Avec la propulsion par fusion nucléaire, les voyages spatiaux pourraient durer 3 fois moins longtemps qu’avec les technologies actuelles. Dans cette vision, Pulsar Fusion a entamé la construction du plus grand prototype de moteur de fusée à fusion nucléaire au monde. La chambre de fusion, qui mesure 9,8 mètres de long, sera le siège de températures supérieures à celles régnant au cœur du Soleil lors de sa mise à feu l’année prochaine. Les essais en orbite sont prévus pour 2027.
Pulsar Fusion s’est engagé dans la conception de moteurs de fusée à fusion nucléaire, depuis maintenant une dizaine d’années. Actuellement en phase 3 du développement du projet, l’entreprise prévoit d’effectuer les premiers tests statiques d’ici l’année prochaine et, s’ils s’avèrent concluants, les essais en orbite en 2027.
Pour obtenir la poussée nécessaire à la mise en mouvement à haute vitesse d’un vaisseau spatial, la chambre de fusion devra atteindre des températures de centaines de millions de degrés — un paramètre essentiel aux réactions de fusion nucléaire. Ces températures étant supérieures à celles du cœur du Soleil, la chambre deviendra temporairement l’endroit le plus chaud du système solaire.
L’énergie libérée par le moteur à fusion pourrait permettre à la fusée d’atteindre une vitesse allant de 110 à 350 kilomètres par seconde dans l’espace. « Nos moteurs satellites actuels que nous fabriquons aujourd’hui chez Pulsar produisent jusqu’à 40 kilomètres par seconde en vitesse d’échappement. Nous espérons atteindre plus de 10 fois cela avec la fusion », explique dans un communiqué le PDG de Pulsar Fusion, Richard Dinan.
Si tout se déroule comme prévu, Pulsar Fusion pourrait révolutionner le voyage spatial. Avec la vitesse obtenue par ce premier dispositif, le temps de voyage vers Mars serait divisé par 3 (2-3 mois au lieu de 6-8), tandis que Saturne et Pluton seraient atteints en seulement 2 et 4 ans respectivement. En comparaison, le voyage vers Saturne durerait environ 8 ans avec les technologies actuelles, soit 4 fois plus. Si la technologie se montre viable, elle pourrait évoluer vers des temps de trajet encore plus courts.
Une poussée de 100 newtons
Le moteur mis au point par Pulsar Fusion utilise l’entraînement par fusion direct (de l’anglais Direct Fusion Drive, ou DFD). Il s’agit d’un concept innovant permettant une propulsion par fusion à régime permanent, obtenu par le biais d’un réacteur à fusion compact. Au lieu de convertir l’énergie libérée en électricité, les particules chargées créent directement une poussée. Cette caractéristique rend le moteur à fusion plus efficace que ceux à carburant, car il est alimenté par des isotopes. De plus, il n’y a ainsi pas de charge utile de carburant — qui peut représenter plusieurs dizaines de tonnes pour les dispositifs conventionnels.
Le moteur DFD peut fournir une puissance de l’ordre du mégawatt, permettant d’obtenir une poussée de 10 à 101 newtons. Pas énorme, mais ce n’est qu’un début.
Parallèlement, l’énergie produite pourrait également assurer l’alimentation électrique des vaisseaux spatiaux. Ainsi, la technologie pourrait offrir des possibilités d’exploration spatiale à durée réduite sur de grandes distances, ainsi qu’un rapport charge utile/masse propulsive incroyablement élevé.
Des modélisations informatiques ont démontré que le moteur peut propulser un dispositif spatial d’environ une tonne à une vitesse très élevée. À noter que les réactions de fusions nucléaires sont également plus faciles à effectuer dans l’espace que sur Terre, le froid et le vide spatial leur étant particulièrement bénéfiques.
Cependant, la start-up est encore aujourd’hui confrontée à un défi majeur, notamment la stabilisation des réactions au niveau de la chambre de fusion. Selon James Lambert, le directeur financier de Pulsar Fusion, « la difficulté est d’apprendre à retenir et à confiner le plasma super chaud dans un champ électromagnétique ».
Gagner en stabilité grâce à l’apprentissage automatique
Le comportement du plasma est plus ou moins comparable à celui d’un système météorologique, c’est-à-dire qu’il est très imprévisible — surtout en l’amenant à des centaines de millions de degrés. En effet, la magnétohydrodynamique et la gyrocinétique du plasma le rendent particulièrement sujet au changement d’état. « Les scientifiques n’ont pas été en mesure de contrôler le plasma turbulent, car il est chauffé à des centaines de millions de degrés et la réaction s’arrête tout simplement », explique Dinan.
À l’instar de celle se déroulant au sein du Soleil, la fusion nucléaire consiste à confiner le plasma ultrachaud au sein d’un puissant champ électromagnétique. La difficulté rencontrée par Pulsar Fusion réside ainsi dans la stabilisation de ce plasma dans un champ électromagnétique à la fois colossal et confiné dans une zone très restreinte — et ce pour une longue durée. Cette étape est essentielle pour permettre au plasma à haute densité obtenu de fournir la puissance nécessaire au moteur.
Pour surmonter ce défi, les ingénieurs de Pulsar Fusion se sont appuyés sur l’apprentissage automatique, afin de définir les meilleurs paramètres de stabilisation. Pour ce faire, ils ont préalablement extrait les données du réacteur à configuration à champ inversé de Princeton (PFRC) pour les intégrer dans les simulations informatiques afin de mieux prédire le comportement du plasma sous confinement électromagnétique. Le PFRC figure au sein d’une série d’expériences de physique des plasmas visant à évaluer une configuration optimale pour les plus puissants réacteurs à fusion. La technologie vise particulièrement l’application aux moteurs DFD.
En plus des voyages dans l’espace, la technologie de Pulsar Fusion pourrait également être appliquée à certains systèmes de fusion nucléaire expérimentaux actuels.