La compréhension de la relation entre la dynamique structurelle des protéines et leur fonction est cruciale, tant pour la recherche fondamentale que pour la biotechnologie. Comme les antennes radio, qui sont capables de recevoir et émettre des ondes, la nano-antenne fluorescente nouvellement conçue peut recevoir et émettre la lumière dans une certaine couleur, selon le mouvement de la protéine détecté. Une application pour le moins intéressante dans l’identification de nouveaux médicaments ou encore le développement des nanotechnologies.
D’une longueur de cinq nanomètres seulement (environ 1000 fois plus petite qu’une bactérie), la plus petite antenne jamais conçue surveille la dynamique des protéines, en constante évolution. Les chercheurs, de l’Université de Montréal, ont publié leurs travaux dans la revue Nature Methods.
La nano-antenne, fabriquée à partir d’ADN, est également fluorescente, ce qui signifie qu’elle utilise des signaux lumineux pour enregistrer et transmettre des informations. « La nano-antenne reçoit la lumière dans une couleur, aussi appelée longueur d’onde, et selon le mouvement de la protéine qu’elle détecte, elle renvoie la lumière dans une autre couleur que nous pouvons détecter », explique dans un communiqué de l’Université de Montréal le chimiste Alexis Vallée-Bélisle. Les signaux lumineux perçus peuvent donc être utilisés pour étudier le mouvement et les changements structurels des protéines en temps réel.
Pour rappel, les protéines sont des molécules complexes qui accomplissent toutes sortes de tâches essentielles dans l’organisme, du soutien du système immunitaire à la régulation de la fonction des organes. Or, on pense en général à tort que les protéines adoptent des structures uniques déterminées par leurs séquences d’acides aminés. En réalité, elles adoptent plein de conformations différentes : c’est la dynamique des protéines. Les transitions entre ces états se produisent sur une variété d’échelles de longueur et de temps.
Une nouvelle technologie de synthèse de l’ADN sur mesure
Cependant, les auteurs de l’étude sont formels, les méthodes permettant d’étudier la dynamique rapide des changements structurels des protéines sont limitées. « Les techniques à haute résolution structurelle, notamment la résonance magnétique nucléaire et la cristallographie aux rayons X, ne peuvent souvent pas être appliquées directement à l’étude des états protéiques de courte durée », détaillent-ils.
Ainsi, la toute dernière technologie de synthèse de l’ADN — en développement depuis tout de même une quarantaine d’années — produit des nanostructures sur mesure, de différentes longueurs et flexibilités. Ces dernières sont optimisées pour remplir des fonctions comme la captation des états protéiques de très courte durée. Selon les chercheurs, cela signifie qu’il existe de nombreuses applications potentielles, tant en biochimie qu’en nanotechnologie en général.
Pour cette étude, une plateforme et un liant médient les interactions colorant-protéine via une concentration locale élevée. Plus clairement, les changements de conformation de la protéine affectent l’environnement chimique du colorant et génèrent alors un changement du signal de fluorescence, visible par les chercheurs. En jouant sur la longueur du liant et le type de colorant, ces derniers ont exploité cette stratégie pour surveiller les fonctions de trois protéines différentes : la streptavidine, la phosphatase alcaline et la protéine G.
Par des expériences et des simulations moléculaires, l’équipe a par exemple détecté et caractérisé cinq états conformationnels distincts de l’enzyme phosphatase alcaline intestinale, y compris le complexe transitoire enzyme-substrat. Cette enzyme, probablement impliquée dans le maintien de l’homéostasie du microbiote intestinal, présente un fort intérêt dans la prévention de maladies digestives et inflammatoires.
Des avantages considérables
L’un des principaux avantages des nano-antennes fluorescentes est leur commodité. Par exemple, les nano-antennes peuvent être utilisées avec un simple spectrofluorimètre conventionnel, par opposition à des techniques spécialisées. Les laboratoires du monde entier pourraient ainsi facilement utiliser ces nano-antennes pour étudier leur « protéine préférée », identifier de nouveaux médicaments ou encore développer de nouvelles nanotechnologies.
En outre, les nano-antennes présentent un autre avantage important avec leur polyvalence. Elles peuvent être utilisées pour surveiller des mécanismes biomoléculaires distincts en temps réel, y compris des changements de conformation petits et grands — en principe, tout événement pouvant affecter l’émission de fluorescence du colorant. Il faut noter tout de même que certaines protéines peuvent ne fonctionner avec aucun colorant. « Cependant, nous pensons que l’universalité de la stratégie des nano-antennes peut être améliorée en criblant une plus grande bibliothèque de colorants […]. Nos nano-antennes fluorescentes trouveront des applications intéressantes dans l’étude de la structure et de la fonction des protéines et dans le criblage à haut débit », concluent les chercheurs.