Un fragment de la mâchoire d’un gigantesque ichtyosaure de 25 mètres a été découvert sur une plage du Blue Anchor dans le Somerset, au Royaume-Uni. Ayant vécu à la fin du Trias il y a environ 202 millions d’années, il s’agirait d’une espèce d’un tout nouveau genre figurant parmi les derniers ichtyosaures. D’après la taille de sa mâchoire, il pourrait s’agir du plus grand reptile marin jamais découvert.
Les ichtyosaures sont des prédateurs marins ayant dominé les océans au début du Mésozoïque (il y a 252,2 à 66 millions d’années). Bien qu’ils soient catégorisés comme des reptiles marins, leur évolution diffère complètement des dinosaures et se rapproche davantage de celle des baleines. À l’instar de ces dernières, ils remontaient à la surface de l’eau pour respirer et mettaient bas leurs petits.
Les ichtyosaures auraient été les premiers tétrapodes marins de taille géante, atteignant 17 mètres de long en seulement 3 à 5 millions d’années d’évolution. Les plus grandes espèces sont apparues à la fin du Trias (une subdivision du Mésozoïque située entre 251 et 200 millions d’années avant l’ère commune), dans la famille des Shastasauridae. Il s’agit cependant des derniers ichtyosaures, les roches dans lesquelles leurs fossiles ont été trouvés relatant l’événement d’extinction massive de la fin du Trias.
En 2018, Dean Lomax, paléontologue à l’Université de Bristol et de Manchester (au Royaume-Uni), a mis au jour un fragment de la mâchoire de l’un de ces géants. Le spécimen date d’il y a 202 millions d’années et aurait mesuré 25 mètres de long, ce qui en ferait le plus grand reptile marin jamais découvert. À titre de comparaison, le Shonisaurus sikanniensis (découvert en Colombie-Britannique, au Canada), détenteur du précédent record, mesurait 21 mètres de long.
Plus récemment, en mai 2020, un père et sa fille, passionnés de paléontologie, ont découvert un autre morceau de mâchoire du même spécimen en effectuant des fouilles près de la zone que Lomax a exploré (sur la plage de Blue Anchor dans l’estuaire de la Severn). Mesurant près de 2 mètres de long, le fossile s’emboîtait parfaitement avec celui découvert par le chercheur. Les analyses de l’équipe, récemment détaillées dans la revue PLOS ONE, ont montré qu’il s’agit d’un tout nouveau genre d’ichtyosaure qu’ils ont baptisé Ichthyotitan severnensis (signifiant « poisson-lézard géant de la Severn »).
« J’ai été étonné par cette découverte. En 2018, mon équipe a étudié et décrit [un fragment] de la mâchoire géante et nous avions espéré qu’un jour un autre verrait le jour. Ce nouveau morceau est plus complet, mieux conservé et montre que nous disposons désormais de deux de ces os géants (appelés surangulaires), qui ont une forme et une structure uniques », explique Lomax dans un communiqué de l’Université de Bristol.
L’un des derniers représentants des ichtyosaures
Le fossile nouvellement exhumé est un surangulaire droit morphologiquement identique, bien que plus complet, au surangulaire gauche découvert par Lomax en 2018. Une fois assemblés, les 12 fragments de l’os s’emboîtaient parfaitement avec celui mis au jour par le chercheur. Des fragments de côtes ainsi qu’un coprolithe (excrément fossilisé) ont également été découverts dans la zone, mais n’ont pas été attribués au même spécimen.
En outre, les sédiments dans lesquels les fossiles ont été trouvés comportaient des traces de forte activité sismique et de tsunamis, suggérant que l’espèce a vécu pendant une période d’activité tectonique intense qui aurait pu conduire à l’extinction de masse de la fin du Trias.
Afin de confirmer qu’il s’agissait bien d’un ichtyosaure, les chercheurs ont prélevé des échantillons de fossiles afin d’en analyser la structure interne. Ils ont constaté que les os présentaient effectivement les caractéristiques histologiques typiques des ichtyosaures géants. Ces derniers possèdent notamment une croissance osseuse inhabituelle qui leur a probablement permis d’atteindre une taille colossale.
« La croissance périostée [réaction ossifiante du périoste sus-jacent à un processus pathologique intra-osseux] anormale de ces os fait allusion à des stratégies de développement osseux encore incomprises, qui ont probablement permis aux ichtyosaures de la fin du Trias d’atteindre les limites biologiques connues des vertébrés en matière de taille », explique Marcelle Perillo, de l’Université de Bonn (en Allemagne). Les analyses du chercheur indiquent d’ailleurs que le spécimen était encore en pleine croissance au moment de sa mort.
Par ailleurs, « une combinaison de caractéristiques morphologiques uniques observée dans les deux fossiles suggère qu’ils représentent un nouveau taxon », ont écrit les experts dans leur rapport. En effet, les deux fossiles présentent à la fois les mêmes caractéristiques et proviennent exactement de la même période géologique. Le spécimen vivait notamment il y a 13 millions d’années après ses parents ichtyosaures les plus proches : Shonisaurus sikanniensis et Himalayasaurus tibetensis (découverts au du Tibet, en Chine). Cela fait de Ichthyotitan severnensis l’un des derniers représentants des Ichtyosaures, avant qu’ils ne soient supplantés par les plésiosaures.