Et si nous pouvions obtenir du bois autrement qu’en coupant des arbres ? Une équipe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) vient tout juste de démontrer que la question est loin d’être aussi absurde qu’il n’y paraît. Ils ont en effet mis au point une technique pour « cultiver » des plantes en laboratoire, et sont même parvenus à faire « pousser » le bois directement dans la forme souhaitée — une sorte « d’impression 3D ».
Le bois a beau être une ressource renouvelable, il n’en est pas moins largement surexploité. Chaque année, le monde perd près de 10 millions d’hectares de forêt, soit environ la taille de l’Islande, rappelle ainsi le MIT dans un communiqué qui présente cette innovation. C’est en partant de ce constat que des scientifiques de l’institution ont lancé des expérimentations dans le but de produire du « bois de laboratoire ». Plus exactement, il s’agirait d’une matière végétale semblable au bois, que l’on pourrait faire se développer directement dans la forme souhaitée. Une proposition qui n’est pas sans rappeler les progrès fulgurants de ces dernières années dans la culture de viande de laboratoire.
Dans le cas du bois, aboutir à un processus efficace pour en produire en laboratoire permettrait non seulement de préserver des ressources naturelles, mais aussi de l’énergie, affirment les chercheurs. En effet, plus besoin d’abattre l’arbre, de le débiter, de générer des déchets non réutilisés…
Concrètement, le procédé commence à partir de quelques cellules. Pour leurs tests, les scientifiques ont jeté leur dévolu sur les feuilles d’une Zinnia elegans, dont ils ont isolé et prélevé les cellules. Celles-ci ont d’abord été cultivées dans un milieu liquide pendant deux jours, puis transférées dans un gel qui contient des nutriments ainsi que deux hormones différentes.
Des propriétés physiques adaptables
À ce stade de la culture, l’équipe est en mesure de décider de différentes propriétés que devra avoir leur matériau végétal. Le dosage des hormones peut en effet être ajusté pour altérer les propriétés physiques ou mécaniques du matériau obtenu. Par exemple, ils ont constaté qu’un plus haut niveau d’hormones aboutissait à un matériau plus rigide et plus dense.
« Dans le corps humain, vous avez des hormones qui déterminent le développement de vos cellules et l’émergence de certains traits. De la même manière, en modifiant les concentrations d’hormones dans le bouillon nutritif, les cellules végétales réagissent différemment. En manipulant simplement ces minuscules quantités chimiques, nous pouvons provoquer des changements assez spectaculaires en matière de résultats physiques », explique ainsi Ashley Beckwith, auteure principale de l’étude. On retrouve un peu le même principe qu’avec les cellules souches, auxquelles on peut « indiquer » ce qu’elles doivent devenir, ce qui a de nombreuses applications médicales.
Cela signifie que l’on pourrait un jour être en mesure de cultiver du bois très solide, spécialement conçu pour le bâtiment, ou un autre avec de bonnes propriétés calorifères pour se chauffer… Pour résumer, d’adapter ses propriétés aux besoins exacts. Après cette étape cruciale, le matériau végétal peut être « imprimé ». Les scientifiques utilisent une imprimante 3D pour extruder la solution en gel en une structure spécifique, dans une boîte de Petri. Après trois mois d’incubation, le matériau est déshydraté, puis il est prêt. Un développement relativement long… mais toujours moins que la croissance d’un arbre, soulignent les instigateurs de ce procédé.
L’intérêt de tout ce processus réside aussi dans le fait que, grâce à l’imprimante 3D, le matériau peut être directement créé dans la forme souhaitée. « L’idée est que vous pouvez cultiver ces matières végétales exactement sous la forme dont vous avez besoin, vous n’avez donc pas besoin de faire de fabrication soustractive après coup, ce qui réduit la quantité d’énergie et de déchets. Il y a beaucoup de potentiel pour étendre cela et développer des structures tridimensionnelles », affirme Ashley Beckwith. Pour l’heure, les scientifiques ont « imprimé » leur matériau en forme de petit arbre.
De nombreux essais devront encore être menés dans ce champ d’études. Les chercheurs souhaitent notamment continuer à étudier le procédé pour obtenir une meilleure compréhension du contrôle du développement cellulaire. Ils aimeraient aussi déterminer comment d’autres agents chimiques ou facteurs génétiques peuvent impacter la croissance des cellules. Pour les applications avec du bois, il leur faudra également adapter leur procédé, puisque le zinnia n’en produit pas.
Ils restent toutefois enthousiastes face à l’ampleur de la tâche : « Ce travail démontre la puissance qu’une technologie à l’interface entre l’ingénierie et la biologie peut apporter pour relever un défi environnemental, en tirant parti des avancées développées à l’origine pour les applications de soins de santé », se réjouit ainsi Jeffrey Borenstein, l’un des co-auteurs de l’étude.