La pollution atmosphérique, surtout celle des grandes villes, a atteint des niveaux tels qu’elle constitue aujourd’hui l’une des plus grandes menaces pour la santé publique. Les populations les plus fragiles, notamment les enfants en bas âge, en sont les plus impactées. Une étude a révélé que les nanoparticules de carbone (ou suie) issues de la combustion parviennent à franchir le placenta de la mère. Plus inquiétant encore, les chercheurs ont découvert de la suie dans le foie, les poumons et le cerveau de fœtus dont les mères ont été exposées à la pollution, et ce dès le premier trimestre de leur grossesse. Cette incrustation en profondeur dès les premiers stades de la vie aurait des impacts sans précédent sur le développement in utero et devrait inciter à des mesures antipollution plus appropriées.
Le carbone noir ou noir de carbone est un composant majeur des particules fines volatiles polluant l’atmosphère, depuis les débuts de l’ère industrielle. Il est issu de la combustion incomplète du charbon, des hydrocarbures et des composés métalliques, et a été pointé du doigt depuis quelques années pour ses impacts sur la santé publique. Les adultes directement exposés à la substance, comme ceux travaillant dans des industries lourdes, sont susceptibles de développer des cancers sur le long terme et peuvent présenter une toux grasse et chronique s’aggravant avec l’âge et le temps d’exposition. Elle peut notamment mener à la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive).
Bien que les mécanismes ainsi que ses concentrations de toxicité ne sont pas encore clairs, il a été prouvé que le noir de carbone a des effets délétères sur la santé à long terme. Et selon la nouvelle étude, les enfants seraient touchés par ces effets avant même leur naissance, les particules ayant été retrouvées dans les placentas des mères. D’après les chercheurs impliqués, il a été prouvé que l’exposition à la pollution de l’air pendant la grossesse et la petite enfance est liée à la mortalité infantile, la prématurité, au faible poids à la naissance et à la perturbation du développement cérébral, pouvant ainsi avoir des conséquences sur toute la vie de l’enfant.
Cependant, il n’y a encore que peu de données démontrant que ces nanoparticules de carbone pénètrent profondément le placenta jusqu’à atteindre les organes du fœtus. Pour la première fois, « nous montrons que la quantité de particules de noir de carbone qui pénètrent dans la mère est transmise proportionnellement au placenta et au bébé », explique Tim Nawrot, co-auteur de l’étude décrite dans la revue Lancet Planetary Health et directeur de l’unité de recherche en épidémiologie moléculaire et environnementale de l’Université de Hasselt (Belgique). L’étude a été co-dirigée par l’Université d’Aberdeen, au Royaume-Uni.
Des concentrations liées à l’exposition maternelle
Dans le cadre de leurs recherches, les scientifiques ont prélevé des échantillons materno-périnatals et fœtaux dans deux groupes d’expériences différents. L’un était composé de 60 mères ayant récemment accouché dans un hôpital en Belgique, et qui étaient non fumeuses. L’autre comprenait des mères enceintes âgées d’au moins 16 ans et dont la gestation était de 7 semaines à 20 semaines, et également non-fumeuses.
Pour détecter les particules de noir de carbone, les chercheurs ont passé les échantillons à travers une lumière blanche. Ils ont ainsi découvert que les fœtus présentaient des nanoparticules de carbone au niveau des poumons, du foie et du cerveau, dès le premier trimestre de grossesse. Plus précisément, le carbone a été détecté dans le sang du cordon ombilical, confirmant sa présence dans le système circulatoire fœtal. De plus, la concentration des particules était proportionnelle au niveau d’exposition de la mère. Par ailleurs, les nanoparticules ont aussi été retrouvées dans les tissus foetaux de mères dont la grossesse a été interrompue au cours du premier et du deuxième trimestre.
« Nous craignions tous que si des nanoparticules pénètrent dans le fœtus, elles puissent affecter directement son développement dans l’utérus », prévient Paul Fowler, également co-auteur de l’étude et chercheur à l’Institut des sciences médicales de l’Université d’Aberdeen. « Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que ces particules de carbone noir pénètrent également dans le cerveau humain en développement », ajoute-t-il. D’après l’expert, cela signifierait que le noir de carbone interagirait directement au niveau des mécanismes biomoléculaires régissant le développement fœtal.
Bien que les mécanismes biologiques expliquant l’impact des nanoparticules de carbone chez l’homme ne sont pas encore bien compris, ces découvertes soulignent l’urgence de prendre des mesures pour la limitation de la pollution atmosphérique. Quelques pays commencent déjà à appliquer des mesures plus strictes, mais il faudrait également adapter ces dernières aux besoins des populations les plus fragiles.