Un chercheur suggère que le temps semble s’écouler différemment dans les états de conscience altérés en raison des différences dans la manière dont notre cerveau traite les informations en fonction des situations. Ces états affecteraient notre sentiment naturel de séparation avec le monde qui nous entoure, de sorte que notre perception du temps devient plus aiguisée. Les secondes peuvent parfois sembler s’étirer en minutes ou, au contraire, se contracter.
Nous avons parfois l’impression que le temps s’écoule différemment en fonction de la situation. Il semble par exemple s’écouler plus lentement lorsque nous nous ennuyons, nous retrouvons dans une situation désagréable ou explorons des endroits inconnus. À l’inverse, il semble s’écouler plus rapidement lorsque nous sommes absorbés par une activité spécifique, telle que le travail ou les loisirs. Les personnes âgées ont également l’impression que le temps s’accélère avec l’âge.
Cependant, ces impressions sont généralement légères et notre expérience du temps peut varier de façon beaucoup plus radicale dans d’autres situations. Par exemple, paradoxalement, les expériences d’expansion du temps peuvent survenir dans les situations d’urgence, telles qu’un accident imminent ou une agression. Dans ce type de situation, les secondes semblent s’éterniser, s’étirant en minutes.
Selon Steve Taylor, maître de conférences en psychologie à Université de Leeds Beckett (en Angleterre), 85 % des gens ont vécu au moins une expérience d’expansion temporelle lorsque leur état de conscience est modifié. D’un autre côté, les expériences d’expansion temporelle les plus intenses se déroulent dans les situations de calme extrême, telles que la méditation et la conscience modifiée par le biais de substances psychédéliques (comme le LSD et l’ayahuasca).
« Un homme m’a dit que, pendant une expérience sous LSD, il a regardé le chronomètre de son téléphone et que ‘les centièmes de seconde s’écoulaient aussi lentement que les secondes s’écoulent normalement’. C’était une dilatation du temps vraiment intense », rapporte le chercheur dans un article publié dans The Conversation. Selon ses recherches, 10 % des expériences d’expansion du temps seraient liées à des substances psychédéliques.
Expansion temporelle : production de noradrénaline ou évolution adaptative ?
Une théorie suggère que ces expériences d’expansion temporelle sont liées à la production de noradrénaline (une hormone et un neurotransmetteur) lors des situations d’urgence, cette dernière étant associée au mécanisme de lutte ou de fuite. Cependant, cette théorie ne concorde pas avec la sensation de bien-être que les gens rapportent souvent dans ces situations. Malgré l’urgence ou le danger, les gens déclarent généralement se sentir étrangement calmes et détendus. Elle ne correspond pas non plus au fait que les expansions temporelles peuvent survenir dans des situations paisibles telles que la méditation.
Une autre théorie suggère qu’elles découlent d’une évolution adaptative que nos ancêtres auraient développée afin d’améliorer leurs chances de survie en cas de danger. Selon Taylor, de nombreuses personnes sont convaincues que l’impression d’allongement du temps leur a permis d’éviter de graves blessures, car cela leur aurait permis de prendre des décisions préventives. Cependant, cette hypothèse ne peut pas non plus expliquer pourquoi les expansions temporelles se produisent parfois dans des situations paisibles et non urgentes.
Des différences dans la manière dont notre cerveau traite les informations ?
Une autre hypothèse avance qu’il s’agit davantage d’illusions créées par des souvenirs plutôt que d’expériences réelles. Dans les situations d’urgence, notre conscience serait améliorée de sorte que nous enregistrons plus de perceptions que d’habitude. Ces perceptions sont stockées en tant que souvenirs dont nous nous rappelons dans les situations d’urgence. Cet afflux de souvenirs supplémentaires pourrait donner l’illusion que le temps s’est allongé.
Cependant, les expériences d’expansion temporelle pourraient permettre des processus de pensée complexes et des actions difficiles à concevoir dans un état de perception temporelle normal. Dans un sondage mené par Taylor auprès de 280 personnes, seuls 3 % pensent qu’il pourrait s’agir d’une illusion, tandis que 87 % estiment qu’il s’agit d’expériences réelles. Les 10 % restants sont indécis.
Le psychologue estime alors que les expériences d’extension temporelle découlent de la manière dont notre cerveau traite les informations en fonction des situations auxquelles il est exposé. Les situations d’urgence peuvent perturber profondément nos processus cognitifs et provoquer un changement brutal dans notre conscience. Plus notre cerveau traite d’informations, plus le temps semble ralentir. D’un autre côté, le temps semble également s’allonger lorsque l’on s’ennuie parce notre esprit serait envahi par un flux important de pensées différentes.
La plupart des psychologues s’accordent sur le fait que notre perception du temps est étroitement liée à notre conscience de soi. « Nous avons généralement l’impression de vivre à l’intérieur de notre espace mental, avec le monde extérieur de l’autre côté », explique Taylor. « L’une des principales caractéristiques des états de conscience altérés intenses est que le sentiment de séparation s’estompe. Nous ne nous sentons plus enfermés dans notre esprit, mais connectés à notre environnement. » La perturbation de cette séparation rendrait notre perception du temps plus aiguisée.
En revanche, le temps semble s’écouler plus rapidement dans d’autres situations, car notre cerveau se concentrerait davantage sur des flux de pensées spécifiques, sans laisser passer d’autres informations – un état que le chercheur appelle « superabsorption ». « Cependant, l’absorption fait normalement passer le temps plus vite lorsque nous sommes absorbés par une tâche. Mais lorsque l’absorption devient particulièrement intense, sur une longue période de concentration soutenue, l’inverse se produit et le temps ralentit radicalement », conclut-il.