Les fossiles en question ont été découverts sur le site de Messel, près de Francfort, une carrière de schiste bien connue des paléontologues pour sa richesse en fossiles. Les experts estiment que ces restes de python sont datés de 47 millions d’années, ce qui leur confère le statut de plus vieux fossiles de serpent jamais découverts. Ces restes d’animaux permettent surtout aux chercheurs d’en savoir plus sur l’origine des pythons et sur leur évolution.
Atteignant une longueur de plus de six mètres, les pythons comptent parmi les plus grands serpents du monde. Aujourd’hui, diverses espèces de ces serpents constricteurs se trouvent principalement en Afrique, en Asie du Sud et du Sud-Est et en Australie. Mais jusqu’à présent, l’origine géographique de ce serpent n’était pas clairement établie.
Certains experts suggèrent que les pythons proviennent des continents de l’hémisphère sud — autrement dit, les régions où ils vivent aujourd’hui ; d’autres pensent qu’ils pourraient également être issus de l’hémisphère nord, où se trouvent leurs plus proches parents vivants (le serpent rayon du soleil ou serpent arc-en-ciel d’Asie du Sud-Est et le python fouisseur du Mexique). Mais la découverte de cette nouvelle espèce fossilisée, baptisée Messelopython freyi — en l’honneur du Dr Eberhard Frey, un grand spécialiste des reptiles fossiles — suggère que les pythons ont bien évolué en Europe.
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Une coexistence avérée entre pythons et boas
La fosse de Messel regorge de « trésors » paléontologiques tels que ces fossiles de python. Autrefois mine de schiste bitumineux, ce site est presque devenu un dépotoir dans les années 1970. Mais à cette époque, le site était déjà connu pour ses remarquables fossiles datant de l’époque de l’éocène (qui s’étend d’il y a 57 millions à 36 millions d’années). Ainsi, en 1995, il est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Dans les deux dernières décennies, le site a été le lieu d’incroyables découvertes : les restes d’une jument en gestation âgés de 47 millions d’années, de tortues en train de s’accoupler — une découverte considérée comme le premier enregistrement de copulation de vertébrés — ou encore de coléoptères chatoyants.
Nous sommes cette fois-ci en présence de restes de serpents. Et ces fossiles constituent le premier indice permettant de trancher sur l’origine géographique du python. « Nos nouveaux fossiles sont de loin les plus anciens enregistrements de pythons, et étant en Europe, ils soutiennent une origine dans l’hémisphère nord », explique Krister Smith, paléontologue des vertébrés à l’Institut de recherche Senckenberg, à Francfort, et co-auteur de l’étude publiée dans Biology Letters rapportant la découverte.
D’après Smith et son collaborateur, les individus de l’espèce M. freyi avaient à peu près la même taille que les petits pythons d’aujourd’hui, soit un mètre de long, et possédaient environ 275 vertèbres. Mais ces fossiles de python apportent bien plus d’informations : ils permettent notamment d’éclaircir la relation entre les pythons et les boas constricteurs, deux espèces particulièrement similaires.
En effet, cette découverte prouve que ce premier python européen vivait aux côtés de boas constricteurs ; une conclusion surprenante étant donné qu’aujourd’hui, les boas ne vivent pas à proximité des pythons. En général, les boas vivent en Amérique du Sud et centrale, à Madagascar et dans le nord de l’Océanie, tandis que les pythons vivent en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Australie. « C’est l’un des aspects les plus passionnants et intrigants de la découverte », a déclaré le Hussam Zaher, professeur et conservateur des vertébrés au Musée de zoologie de l’Université de São Paulo, au Brésil, et co-auteur de l’étude.
Deux espèces concurrentes ?
Les deux chercheurs savaient déjà que les boas vivaient en Europe au début du paléogène, une période qui s’étend d’il y a 66 millions à 23 millions d’années. Or, la découverte de ce fossile prouve que les pythons y vivaient aussi à la même époque. Ces deux espèces de serpents constricteurs (qui étouffent leurs proies) étant des « concurrents écologiques directs », cela soulève quelques questions sur la façon dont ils ont réussi à coexister. Pour résoudre ce mystère, les chercheurs espèrent trouver davantage de fossiles de pythons et de boas, plus anciens, de préférence avec le contenu de l’estomac préservé (ce qui pourrait par exemple mettre en évidence des différences au niveau du régime alimentaire, pouvant expliquer la réussite de leur « cohabitation »).
Par ailleurs, les deux confrères envisagent d’orienter leurs recherches vers le sud de la Floride, où des espèces de pythons (Python molurus bivittatus et P. sebae) et de boas (Boa constrictor) coexistent en tant qu’espèces invasives. Zaher explique en effet que dans cette région, il n’est pas encore clair si P. molurus bivittatus et B. constrictor sont réellement en concurrence face aux différentes ressources, ou bien s’ils ont chacun un micro-habitat et des proies légèrement différents. « Une situation similaire peut s’être produite en Europe pendant l’éocène », souligne Zaher.