La toxicité de l’exposition à la lumière bleue pour nos yeux n’est pas une découverte récente. Par contre, son implication n’avait pas encore été clairement élucidée. À présent, nous savons qu’elle agit non directement sur les yeux, mais sur une molécule importante pour la structure cellulaire, qui finit par devenir toxique.
La lumière bleue naturelle, produite par le Soleil, est connue pour réguler notre cycle circadien, car elle favorise l’éveil. Mais elle est aussi produite artificiellement par la quasi-totalité des appareils électroniques à écran ainsi que par certaines ampoules LED.
Ces dernières ont mauvaise réputation du fait qu’elles peuvent perturber notre cycle circadien. En effet, il a été démontré qu’être exposé à ces lumières artificielles, particulièrement la nuit, pouvait altérer la qualité du sommeil, le cerveau croyant qu’il fait encore jour.
Mais il est aussi connu qu’une exposition excessive peut endommager les yeux, jusqu’à potentiellement conduire à une perte de vue progressive au cours de la vie. Cependant, ce mécanisme n’avait pas encore été élucidé jusqu’aujourd’hui.
À lire aussi :
Première mondiale : des médecins ont réussi à restaurer la vue chez deux personnes souffrant de DMLA
Des scientifiques de l’Université de Toledo aux États-Unis ont finalement éclaircit la raison des effets dévastateurs de la lumière bleue sur la rétine. « Nos expériences expliquent le déroulement, et nous espérons que cela conduira à des thérapies ralentissant la dégénérescence maculaire, comme des gouttes ophtalmiques spécifiques » déclare Ajith Karunarathne, chimiste et chercheuse principale.
La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie causée par une dégradation progressive de la zone centrale de la rétine, appelée macula. Elle est due à une détérioration des cellules dans des tissus du globe oculaire sensibles à la lumière, ce qui a pour conséquence un blocage du transport des nutriments et des déchets. La rétine finit par mourir, ce qui peut conduire à la cécité.
Cette maladie apparaît généralement après les 60 ans, et elle touche plus de la moitié des cas de déficience visuelle. Les longueurs d’onde situées entre le bleu et l’ultraviolet ont longtemps été pointées du doigt comme la cause de l’accélération de cette dégénérescence.
Le groupe de recherche de Toledo s’est intéressé au rétinal, une molécule dérivée de la vitamine A, et qui change de forme chimique en présence de lumière. Elle est essentielle pour le fonctionnement des photorécepteurs dans les yeux. Sa capacité à changer de forme permet d’activer les neurones sensoriels, et elle peut retrouver sa forme initiale en absence de lumière.
Cependant, ce processus de reconversion n’est pas parfait, et des recherches ont montré que l’accumulation de la forme convertie du rétinal, nommé « all-trans » out « ATR » (tout-trans en français) dans la rétine est toxique si elle est présente en grande quantité. L’efficacité de reconversion est différente pour chaque individu.
De nombreux scientifiques pensaient que la toxicité provenait du fait que l’ATR était capable de se transformer en une molécule appelée lipofuscine, réputée pour causer des dommages cellulaires.
Le groupe avait pour objectif de comprendre plus précisément comment le rétinal pouvait conduire à une détérioration des tissus. Ils ont ajouté du rétinal dans différents types de cultures cellulaires, puis ont exposé ces dernières à de la lumière bleue.
Ils ont constaté avec surprise que lorsque les deux formes du rétinal étaient présentes, une autre molécule membranaire appelée « PIP2 » se déformait, ce qui entraînait par la suite une accumulation de calcium finissant par déformer la totalité de la cellule, causant ainsi sa mort.
Plus étonnant encore, il ont constaté les mêmes résultats en utilisant d’autres lumières. Les longueurs d’onde bleues semblent exciter la molécule au point qu’elle en devienne toxique.
Ils ont aussi testé l’effet du rétinal et de la lumière bleue sur d’autres types de cellules comme les cellules cardiaques, cancéreuses, ou encore les neurones. Les chercheurs ont obtenu les mêmes effets destructeurs, prouvant que les effets néfastes ne se limitent pas qu’aux cellules photoréceptrices.
Cette recherche montre que la lipofuscine n’est pas l’unique coupable, et que le rétinal pourrait potentiellement avoir d’autres effets négatifs sur l’organisme, cette molécule ne se trouvant pas uniquement dans les yeux.
La vitamine E est connue pour limiter ses effets destructeurs mais avec le vieillissement, la capacité de sa production par l’organisme diminue. Les scientifiques ne savent pas encore si des thérapies à base de vitamine E pourraient réduire les risques de maladies de l’œil.
Pour l’instant, les seules conseils donnés sont la simple réduction de l’exposition à la lumière bleue artificielle. D’ailleurs, de plus en plus d’appareils électroniques (tablettes, smartphones, etc.) dont probablement aussi le vôtre, sont dotés d’une fonction de filtrage de la lumière bleue souvent appelée « Night Shift », permettant de limiter la quantité de lumière bleue artificielle émise par l’écran. C’est une bonne chose non seulement pour vos yeux, mais aussi pour votre sommeil.