La Station spatiale internationale ne sera bientôt plus la seule station opérationnelle en orbite autour de la Terre. La Chine s’apprête à lancer Tianhe (qui signifie « harmonie céleste »), le premier module de sa future station spatiale. Il devrait prendre son envol dès demain, 29 avril, à bord d’une fusée Longue Marche 5B, déjà installée sur le pas de tir de la base de lancement Wenchang, sur l’île de Hainan. Une mission habitée est prévue pour le mois de juin.
La structure complète, d’environ 66 tonnes, sera composée au minimum de trois modules. Tianhe, le module principal, comprend toutes les commandes de contrôle de la navigation ; c’est également l’espace de vie des futurs taïkonautes. La station comportera également deux laboratoires (Wentian et Mengtian), dédiés à l’expérimentation scientifique.
L’installation, baptisée Tiangong (« palais céleste »), va donc succéder aux deux prototypes précédemment mis en orbite, Tiangong 1 (2011-2016) et Tiangong 2 (2016 – 2019), développés par l’Agence spatiale chinoise (CNSA). Tous deux avaient accueilli un équipage pendant quelques jours, à des fins de test. La Chine a prévu d’achever la construction de sa nouvelle station d’ici la fin 2022. Un calendrier particulièrement serré, même pour la troisième puissance spatiale du monde.
Un assemblage « express » en seulement deux ans
Le premier module de 20 tonnes, le centre de contrôle de la station, sera mis en orbite ce jeudi 29 avril. Il comporte un port d’amarrage et permettra de contrôler la trajectoire et l’attitude de la station. D’une longueur de 16,6 mètres, pour un diamètre de 4,2 mètres, ce cylindre servira également d’espace de vie pour les futurs taïkonautes chinois. La station a été conçue pour accueillir un équipage de trois personnes, pendant six mois au maximum.
L’Agence chinoise des vols spatiaux habités (China Manned Space Agency, CMSA) prévoit que le premier équipage rejoigne Tianhe dès le 10 juin, à bord du vaisseau Shenzhou-12. L’équipe sera composée de Nie Haisheng, dont ce sera le troisième vol, de Deng Qingmin et de Ye Guangfu qui voleront dans l’espace pour la première fois. C’est le premier vol habité réalisé par l’agence chinoise depuis 2016, lorsque Shenzhou-11 avait mené deux taïkonautes à bord de Tiangong 2. Avant cela, la station devrait être ravitaillée via un vaisseau cargo, le Tianzhou-2, le 20 mai.
Les deux laboratoires — les modules Wentian et Mengtian — devraient être ajoutés à la structure en juin et août 2022 respectivement. Au total, l’agence spatiale chinoise prévoit onze lancements, dont quatre missions avec équipage, pour achever la construction de cette station en 2022. Celle-ci évoluera sur une orbite terrestre basse, à une altitude de 340 à 350 km, avec une inclinaison orbitale comprise entre 42° et 43°.
Initialement, la construction de la station aurait dû démarrer en 2018. Cependant, l’échec du deuxième vol de qualification en juillet 2017 de la fusée Longue Marche 5 — le seul lanceur chinois capable de propulser une charge aussi conséquente — a entraîné le report de l’assemblage. Le premier vol de la version 5B s’est déroulé avec succès en mai 2020 ; cette version est capable de placer plus de 22 tonnes en orbite basse.
Un nouveau télescope spatial dès 2024
À noter que si cette nouvelle station est d’origine chinoise, elle sera également accessible à tout autre pays membre de l’ONU qui souhaiterait mener des expériences scientifiques à son bord. Il est d’ailleurs prévu que la station Tiangong succède définitivement à la Station spatiale internationale dans quelques années. L’ISS, dont l’assemblage a démarré en 1998 pour s’achever en 2011, arrive en effet en fin de vie et représente un coût annuel de plusieurs milliards de dollars pour la NASA, qui a maintes fois envisagé de cesser son exploitation. Les États-Unis aimeraient par ailleurs se consacrer pleinement à leur projet de station spatiale autour de la Lune (la Lunar Gateway).
De son côté, Moscou a annoncé la semaine dernière son intention de se retirer de ce programme de collaboration scientifique en 2025. Le porte-parole de Roscosmos, l’agence spatiale russe, a par ailleurs révélé que la Russie souhaitait mettre en place son propre projet de station spatiale, avec une mise en orbite prévue pour 2030. Une annonce que certains considèrent comme « l’extension à l’espace des tensions entre la Russie et l’Occident ». Mais peut-être que la Russie ne veut simplement par contribuer aux frais de désorbitage de l’ISS à venir…
Une fois l’assemblage de sa station achevé, la Chine lancera un télescope spatial nommé Xuntian, comparable à Hubble. Équipé d’un miroir de deux mètres de diamètre, il doit être placé en orbite en 2024. Son large champ de vision (300 fois supérieur à celui de Hubble) lui permettra d’observer jusqu’à 40% du ciel sur une décennie, dans le proche ultraviolet et la lumière visible. Il évoluera indépendamment de la station, mais viendra s’y amarrer périodiquement pour le ravitaillement et diverses opérations de maintenance.
Quatre centres de recherche sont déjà en cours de construction pour analyser les données qui seront recueillies par Xuntian. Ce dernier sera notamment dédié à l’étude des propriétés de la matière noire, de la formation et de l’évolution des galaxies. Le télescope devrait également contribuer à la détection et à la surveillance des objets transneptuniens et des astéroïdes géocroiseurs.