secrets aux physiciens. Les photons interviennent dans un grand nombre de mécanismes physiques à toutes les échelles, et interagissent notamment avec la matière. C’est la dynamique des photons qu’une équipe de chercheurs a étudié avec précision dans une série d’expériences consistant à filmer la trajectoire des photons, stopper leur évolution et les utiliser pour changer les propriétés de la matière. Des résultats importants permettant également de mieux comprendre le processus des transitions de phase cosmologiques.
La lumière se déplace à une vitesse de 299’792’458 m/s sous forme de photons, et de manière équivalente sous forme d’ondes de champ électromagnétique. Ce n’est pas la première fois que la lumière est étudiée en détail à l’aide de vidéos. Mais des expériences récentes menées par le physicien et astronome Hrvoje Petek et son équipe de l’Université de Pittsburgh, ont permis de tester des hypothèses entourant les origines de la lumière, en prenant des instantanés de cette dernière, en l’arrêtant et en l’utilisant pour modifier les propriétés de la matière.
L’équipe a réalisé une expérience de microscopie ultrarapide, où ils ont piégé des impulsions de lumière verte d’une durée de 20 fs (2×10-14 s) sous forme d’ondes de fluctuation composites de densité électronique, appelées polaritons de plasmon de surface, et ont imagé leur propagation sur une surface d’argent à la vitesse de la lumière. Mais ils l’ont fait en appliquant une torsion au champ électromagnétique de sorte que les ondes lumineuses se sont réunies des deux côtés pour former un vortex, où les ondes lumineuses semblent circuler autour d’un noyau commun stationnaire, comme un tourbillon d’ondes.
Capturer la dynamique des photons en image
Les chercheurs ont pu ainsi produire une séquence filmée sur la façon dont les ondes lumineuses agissent sur leur échelle de longueur d’onde nanométrique (10-9 m) en imageant des électrons produits par l’émission de surface de deux photons. La collecte de tous ces électrons avec un microscope électronique forme des images là où la lumière est passée, permettant ainsi aux physiciens de capturer un instantané de ce phénomène.
Bien sûr, les photons se déplaçant à la vitesse limite, il serait compliqué de prendre simplement une photo de leur déplacement. Mais en projetant deux impulsions lumineuses avec une séparation temporelle augmentée par pas de 10 à 16 s, ils ont pu imager les ondes lumineuses se rassemblant et provoquant l’augmentation et la chute de leur amplitude commune en des points fixes dans l’espace, formant un vortex léger à l’échelle nano(10-9 m)-femto(10-15 s)métrique.
Étudier les transitions de phase cosmologiques
De tels tourbillons de lumière se forment lorsque vous faites briller un pointeur laser rouge ou vert sur une surface rugueuse et que vous voyez un reflet tacheté, mais ils ont également une signification cosmologique. Les champs de vortex lumineux peuvent potentiellement provoquer des transitions dans l’ordre des phases quantiques dans les matériaux à l’état solide, de sorte que la structure du matériau transformé et son image miroir ne peuvent pas être superposées. En d’autres termes, le sens de rotation du vortex génère deux matériaux topologiquement distincts.
Petek indique que de telles transitions de phase topologiques sont à l’avant-garde de la recherche en physique, parce qu’elles sont considérées comme responsables de certains aspects de la structure de l’Univers. « On pense que même les forces de la nature, y compris la lumière, sont apparues comme des transitions de rupture de symétrie d’un champ primordial. Ainsi, la capacité d’enregistrer les champs optiques et les tourbillons plasmoniques dans l’expérience ouvre la voie à des études de microscopie ultrarapide de la lumière associée à des transitions de phase (initiée par la lumière dans des matériaux de matière condensée à l’échelle du laboratoire) », écrivent les chercheurs.