Selon une série de nouvelles études concernant la faisabilité et les derniers avancements des technologies de fusion nucléaire, un réacteur à fusion fonctionnel et viable pourrait être mis en service dès 2025. Pour qu’un réacteur à fusion soit considéré comme viable, le principe est simple : il doit produire plus d’énergie qu’il n’en consomme pour alimenter et stabiliser le phénomène de fusion. Atteindre ce niveau de fonctionnement pourrait ouvrir la voie à une production massive d’énergie propre, et c’est ce que sont sur le point d’atteindre des chercheurs avec le projet SPARC.
Qu’est-ce que la fusion nucléaire ? Il s’agit d’un processus naturellement présent dans le Soleil et la majorité des étoiles (dans ce cadre : la fusion de l’hydrogène produit de l’hélium), dans lequel deux noyaux atomiques s’assemblent pour former un noyau plus lourd. Lors de la fusion, les noyaux atomiques sont forcés de s’assembler pour former des atomes plus lourds. Lorsque la masse des atomes résultants est inférieure à celle des atomes qui ont servi à leur création, la masse excédentaire est convertie en énergie, libérant une quantité extraordinaire de lumière et de chaleur. À savoir que les produits de la fusion (de l’hélium 4 principalement) ne sont pas radioactifs.
Le principal défi d’un tel processus est qu’une quantité énorme d’énergie est nécessaire pour forcer les atomes à fusionner, ce qui se produit à des températures d’au moins 100 millions de degrés Celsius. Cependant, de telles réactions peuvent générer beaucoup plus d’énergie qu’elles n’en requièrent. Et pour rappel : la fusion nucléaire ne produit pas de gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone (à l’origine du réchauffement climatique) ni d’autres polluants. De plus, les carburants de la fusion — l’hydrogène ainsi que les combustibles (deutérium et tritium principalement) — sont suffisamment abondants sur Terre pour répondre à tous les besoins énergétiques de l’humanité pendant des millions d’années.
Dans une série de sept nouvelles études publiées dans le Journal of Plasma Physics, des chercheurs exposent les avancées et les défis actuels de la fusion nucléaire dans le cadre du réacteur SPARC du MIT. Les résultats permettent de déduire qu’il serait possible d’aboutir à un réacteur nucléaire viable et stable d’ici quelques années seulement.
Un projet nouveau, mais très prometteur
« Nous nous sommes pratiquement tous lancés dans cette recherche parce que nous essayons de résoudre un problème mondial vraiment sérieux », a déclaré l’auteur principal de l’étude, Martin Greenwald, physicien du plasma au MIT et l’un des principaux chercheurs ayant développé le nouveau réacteur. « Nous voulons avoir un impact sur la société. Nous avons besoin d’une solution pour le réchauffement climatique – sinon, la civilisation sera en difficulté. Il semble que cela pourrait aider à résoudre ce problème ».
La plupart des réacteurs à fusion expérimentaux utilisent une conception (initialement russe) en forme de beignet, appelée tokamak. Ces modèles nécessitent de puissants champs magnétiques pour confiner le nuage de plasma (ou gaz ionisé) produit, à des températures extrêmes, suffisamment élevées pour que les atomes fusionnent. Un nouveau dispositif expérimental, appelé SPARC (Soonest/Smallest Private-Funded Affordable Robust Compact), est développé par les scientifiques du MIT et une société dérivée, Commonwealth Fusion Systems.
S’il aboutit, le projet SPARC serait le premier dispositif à obtenir un plasma exploitable, dans lequel la chaleur de toutes les réactions de fusion maintient la fusion sans qu’il soit nécessaire d’injecter de l’énergie supplémentaire. Mais jusqu’ici, personne n’a jamais été capable d’exploiter la puissance du plasma en combustion dans une réaction contrôlée, et d’autres recherches sont nécessaires avant que SPARC puisse arriver à ce résultat.
La construction du réacteur SPARC, dont le projet a été lancé en 2018, devrait commencer en juin prochain, et le dispositif devrait entrer en service en 2025. Soit bien plus tôt que le plus grand projet de fusion au monde, connu sous le nom de réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), conçu en 1985, mais qui n’a été lancé qu’en 2007. Et bien que la construction ait commencé en 2013, le projet ne devrait pas permettre de réaction de fusion avant 2035.
SPARC Vs ITER : Un champ magnétique de stabilisation beaucoup plus puissant
L’un des avantages que SPARC pourrait avoir par rapport à ITER réside dans les électro-aimants servant à confiner le plasma. SPARC utilisera des aimants supraconducteurs à haute température qui ne sont commercialisés que depuis quelques années, bien après la conception d’ITER. Ces nouveaux aimants peuvent produire des champs magnétiques beaucoup plus puissants que ceux d’ITER : 21 teslas au maximum, contre 12 teslas pour ITER. En comparaison, l’intensité du champ magnétique terrestre varie de 30 millionièmes à 60 millionièmes de teslas.
Ces puissants aimants suggèrent que le cœur de SPARC peut être environ trois fois plus petit en diamètre, et 60 à 70 fois plus petit en volume que le cœur d’ITER, qui devrait avoir un diamètre de 6 mètres. « Cette réduction spectaculaire de la taille s’accompagne d’une réduction du poids et du coût », a déclaré Greenwald à LiveScience. « C’est vraiment ce qui change la donne ».
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Dans les sept nouvelles études, les chercheurs ont décrit les calculs et les simulations — réalisées avec des superordinateurs — qui sous-tendent la conception de SPARC. Les résultats ont notamment montré que SPARC devrait générer au moins deux fois plus d’énergie que celle qui sera utilisée pour son fonctionnement.
La chaleur engendrée par un réacteur à fusion produira de la vapeur. Cette vapeur entraînera alors une turbine et un générateur électrique, de la même manière que la plupart des centrales produisent de l’électricité aujourd’hui. « Les centrales à fusion pourraient remplacer les centrales à combustibles fossiles, et nous n’aurions pas à restructurer les réseaux électriques pour ces dernières », déclare Greenwald.
En revanche, les sources d’énergie renouvelables telles que le solaire et l’éolien « ne sont pas bien prises en charge par la conception actuelle des réseaux électriques ». Les chercheurs espèrent finalement que les centrales à fusion inspirées de SPARC produiront entre 250 et 1000 mégawatts d’électricité. « Sur le marché actuel de l’électricité aux États-Unis, les centrales électriques produisent généralement entre 100 et 500 mégawatts », ajoute Greenwald.
Cependant, SPARC étant un réacteur expérimental, il ne produira que de la chaleur. Il n’est pas conçu pour produire de l’électricité. Une fois que les chercheurs auront construit et testé SPARC, ils prévoient de mettre sur pied un nouveau réacteur, nommé ARC (Affordable Robust Compact), qui produirait, d’ici 2035, de l’électricité à partir de la chaleur produite.