L’absence de continuité politique dans les programmes spatiaux
L’objectif actuel de l’administration Trump est d’amener les astronautes au « voisinage de la Lune » vers 2023. Ce serait vers la fin de ce qui pourrait être le deuxième mandat de Trump s’il était réélu. « Pourquoi croiriez-vous ce que n’importe quel président dirait à propos de plans devant être réalisés d’ici deux mandats ? Ce ne sont que des paroles » explique Hadfield.
Pour les astronautes, c’est l’incertitude politique qui est paralysante. Développer et tester un vaisseau spatial, désigner et entraîner le personnel de bord, sont des choses qui dépassent de loin la durée de deux mandats présidentiels. Et il est maintenant devenu ordinaire qu’un nouveau président fraîchement élu supprime ou modifie les projets spatiaux initiés par son prédécesseur.
« Je voudrais que le prochain président nous alloue le budget nécessaire à la réalisation des missions pour lesquels nous sommes entraînés, peu importe la teneur de ces missions » confit l’astronaute Scott Kelly.
Cependant, les politiques ne semblent pas se préoccuper d’assurer la continuité des programmes spatiaux. Par exemple, en 2004, Georges Bush a demandé à la NASA d’initier un nouveau programme de retour sur la Lune, remplaçant ainsi l’ancienne navette spatiale.
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L’agence a mis en place le programme Constellation, utilisant une navette nommée Arès et un vaisseau appelé Orion. Pendant 5 ans, la NASA a dépensé 9 milliards de dollars pour le développement d’instruments nécessaires au programme.
Une fois Barack Obama élu, la nouvelle Maison Blanche, via le Bureau de Comptabilité Gouvernemental, a estimé que la NASA était incapable de gérer correctement le budget de Constellation et a supprimé le programme, signant à la place pour le projet SLS.
Même si Trump n’a pas supprimé le SLS, il a modifié les plans de la NASA sur l’exploration d’un astéroïde, afin de rediriger les efforts sur la Lune et Mars. De tels changements continuels dans les programmes de la NASA ont conduit à un gâchis d’environ 20 milliards de dollars, sans parler des compétences et des brevets perdus.
« Je suis vraiment déçu de leur lenteur et de leurs modifications continuelles » expliquait en 2017 Jim Lovell, astronaute d’Apollo 8/13. « Rien ne m’enthousiasme dans un futur proche. Je vais simplement prendre les choses telles qu’elles sont ». Selon l’astronaute Buzz Aldrin, le retour de l’Homme sur la Lune dépend également du soutien de la population et de la manière dont celle-ci choisit ses dirigeants. Cependant, l’intérêt du public pour l’exploration lunaire a toujours été mitigé.
Selon un sondage du Centre de Recherche Pew, 55% des américains pensent que le retour sur la Lune devrait être une des priorités de la NASA, mais seulement 1/4 de ceux-ci estiment que cela devrait être sa principale priorité. Tandis que 44% pensent qu’envoyer de nouveau des astronautes sur la Lune serait une perte de temps.
À l’opposé, 63% des interrogés estiment que l’exploration martienne devrait être une priorité, et 91% pensent que sonder l’espace à la recherche d’astéroïdes dangereux est une priorité majeure.
La Lune : un environnement hostile pour les astronautes
Au-delà des aspects purement politiques, la Lune est également un lieu hostile pour l’Homme. Sa surface est constellée de cratères et rochers rendant dangereux les alunissages. Avant le premier alunissage en 1969 (Apollo 11), le gouvernement américain a dépensé des milliards de dollars pour développer et lancer des satellites afin de cartographier la surface lunaire et d’aider les planificateurs de mission dans leur recherche de sites acceptables.
Mais il existe un autre objet d’inquiétude plus grand : le régolite, une couche de poussière recouvrante la surface du satellite. Selon Madhu Thangavelu, géophysicien et ingénieur en aéronautique à l’université de Californie du Sud, « la Lune est recouverte d’une fine couche de poussière lunaire ressemblant à du talc, chargée électrostatiquement via le vent solaire et extrêmement abrasive et adhérente, encrassant les combinaisons, les véhicules et les instruments très rapidement ».
Peggy Whitson, une astronaute totalisant 665 jours dans l’espace, explique que les missions Apollo ont rencontré d’importants problèmes à cause du régolite. « Si nous prévoyons de longs séjours et des bases permanentes, nous devons trouver une solution à ce problème » indique-t-elle. En effet, en étant plus fin que le sable, le régolite s’insinue facilement dans les voies aériennes et peut provoquer des allergies, des atteintes respiratoires aiguës et même des cancers.
Un autre écueil est celui de la lumière solaire et des variations de températures. Pendant 15 jours, la surface lunaire se transforme en paysage brûlant exposé directement au rayonnement solaire — la Lune ne possédant pas d’atmosphère protectrice — puis, les 15 jours suivants, elle est plongée dans une obscurité glaciale. Actuellement, la NASA développe un réacteur nucléaire miniature, le Kilopower, qui pourrait fournir l’énergie nécessaire aux astronautes lors des périodes sans ensoleillement.
« La Lune est un environnement extrêmement dangereux pour la vie. Pourtant, comme elle est proche de la Terre, il n’existe pas de meilleur lieux pour apprendre à vivre hors de la Terre » conclut Thangavelu. Pendant le programme Constellation, la NASA a développé des combinaisons et des rovers résistants au Soleil et au régolite ; de tels prototypes pourraient être repris pour les prochaines missions initiées par l’administration Trump.
Un retour possible grâce aux milliardaires de l’industrie spatiale
« Il y a cette nouvelle génération de milliardaires passionnés par l’espace, ce qui est génial » explique l’astronaute Jeffrey Hoffman. « L’innovation technologique qui a lieu depuis 10 ans dans le domaine spatial ne se serait jamais concrétisée s’il s’agissait uniquement de la NASA, de Boing ou de Lockheed. Car ces derniers n’avaient aucune motivation pour réduire les coûts ou penser différemment ».
Hoffman fait référence à la société SpaceX d’Elon Musk et à Blue Origin de Jeff Bezos. « Il n’y a pas de secrets : si nous voulons aller plus loin, notamment plus loin que la Lune, nous avons besoin de nouveaux moyens de transport ».
Le souhait de nombreux astronautes de retourner sur la Lune s’inscrit dans la vision à long terme de Bezos. Ce dernier a révélé son plan de construction d’une base lunaire en utilisant son nouveau lanceur New Glenn. « Nous allons déplacer toute l’industrie lourde hors de la Terre, pour que celle-ci puisse devenir un lieu résidentiel avec une industrie légère » explique-t-il.
Musk n’est pas en reste avec sa fusée Big Falcon qui pourrait ouvrir la voie à un voyage lunaire régulier et abordable. SpaceX pourrait même retourner sur la Lune avant la NASA et Blue Origin. Sa fusée Falcon Heavy est capable de lancer une capsule spatiale Dragon au-delà de la Lune et de revenir sur Terre.
« Mon rêve serait, qu’un jour, la Lune devienne partie intégrante de la sphère économique terrienne, tout comme les orbites terrestres basse et géostationnaire. L’espace géostationnaire fait partie de notre économie quotidienne, et je pense qu’un jour la Lune le sera aussi, c’est quelque chose pour lequel nous devons travailler » conclut Hoffman.