Le premier poumon de porc transplanté chez l’homme est resté fonctionnel pendant 9 jours

« …un premier aperçu de ce qui se passe lorsqu'un poumon de porc est implanté chez un être humain. »

poumon porc transplante humain
| He et al.
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Des chercheurs chinois sont parvenus, pour la première fois, à transplanter un poumon de porc génétiquement modifié à un patient humain en état de mort cérébrale. Si l’organe est demeuré viable et fonctionnel pendant près de neuf jours, des réactions immunitaires délétères sont apparues dès les vingt-quatre premières heures. L’expérience constitue néanmoins une avancée notable, le poumon étant réputé particulièrement difficile à transplanter, y compris entre individus de la même espèce.

La xénotransplantation – transplantation d’organes d’une espèce à une autre – suscite un intérêt croissant pour pallier la pénurie mondiale d’organes. Elle pourrait offrir une solution pour réduire les délais d’attente des patients en quête de greffe. Des progrès significatifs ont déjà été réalisés dans ce domaine, notamment avec la transplantation de reins, de cœurs et de foies de porcs génétiquement modifiés chez l’humain. Dans les années 1960, des transplantations de reins de chimpanzé sur des patients humains ont également été tentées, bien avant l’adoption des cadres bioéthiques actuels.

Dans certains cas, les xénogreffes sont restées fonctionnelles durant plusieurs mois chez des patients vivants. Mais la transplantation de poumons demeure largement sous-explorée en raison de la complexité anatomique et physiologique de cet organe. Par exemple, la durée de vie maximale d’un babouin transplanté avec un poumon de porc excède à peine un mois, selon un article publié dans la revue Science. Bien que la demande de dons pulmonaires reste moins fréquente que pour d’autres organes, elle tend à croître.

L’équipe de l’Université médicale de Guangzhou, en Chine, est la première à avoir tenté la transplantation d’un poumon de porc chez un humain. « \[Ces travaux] offrent un premier aperçu de ce qui se produit lorsqu’un poumon de porc est implanté chez un être humain », a expliqué à la revue Science Richard Pierson III, chirurgien au Massachusetts General Hospital, qui n’a pas participé à l’étude. Les résultats ont été détaillés dans la revue Nature Medicine.

Un organe notoirement difficile à transplanter

Les greffes pulmonaires, même entre humains, affichent un taux élevé d’échec pour diverses raisons. Les membranes fines assurant les échanges gazeux peuvent être facilement endommagées lors du prélèvement ou de l’implantation. Par ailleurs, en étant directement exposés à l’air, les poumons peuvent véhiculer des agents pathogènes et sont dotés de nombreuses cellules immunitaires chargées de les neutraliser.

La xénogreffe présente donc un risque particulièrement élevé de déclencher une réponse immunitaire aiguë chez l’humain. De plus, les artères et veines du poumon ont tendance à se contracter lorsqu’elles sont traversées par le sang d’une autre espèce, provoquant une résistance vasculaire susceptible d’aggraver l’inflammation. Or, une telle réaction, tolérable dans un rein, peut provoquer dans un poumon un œdème potentiellement fatal.

Pour contourner ces obstacles, l’équipe chinoise a eu recours à l’outil CRISPR afin de désactiver trois gènes codant des molécules absentes chez l’humain mais capables de déclencher un rejet hyperaigu. Trois gènes humains ont en parallèle été introduits pour limiter la coagulation sanguine post-transplantation et la cascade du complément, une réaction enzymatique liée à l’immunité innée. Les chercheurs ont utilisé une race de porcs nains appelée Bama Xiang, fournie par le laboratoire Chengdu ClonOrgan Biotechnology, dont les organes présentent une taille proche de ceux des humains.

Neuf jours de survie : entre promesse et limites

L’équipe de Guangzhou a transplanté le poumon de porc génétiquement modifié en remplacement du poumon gauche d’un homme de 39 ans, victime d’une hémorragie intracrânienne l’ayant laissé en état de mort cérébrale. Le poumon a fonctionné durant plusieurs jours, oxygénant le sang et éliminant le dioxyde de carbone. Les modifications génétiques ont permis d’éviter un rejet hyperaigu immédiat.

Cependant, l’organe a commencé à subir des attaques immunitaires dès les vingt-quatre heures suivant la transplantation, se gonflant et développant un œdème sévère. Après deux jours, il a été gravement endommagé par des anticorps et par l’activation de la cascade du complément. Les chercheurs soulignent toutefois que même des greffes pulmonaires entre humains échouent fréquemment en quelques heures à cause de réactions similaires. Le poumon a finalement été retiré pour analyses, et la ventilation artificielle interrompue au neuvième jour, à la demande de la famille du patient (en état de mort cérébral).

Par ailleurs, l’étude ne précise pas si le xénogreffe présentait une résistance vasculaire, ni dans quelle mesure la présence du poumon droit intact du patient a pu contribuer à maintenir sa respiration. Or, les candidats à une greffe pulmonaire nécessitent généralement les deux organes. Les auteurs reconnaissent ainsi que le succès de l’expérience reste mitigé.

L’expérience « illustre clairement que la survie des xénogreffes pulmonaires chez l’homme nécessitera davantage de génie génétique et une immunosuppression optimisée », explique Dengke Pan, spécialiste du clonage animal, co-auteur de l’étude et fondateur de Chengdu ClonOrgan Biotechnology. « On commence à réfléchir dans la bonne direction : développer la science, le faire en toute sécurité, éviter les promesses irréalistes. Mais il faut persévérer et, à terme, je suis convaincu que cela mènera à la percée que nous attendons tous », conclut-il.

Source : Nature Medicine
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