Si l’augmentation du niveau des mers et du taux de CO2 atmosphériques font partie des conséquences les plus médiatisées du réchauffement climatique, d’autres dommages collatéraux concernant des biotopes localisés méritent également la plus grande des attentions. C’est le cas d’un événement de mortalité massive ayant touché la population de macareux au large de l’Alaska et entraîné la mort de plusieurs milliers d’oiseaux.
Les habitants de l’île Saint-Paul, au large de la côte de l’Alaska, sont habitués à trouver des oiseaux de mer échoués sur le rivage. Mais jusqu’à récemment, les macareux morts étaient rares, surtout pendant les mois d’hiver. À la fin de janvier 2017, le nombre de carcasses d’oiseaux avait atteint des centaines, leur corps émacié laissant présager une rupture dans la chaîne alimentaire de la mer de Béring.
Une étude publiée dans la revue PLOS One et menée par des chercheurs américains a révélé que le nombre élevé de cadavres découverts par des volontaires ne constituait que la partie émergée de l’iceberg, ce qui représente un événement de mortalité énorme pouvant atteindre 8800 oiseaux. Les membres de la communauté des Aléoutes de St. Paul travaillent depuis longtemps avec le programme de science citoyenne de l’équipe d’observation des côtes et d’observation des oiseaux de mer (COASST) de l’Université de Washington.
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Chaque mois, les volontaires enquêtent sur les restes d’oiseaux et de débris marins laissés sur les plages de l’île, fournissant aux chercheurs une mine d’informations sur la santé écologique de la mer de Béring. Le nombre d’oiseaux de mer morts échoués de la fin de l’automne à l’hiver n’est généralement pas si élevé. Parmi ceux-ci, les macareux touffus ne représentent que 1% des oiseaux trouvés.
Des milliers de macareux morts d’inanition au large de l’Alaska
Entre octobre 2016 et janvier 2017, les restes d’un peu moins de 360 oiseaux de mer adultes et juvéniles ont été collectés, mesurés et enregistrés par les membres du COASST de St. Paul. Ce qui était particulièrement surprenant, c’était que presque huit macareux sur dix (Fratercula cirrhata) étaient touffus. Les autres étaient des macareux huppés (Aethia cristatella), avec une poignée de macareux cornus (F. corniculata).
Il n’a pas été difficile de déterminer la cause probable d’une telle augmentation inhabituelle du nombre de décès. Des autopsies sur plusieurs des corps ont confirmé leur émaciation, avec une perte importante de masse dans les muscles de leurs ailes. En excluant diverses toxines et maladies, il était correct d’affirmer que les oiseaux étaient simplement morts de faim.
Quelques centaines d’oiseaux peuvent sembler représenter un nombre peu élevé. Mais c’est ce que les volontaires n’ont pas vu qui suscite des inquiétudes. En analysant les vents et les courants dans la région et en menant des expériences pour déterminer la direction que prendraient les cadavres flottants, les chercheurs ont établi des estimations générales du nombre de décès que ce petit échantillon pourrait représenter.
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Les prédictions les plus faibles suggèrent qu’un peu plus de 3000 oiseaux pourraient avoir péri cette saison en raison d’une pénurie de nourriture. Tandis que les prédictions les plus sombres font grimper ce nombre jusqu’à 8800 oiseaux.
La quantité de cadavres de macareux touffus indique que plus de la moitié de la population vivant autour des îles locales pourrait être morte. Et, si les estimations les plus élevées sont exactes, il est possible que presque tous les macareux soient morts au cours de ce seul événement.
Une rupture de la chaîne alimentaire océanique due au réchauffement climatique
Des événements de mortalité à grande échelle comme ceux-ci ne sont pas inconnus. En 1997, des centaines de milliers de macareux à poil court (Puffinus tenuirostris) émaciés auraient péri dans le sud-est de la mer de Bering. De nombreux événements de ce type ont été attribués à des changements dans l’abondance du zooplancton, généralement dus à des augmentations localisées de la température des océans.
Il est probable que l’absence de nourriture au large des côtes de l’Alaska soit également à blâmer ici. Un peu plus de tempêtes hivernales que d’habitude aurait pu également constituer le coup de grâce pour les oiseaux, déjà épuisés. Ce n’est pas une surprise ; les scientifiques pensent que le réchauffement des eaux dans l’extrême nord a eu un effet domino non seulement sur les oiseaux de mer ces dernières années, mais a également entraîné une baisse du nombre de jeunes nouveaux-nés.