Que faudrait-il de plus pour inquiéter le monde ? Aujourd’hui, le plastique est omniprésent dans nos chaînes de production alimentaires et nos objets du quotidien. Les déchets qu’il génère ont des impacts dramatiques en s’infiltrant quasiment partout, de notre environnement jusqu’à notre organisme. Il a même été détecté dans le placenta de femmes enceintes, représentant un véritable danger pour les bébés concernés. Pourtant, la production mondiale de plastiques ne fait qu’augmenter chaque année. Une nouvelle étude parue dans la revue Science Direct a, pour la première fois, démontré la présence de différents types de microplastiques dans le sang humain. La révélation inquiète les scientifiques, qui pensent qu’il est urgent et impératif de déterminer comment cela peut affecter nos cellules, notamment dans la cancérogenèse.
D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’ONU, en raison de la croissance des marchés émergents, la production de plastiques dans le monde a quadruplé en 30 ans. Ce chiffre augmentera encore exponentiellement d’ici 2030 (passant de 460 millions à 620 millions de tonnes), au rythme où le monde surconsomme. Entre 2000 et 2019, les déchets plastiques générés atteignaient des proportions gigantesques (353 millions de tonnes), et sont directement rejetés dans nos milieux aquatiques, dans les décharges sauvages ou dans l’air (par combustion). Le plastique accumulé dans les océans a même donné naissance au célèbre et aberrant « septième continent » de déchets, flottant au large du Pacifique.
En contaminant notre nourriture, l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons, ces déchets plastiques parviennent à infiltrer notre organisme. L’étude des chercheurs de l’Université libre d’Amsterdam est la première à montrer que les particules de microplastiques peuvent s’infiltrer dans les organes via la circulation sanguine.
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Bien que les impacts directs sur la santé ne soient pas encore tout à fait clairs, les scientifiques sont inquiets, car lors de précédents tests in vitro, il a plusieurs fois été démontré que les microplastiques endommagent les cellules humaines. De plus, une autre étude a révélé que les microplastiques peuvent se lier aux membranes cellulaires des globules rouges, limitant leur capacité à se lier aux molécules de dioxygène qu’elles sont censées transporter. Le plastique aurait aussi réussi à franchir la barrière placentaire de femmes gestantes, représentant ainsi un danger pour les fœtus.
D’après les auteurs de l’étude néerlandaise, des travaux antérieurs ont également révélé que les bébés nourris au biberon en plastique ingéraient des millions de microparticules par jour. Les taux de microplastiques étaient notamment 10 fois plus élevés dans les selles des bébés que dans ceux des adultes. « Il est certainement raisonnable de s’inquiéter, car les particules sont là et sont transportées dans tout le corps », affirme Dick Vethaak, auteur principal de l’étude et professeur d’écotoxicologie à l’Université libre d’Amsterdam. D’autant plus que « nous savons aussi qu’en général, les bébés et les jeunes enfants sont plus vulnérables à l’exposition aux produits chimiques et aux particules », ajoute-t-il.
Du plastique détecté dans 80% des échantillons
Pour aboutir à leurs résultats, les chercheurs néerlandais ont analysé des échantillons de sang de 22 donneurs anonymes, adultes et en bonne santé. Seringues en acier et tubes en verre ont été utilisés pour ne pas contaminer les échantillons, qui ont subi des batteries de tests détectant jusqu’aux particules de 0,0007 mm de diamètre.
L’équipe a alors détecté du plastique dans 17 des 22 échantillons (80%). La moitié d’entre eux contenaient du polyéthylène téréphtalate (PET), composant couramment les bouteilles d’eau et de diverses boissons. Un tiers des échantillons contenait du polystyrène, utilisé par exemple dans la fabrication de barquettes alimentaires et les amortisseurs de chocs d’appareils électroménagers. Le reste des échantillons contenait du polyéthylène, à partir duquel les sacs en plastique sont fabriqués. Certains des sujets tests avaient donc deux ou trois sortes de plastiques dans leur sang. Ces résultats sont révélateurs, car les donneurs étaient pris au hasard (dans la population générale) et les plastiques détectés sont ceux bénéficiant des plus grands volumes de production.
Le groupe de chercheurs souligne toutefois que la quantité et le type de plastique variaient considérablement entre les échantillons de sang. « Mais il s’agit d’une étude pionnière », indique Vethaak, et plus de travail ainsi qu’un plus grand nombre d’échantillons tests sont nécessaires. D’après l’expert, les différences pourraient probablement s’expliquer par une exposition à court terme (en buvant par exemple du café dans un gobelet en plastique ou en portant un masque en plastique) avant les prélèvements sanguins.
Les auteurs de l’étude estiment également qu’il serait urgent de savoir comment les microparticules de plastique se déplacent dans l’organisme et si elles peuvent pénétrer dans des organes nobles, en franchissant par exemple la barrière hématoencéphalique. Il s’agira également de déterminer si les niveaux sont suffisamment élevés pour affecter la structure et le métabolisme de nos cellules, et provoquer des maladies telles que le cancer.