Tandis que les télescopes terrestres doivent faire face à plusieurs contraintes comme la pollution électromagnétique et la dynamique atmosphérique, et que les télescopes spatiaux sont certes puissants mais difficiles d’accès, un télescope lunaire pourrait constituer le compromis idéal. Si ce dernier présenterait effectivement quelques avantages, il existe de nombreux obstacles à la réalisation d’une telle installation à la surface de la Lune.
La Lune, à première vue, semble être l’emplacement idéal pour un télescope. Il n’y a pratiquement aucune atmosphère, ce qui élimine tous les problèmes de pollution lumineuse. C’est loin de la Terre, ce qui devrait réduire considérablement les interférences causées par les signaux produits par les activités humaines. Les très longues nuits permettraient d’observer la même cible de manière continue, jusqu’à 14 jours d’affilée sans interruption.
Et comme la Lune offre une surface solide pour implanter un télescope, nul besoin de recourir à des gyroscopes ou des roues à réaction pour orienter convenablement la direction d’observation. Toutefois, la Lune n’est pas un objet isolé ; elle fait partie du système Terre-Lune, lui-même orbitant autour du Soleil. Cette situation donne lieu à plusieurs obstacles.
Si le télescope est placé sur la face géosynchrone de la Lune, la Terre lui fera donc face en permanence. Ce qui est un avantage pour la transmission et la réceptions de signaux, contrôler le télescope, ainsi que télécharger des données presque en temps réel, avec pour seule limite la vitesse de la lumière. Mais c’est également un désavantage car les interférences terrestres comme les ondes radio, seront toujours une source de pollution électromagnétique contre laquelle il faudra protéger l’instrument.
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Si le télescope est placé sur la face cachée de la Lune, alors cette position offre un bouclier naturel contre les interférences radio terrestres. Mais cela implique qu’il n’y aurait pas de trajectoire directe pour le transfert de données ou la transmission du signal. Cela nécessiterait donc l’installation d’un module complémentaire comme un orbiteur lunaire ou un réseau d’antennes jusqu’à la face géosynchrone.
Même si d’apparence la Lune nous apparaît calme et endormie, la réalité est tout autre. Elle est en effet le siège de séismes lunaires. Il en existe quatre types : peu profond, profond, thermiques (causé par le rayonnement solaire) et météoritique (causé par des impacts de météorites). Certains de ces séismes peuvent atteindre 5.5 sur l’échelle de Richter et durer plusieurs dizaines de minutes. Un tel phénomène pourrait fortement déstabiliser le télescope de manière permanente, voire entraîner sa destruction.
Au regard de sa dynamique, la Lune expérimente des périodes consécutives de 14 jours et 14 nuits, conduisant à des écarts de température extrêmes. Ainsi, le jour, la surface lunaire peut atteindre 100 °C et la nuit, -173 °C. Tandis que les télescopes spatiaux peuvent réguler leur température grâce à des systèmes de refroidissement passifs ou actifs, un télescope doit être refroidi sous la température de la longueur d’onde qu’il observe, sinon un fort bruit viendra polluer le signal.
Ces températures extrêmes seraient donc un énorme obstacle pour un télescope lunaire observant dans les UV, l’infrarouge ou le visible. Mises à part la Terre et le Soleil, l’instrument ne pourrait rien observer d’autre avec une netteté suffisante. Construire un télescope résistant et s’accommodant de ces températures est un véritable challenge technique. Placé sur la Lune en 2013 par l’alunisseur chinois Chang’e 3, le Lunar-based Ultraviolet Telescope (LUT) est actuellement le seul télescope lunaire existant.
Pour la grande majorité des objectifs technologiques, l’espace est donc un meilleur choix que la surface lunaire. Cependant, la Lune offre un avantage non-négligeable pour un domaine bien particulier : la radioastronomie. La Terre est une source permanente d’ondes radio se propageant à travers le Système solaire.
La face cachée de la Lune présente un bouclier naturel contre cette pollution. Et selon les astrophysiciens, elle est le meilleur endroit du Système solaire pour observer les ondes radio basse fréquence. Et ces dernières sont riches en information car elles pourraient porter les signatures cosmiques d’événements comme l’inflation ou la formation des premières étoiles. Sur ce côté de la Lune, tous les signaux terrestres sont bloqués et aucune contamination électromagnétique n’est donc possible ; l’endroit idéal pour un radiotélescope lunaire.
L’acheminement des données vers la face visible nécessiterait toutefois des installations supplémentaires comme un module lunaire constamment en orbite, ou un réseau de radiotélescopes (ou de fibre optique) afin de pouvoir transmettre les données correctement vers la Terre.
Le plus grand obstacle demeure néanmoins le coût d’une telle opération. Transporter le matériel sur la Lune, alunir et le déployer, représentent déjà un défi technologique énorme. Même le projet actuellement le plus modeste, le Lunar Array for Radio Cosmology (LARC) — un simple réseau d’une centaine d’antennes déployées sur une zone de deux kilomètres, dépasserait le budget du réseau de radiotélescopes terrestres le plus cher de 1 milliard de dollars.