La recherche de vie extra-terrestre sur des planètes similaires à la Terre est en plein essor, notamment avec la mise en service du télescope spatial James Webb. Récemment, une équipe internationale d’astronomes a annoncé la découverte d’une exoplanète, potentielle « planète océanique » située à seulement 100 années-lumière de la Terre. Elle pourrait être la prochaine cible de James Webb.
Au cours de la dernière décennie, il est devenu de plus en plus clair que le système planétaire extrasolaire typique est assez différent de notre système solaire. Les exoplanètes se trouvent généralement dans une configuration orbitale beaucoup plus compacte, et la majorité des systèmes ont au moins une planète de taille intermédiaire entre la Terre et Neptune.
De plus, l’eau peut être beaucoup plus abondante sur certaines exoplanètes. C’est ainsi que des astronomes ont identifié et déterminé le rayon et la masse de nombreuses exoplanètes d’une taille comprise entre celle de la Terre et de Neptune (environ 3,8 fois plus grande que la Terre). Certaines de ces planètes ont une densité qui ne peut s’expliquer que si une grande partie de leur masse est constituée de matériaux plus légers que ceux qui composent la structure interne de la Terre, comme l’eau. Ces mondes hypothétiques ont été surnommés « planètes océaniques » ou « planètes-océan ».
Par définition, une planète-océan serait une superterre possédant initialement un manteau de glace. Cette planète aurait migré en direction de son étoile hôte. En pénétrant dans la zone d’habitabilité, il se produirait alors la fonte d’une partie de la glace et la formation d’un immense océan liquide.
Récemment, une équipe internationale de chercheurs dirigée par Charles Cadieux, Ph.D., étudiant à l’Université de Montréal et membre de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx), a annoncé la découverte de TOI-1452 b, une exoplanète en orbite autour de l’une des deux petites étoiles d’un système binaire situé dans la constellation de Draco, à environ 100 années-lumière de la Terre. Leur découverte est publiée dans la revue The Astronomical Journal.
Une découverte alliant plusieurs technologies
L’exoplanète est légèrement plus grande et massive que la Terre et est située à une distance de son étoile où sa température ne serait ni trop élevée ni trop basse pour que de l’eau liquide existe à sa surface, faisant d’elle une planète-océan potentielle selon les astronomes.
Il faut savoir que l’étoile hôte (TOI-1452) de cette exoplanète est beaucoup plus petite que le Soleil et impliquée dans un système binaire. Les deux étoiles tournent l’une autour de l’autre et sont séparées par une si faible distance — 97 unités astronomiques, soit environ deux fois et demie la distance entre le Soleil et Pluton — que le télescope TESS de la NASA les considère comme un seul point lumineux.
Néanmoins, c’est ce télescope qui a mis les chercheurs sur la piste de cette exoplanète. En effet, sur la base du signal TESS, qui a montré une légère diminution de la luminosité tous les 11 jours, les astronomes ont prédit une planète environ 70% plus grande que la Terre. Par suite, la résolution de PESTO, une caméra installée sur le télescope de l’Observatoire du Mont-Mégantic (OMM), suffisamment élevée pour distinguer les deux étoiles du système binaire, a montré que l’exoplanète orbite autour de TOI-1452, ce qui a été confirmé par des observations ultérieures d’une équipe japonaise.
René Doyon, professeur à l’Université de Montréal et directeur de l’iREx et de l’Observatoire du Mont-Mégantic (OMM), déclare dans un communiqué : « Je suis extrêmement fier de cette découverte, car elle démontre le haut calibre de nos chercheurs et de notre instrumentation. C’est grâce à l’OMM, un instrument spécial conçu dans nos laboratoires appelé SPIRou, et une méthode analytique innovante développée par notre équipe de recherche, que nous avons pu détecter cette exoplanète unique en son genre ».
Effectivement, pour déterminer la masse de la planète, les chercheurs ont ensuite observé le système avec SPIRou, un instrument installé sur le télescope Canada-France-Hawaï (à Hawaï). Il est idéal pour étudier les étoiles de faible masse comme TOI-1452, car il opère dans le spectre infrarouge, là où ces étoiles sont les plus brillantes. Cependant, il a fallu plus de 50 heures d’observation pour estimer la masse de la planète, qui serait près de cinq fois celle de la Terre.
Rappelons que malgré la multitude de technologies à disposition, le travail d’analyse des données fournies par ces dernières est une part aussi importante que la manipulation des télescopes. Ainsi, les collègues de René Doyon ont développé une puissante méthode d’analyse capable de détecter la planète dans les données collectées avec SPIRou. Étienne Artigau, co-auteur de l’étude, explique : « La méthode LBL [pour ligne par ligne] nous permet de nettoyer les données obtenues avec SPIRou de nombreux signaux parasites et de révéler la faible signature des planètes comme celle découverte par notre équipe ».
Une planète-océan potentielle, future cible de James Webb
L’exoplanète TOI-1452 b est probablement rocheuse comme la Terre, mais son rayon, sa masse et sa densité suggèrent un monde très différent. La Terre est essentiellement une planète très sèche malgré une surface recouverte à 70% d’eau, car en fait elle ne représente qu’une fraction négligeable de sa masse, moins de 1%.
Alors que dans le cas de TOI-1452 b, selon Mykhaylo Plotnykov et Diana Valencia de l’Université de Toronto, spécialistes de la modélisation de l’intérieur des exoplanètes et co-auteurs de l’étude, l’eau peut représenter jusqu’à 30% de sa masse. C’est une proportion similaire à celle de certains satellites naturels de notre système solaire, comme certaines lunes de Jupiter et de Saturne.
Une exoplanète telle que TOI-1452b est une cible de choix pour les efforts de caractérisation atmosphérique à venir avec James Webb, avec une métrique de spectroscopie à haute transmission, par rapport à d’autres exoplanètes tempérées connues. Ces futures observations devraient révéler la vraie nature de cette exoplanète intrigante, qu’il s’agisse d’un monde rocheux ou d’une enveloppe volatile. Sans compter qu’observable avec James Webb presque toute l’année, TOI-1452b est un système unique pour étudier les exoplanètes à la frontière entre les super-Terres et les mini-Neptunes.
Doyon conclut : « Nos observations avec le télescope Webb seront essentielles pour mieux comprendre TOI-1452 b. Dès que nous le pourrons, nous réserverons du temps sur Webb pour observer ce monde étrange et merveilleux ».