OpenSea, l’une des plus grandes marketplaces pour les NFT avait récemment décidé d’imposer une limite aux créateurs, avec effet immédiat : cinq collections, ne comptant pas plus de 50 NFT chacune. L’annonce n’a pas manqué d’attirer la colère des utilisateurs et la plateforme est finalement revenue sur sa décision en moins de 24 heures. Elle a néanmoins pris soin d’expliquer pourquoi elle s’est vue contrainte d’imposer une telle limite : il s’avère que 80% des objets créés avec son outil de frappe gratuit ne sont en réalité que des œuvres volées et plagiées ou autres escroqueries.
« Nous avons construit notre contrat de vitrine partagée pour faciliter l’intégration des créateurs dans l’espace. Cependant, nous avons récemment constaté une augmentation exponentielle de l’utilisation abusive de cette fonctionnalité. Plus de 80% des articles créés avec cet outil étaient des œuvres plagiées, de fausses collections et du spam », a déclaré OpenSea sur son compte Twitter. La marketplace, qui repose sur la norme Ethereum ERC-721, permet aux utilisateurs de générer gratuitement des NFT — sous forme de dessins, modélisations 3D, photos, musique ou toute forme d’œuvre numérique — puis de les vendre (directement ou par enchères).
La limite imposée de 50 NFTs, mise en œuvre sans aucun avertissement ni explication, était un coup dur pour de nombreux artistes très actifs sur OpenSea, à l’instar de HOLOHEADZ, qui a travaillé pendant plusieurs mois sur la création de NFT qu’il ne pouvait dès lors plus déployer dans sa collection, rapporte le magazine ARTnews.
Face à l’incompréhension générale, OpenSea a annoncé qu’elle avait agi de la sorte pour lutter contre le vol et la prolifération des fausses collections. Elle s’est engagée par ailleurs à trouver rapidement le moyen de mieux encadrer les usages. « Nous travaillons sur un certain nombre de solutions pour nous assurer que nous soutenons nos créateurs tout en dissuadant les mauvais acteurs », a déclaré la société.
De nombreux artistes impuissants face au vol de leurs œuvres
Pour rappel, les NFT (ou jetons non fongibles) sont des objets ou oeuvres numériques liées à des certificats de propriété insérés dans la blockchain. L’outil de frappe gratuit proposé par OpenSea permet aux artistes de ne pas payer les frais relatifs à l’usage de la blockchain via laquelle les jetons sont créés (c’est l’acheteur qui en supporte les frais). Parce que la plateforme héberge des œuvres protégées par le droit d’auteur, elle se doit de faire respecter ce droit et le cas échéant, doit supprimer les œuvres illégales. Mais il se trouve que sur ce point, OpenSea ne s’est pas montrée très efficace et plusieurs artistes se sont récemment plaints de voir leurs œuvres copiées et vendues sans leur autorisation ; des cas d’usurpation d’identité ont également été signalés.
Le processus de signalement des œuvres volées s’avère en réalité trop complexe et une fois la plainte déposée, la réaction de la société se fait attendre. Le compte Twitter NFT thefts, spécifiquement dédié au signalement des œuvres volées, a recueilli le témoignage de nombreux artistes. L’un d’entre eux, Muffins & Stitches, qui a formulé de nombreuses demandes de retrait auprès d’OpenSea, s’est vu répondre que « cela peut prendre jusqu’à une semaine en fonction de la complexité du problème ». En attendant, tant que l’œuvre demeure sur la place de marché, la personne qui la vend illégalement peut continuer à gagner de l’argent…
« Au cours des dernières 24 heures, j’ai dû signaler 29 cas où mon art a été volé en tant que NFT. J’en ai tellement marre et ça semble empirer. Tous les artistes que je connais se font voler leur travail et [ce n’est] tout simplement pas juste », a déclaré début décembre RJ Palmer, un artiste américain, célèbre pour avoir créé de nombreuses créatures de jeux vidéo, de l’univers Pokemon notamment.
Plusieurs utilisateurs ont également déclaré être régulièrement victimes de tentatives de phishing de la part de personnes désireuses de détourner leur compte. Face à l’ampleur du problème, la non-réaction d’OpenSea est incompréhensible. « Ils ont tellement d’argent, ils gagnent tellement de revenus qu’ils devraient pouvoir mettre en œuvre des protocoles ou même des correctifs technologiques », a déclaré à Futurism Gabriel Allred, fondateur de la société NFT Bitlectro Labs.
Des problèmes de plagiat qui pourraient être rapidement résolus
La marketplace va devoir s’armer d’efforts pour redorer son blason. D’autant plus qu’elle a déjà récemment fait les frais d’un bug ayant entraîné des centaines de milliers de dollars de pertes pour les propriétaires, et tout autant de bénéfices pour les pirates qui ont exploité cette faille. Plusieurs NFT rares ont ainsi été vendus bien en dessous de leur valeur marchande. OpenSea a finalement remboursé environ 1,8 million de dollars aux utilisateurs concernés par ces pertes.
Concernant les problèmes de plagiat, une solution simple consisterait à vérifier l’ensemble des comptes créés sur la plateforme — et pas uniquement les marques et les artistes très médiatisés — et surtout d’utiliser un algorithme d’apprentissage automatique pour analyser les images et leurs métadonnées sur les blockchains et les marchés tiers, afin de détecter d’éventuels plagiats et violations du droit d’auteur. Cette procédure de vérification est d’ailleurs déjà mise en place sur la galerie en ligne DeviantArt, qui analyse ainsi près de 4 millions de NFT chaque semaine.
OpenSea n’a pas répondu aux demandes de commentaires, selon Futurism. La société a cependant déclaré qu’elle était consciente du problème et qu’elle s’efforçait de les résoudre. Pepi Martinez, un ingénieur blockchain qui travaillait auparavant pour la start-up de production numérique NewKino, a déclaré à ARTnews que si OpenSea n’a pas encore résolu le problème, c’est uniquement parce qu’elle engrange énormément d’argent grâce aux énormes volumes de NFT frappés et échangés chaque jour. Son modèle économique repose sur les commissions qu’elle prélève sur les transactions et selon TechCrunch, elle aurait réalisé 2,4 milliards de transactions en décembre. « Parce qu’OpenSea veut ce volume d’échanges, ils ne se soucient pas de savoir si l’art est volé ou non, tout comme la façon dont Facebook ne supprimera pas le contenu raciste parce qu’il veut des clics », explique Martinez.