Des électrons piégés pour la première fois dans un cristal 3D

Ouvrant une nouvelle ère pour les matériaux supraconducteurs.

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Un véritable exploit scientifique : pour la première fois, des physiciens du MIT ont piégé des électrons dans un cristal 3D, créant ce que l’on appelle une « bande électronique plate ». Cette avancée, qui modifie la dynamique électronique traditionnelle, ouvre des perspectives pour des matériaux supraconducteurs plus viables. Elle promet des applications potentielles dans les domaines de l’énergie, de l’informatique quantique et des dispositifs électroniques.

La physique quantique et la science des matériaux franchissent une nouvelle étape avec la récente percée des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ils ont réussi à piéger des électrons dans un cristal tridimensionnel. Ils ont créé ce qu’on appelle une « bande électronique plate ».

Dans cet état, tous les électrons partagent le même niveau d’énergie et se comportent collectivement, plutôt qu’individuellement. Les électrons deviennent bien plus manipulables ainsi. Les résultats obtenus par les chercheurs du MIT ouvrent la porte à l’exploration de la supraconductivité et d’autres états électroniques exotiques dans les matériaux tridimensionnels. L’étude est publiée dans la revue Nature.

Piéger des électrons dans un « panier japonais »

L’équipe de Joseph Checkelsky du MIT a accompli quelque chose d’exceptionnel dans le domaine de la physique des matériaux. Les chercheurs ont synthétisé un cristal unique de pyrochlore où ils ont réussi à piéger des électrons dans un état dit « plat ». Cela signifie que, dans ce cristal tridimensionnel, tous les électrons se trouvent dans un état d’énergie uniforme, plutôt que des niveaux d’énergie dispersés (qui diffèrent), comme c’est habituellement le cas.

La structure de ce cristal s’inspire de l’art japonais de vannerie « kagome », un motif de tissage de paniers. De façon plus scientifique, on l’appelle en géométrie le « pavage trihexagonal ». Cette structure particulière crée une géométrie atomique spéciale qui piège les électrons, les forçant à occuper le même niveau d’énergie.

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Un piège à électrons. © Checkelsky et al., 2023

Checkelsky explique dans un communiqué du MIT : « Ce n’est pas très différent de la façon dont la nature fabrique des cristaux. Nous rassemblons certains éléments – dans ce cas, le calcium et le nickel – les faisons fondre à des températures très élevées, les refroidissons et les atomes s’organisent d’eux-mêmes dans cette configuration cristalline semblable à celle d’un kagome ».

Les chercheurs ont ensuite utilisé la spectroscopie de photoémission à résolution angulaire (ARPES), un faisceau de lumière ultrafocalisé capable de cibler des emplacements spécifiques sur une surface 3D inégale et de mesurer les énergies électroniques individuelles à ces emplacements. Ils ont découvert que, dans leur très grande majorité, les électrons du cristal présentaient exactement la même énergie, confirmant l’état de bande plate du matériau 3D.

Un état uniforme des électrons qui n’est pas si rare…

Enfin, l’équipe a transformé le cristal en un supraconducteur en modifiant sa composition chimique, en remplaçant le nickel par des atomes de rhodium et de ruthénium. Ce changement a fait passer la bande plate électronique à un niveau d’énergie nul, créant ainsi les conditions idéales pour la supraconductivité.

Il faut savoir que traditionnellement, la présence de bandes plates est souvent considérée comme un phénomène rare et difficile à obtenir. Cependant, les travaux de l’équipe de Checkelsky montrent que ces dernières peuvent être le résultat direct et intentionnel de la façon dont les atomes sont arrangés dans un matériau.

Riccardo Comin, l’un des chercheurs impliqués, souligne que cette avancée change notre compréhension des matériaux quantiques. Au lieu de voir les bandes plates comme des anomalies, elles sont maintenant perçues comme des caractéristiques qui peuvent être conçues et contrôlées. Cela signifie que les scientifiques peuvent désormais concevoir délibérément des matériaux avec des bandes plates, en ajustant l’arrangement atomique, pour exploiter leurs propriétés uniques.

Entre opportunités et défis

La capacité de piéger des électrons dans un état plat en 3D a donc des implications majeures pour plusieurs domaines technologiques. D’abord, dans la conception de matériaux supraconducteurs, cette avancée pourrait permettre de créer des matériaux qui conduisent l’électricité sans résistance à des températures plus élevées que les supraconducteurs actuels. Cela signifie des systèmes de transmission d’énergie plus efficaces, avec moins de perte d’énergie, ce qui est crucial pour une utilisation énergétique durable et efficace. En ce qui concerne les dispositifs électroniques, cette technologie ouvre la voie à la création de composants électroniques plus petits, plus rapides et plus efficaces.

Évidemment, en informatique quantique, l’opportunité est grande. Rappelons que dans les ordinateurs quantiques, l’idée est d’utiliser les propriétés quantiques des particules, comme les électrons, pour effectuer des calculs. Contrairement aux ordinateurs classiques qui utilisent des bits (0 ou 1), un ordinateur quantique utilise des qubits, qui peuvent exister dans plusieurs états à la fois grâce à des phénomènes quantiques comme la superposition. En piégeant des électrons dans un cristal et en créant des états électroniques plats, on contrôle mieux les états quantiques des électrons. Cela permet de manipuler les qubits de manière plus précise et stable.

Cependant, cette avancée présente aussi des défis techniques. L’un des principaux est la mesure précise des énergies électroniques dans ces matériaux tridimensionnels. Les chercheurs doivent utiliser des techniques avancées comme la spectroscopie par photoémission résolue en angle (ARPES). Cette technique est complexe, surtout lorsqu’elle est appliquée à des surfaces irrégulières, comme les matériaux tridimensionnels. Les chercheurs doivent donc développer et affiner des méthodes pour surmonter ces obstacles techniques afin de pleinement exploiter le potentiel de ces nouveaux matériaux supraconducteurs.

Source : Nature

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