Comme tout processus dynamique ayant lieu à l’échelle microscopique, la rotation d’une molécule est un processus ultra-rapide ; une molécule de sulfure de carbonyle met ainsi seulement 125 picosecondes à effectuer un tour complet sur elle-même. En utilisant des impulsions laser, une équipe internationale de scientifiques de quatre institutions différentes a réussi pour la première fois à filmer la rotation d’une de ces molécules.
« Nous avons enregistré un film moléculaire haute résolution de la rotation ultra-rapide du sulfure de carbonyle en tant que projet pilote » déclare le physicien moléculaire Evangelos Karamatskos, du DESY (Allemagne). « Le niveau de détail que nous avons pu atteindre indique que notre méthode pourrait être utilisée pour produire des films instructifs sur la dynamique d’autres processus et molécules ». L’étude a été publiée dans la revue Nature Communications.
La vidéo représente 651 images assemblées séquentiellement pour couvrir une rotation et demie de la molécule de sulfure de carbonyle. Le produit final est un film de la molécule de 125 picosecondes.
Lorsqu’une substance est à l’état gazeux, les molécules sont relativement éloignées et donc libres de subir une rotation autour de leur axe.
Des lasers précisément synchronisés pour filmer la rotation des molécules
Cette rotation est soumise aux règles de la mécanique quantique. En tant que gaz de soufre simple et commun, le sulfure de carbonyle, dont les molécules consistent en un atome d’oxygène, un atome de carbone et un atome de soufre, constitue donc le modèle idéal.
« Les processus que nous observons ici sont régis par la mécanique quantique. À cette échelle, de très petits objets, tels que des atomes et des molécules, se comportent différemment des objets de notre quotidien » explique Jochen Küpper, physicien à l’université de Hambourg. « La position et le moment d’une molécule ne peuvent pas être déterminés simultanément avec la plus grande précision ; vous ne pouvez définir qu’une certaine probabilité de trouver la molécule à un endroit spécifique à un moment donné dans le temps ».
« Ce sont précisément ces directions et probabilités que nous avons imagées expérimentalement dans cette étude » explique Arnaud Rouzée, chercheur en sciences moléculaires au Max Born Institute de Berlin. « Du fait que ces images individuelles commencent à se répéter après environ 82 picosecondes, on peut déduire la période de rotation d’une molécule de sulfure de carbonyle ».
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Pour faire bouger les molécules de gaz à l’unisson, l’équipe a tout d’abord utilisé deux impulsions de lumière laser infrarouge, précisément accordées les unes aux autres de manière à ce qu’elles pulsent toutes les 38 picosecondes. L’étape suivante comprenait ensuite une impulsion laser supplémentaire avec une longueur d’onde plus longue, qui était utilisée pour déterminer la position des molécules à des intervalles d’environ 0.2 picosecondes.
Une technique d’imagerie idéale pour mieux comprendre la dynamique moléculaire
L’ensemble du processus était un travail laborieux, car cette dernière impulsion détruit les molécules. Chaque instantané, par conséquent, représente une toute nouvelle expérience qui recommence.
Les auteurs espèrent que leur nouvelle technique pourra aider à étudier d’autres molécules et processus, tels que la torsion interne des molécules ou des composés chiraux, composés qui se présentent sous deux formes, chacune reflétant l’autre.
« En outre, le très haut degré d’alignement sans champ obtenu ici serait extrêmement utile pour les études de stéréochimie ainsi que pour les expériences d’imagerie à cadre moléculaire » conclut l’équipe dans son étude.
Cette vidéo montre le film réalisé par les chercheurs concernant la rotation de la molécule de sulfure de carbonyle :