« J’y ai vu non seulement un moyen de m’aider, mais aussi un moyen de donner de l’espoir aux milliers de personnes qui ont besoin d’une greffe pour survivre » ; ce sont les mots du premier patient à avoir bénéficié d’une greffe de rein de porc génétiquement modifié. Alors qu’il est en bonne voie pour son rétablissement, les médecins sont optimistes et espèrent que cette percée pourra un jour rendre la dialyse obsolète.
La médecine souffre d’une pénurie d’organes et voit des milliers de patients souffrir dans l’attente d’une transplantation. Rien qu’en France, début 2023, plus de 10 800 personnes étaient inscrites sur la liste d’attente active (c’est-à-dire qu’elles sont déjà éligibles) pour recevoir un nouvel organe. Les scientifiques cherchent par conséquent de nouvelles voies pour répondre aux demandes. Parmi les solutions explorées, la xénotransplantation (la transplantation d’organes entre espèces différentes) est l’une des plus prometteuses. En raison de nombreux facteurs biologiques et physiologiques, les porcs sont considérés comme de bons candidats pour une telle pratique et font donc l’objet de recherches approfondies depuis plusieurs années.
Le 16 mars dernier, des chirurgiens du Massachusetts General Hospital ont ainsi transplanté pour la première fois un rein de porc génétiquement modifié chez un humain vivant. Avant cette opération, le patient, Richard Slayman, souffrait de complications graves liées au rejet d’un rein humain précédemment transplanté. L’attente estimée de cinq à six ans pour un autre rein humain n’était pas envisageable dans son cas, compte tenu de son état de santé en déclin. Après avoir pesé les risques et les avantages potentiels avec les médecins, Slayman a ainsi consenti à recevoir un rein de porc. Quelques jours après l’intervention, l’hôpital a affirmé dans un communiqué que le patient se porte bien.
Le rein d’un porc génétiquement modifié
Le rein implanté a été fourni par l’entreprise de biotechnologie eGenesis, spécialisée dans le développement d’organes artificiels. L’équipe d’eGenesis aurait effectué une soixantaine de modifications dans l’ADN du porc pour que l’organe soit compatible avec l’homme.
Les modifications réalisées comprenaient la suppression de trois gènes spécifiques responsables de la fabrication d’hydrates de carbone. Cette opération permet de réduire le risque que le système immunitaire humain attaque l’organe transplanté. Les scientifiques ont également introduit sept gènes humains dans le génome du porc. Ces gènes aident à « camoufler » l’organe pour qu’il ne soit pas perçu comme un élément étranger par le corps humain, afin de réduire également le risque de rejet. L’équipe d’eGenesis a entre autres désactivé des séquences d’ADN virales intégrées dans le génome du porc pour empêcher tout risque de transmission virale à l’humain à la suite de la transplantation.
Une grande première chez un patient vivant
Par le passé, d’autres scientifiques ont déjà expérimenté la compatibilité des organes de porc avec des patients en état de mort cérébrale. En 2021 par exemple, des chercheurs sont parvenus à connecter un rein de porc génétiquement modifié à un patient humain, sans l’implanter à l’intérieur du corps. Pendant une période de 54 heures, l’organe a efficacement filtré les déchets du corps du patient. Cette réalisation avait démontré qu’un rein de porc possédait un potentiel de fonctionnement « normal » chez un humain. Dans une autre expérience, un patient en état de mort cérébrale a reçu deux reins d’un porc génétiquement modifié. Après l’opération, les scientifiques ont constaté que durant plusieurs jours, le corps n’avait pas rejeté les organes.
Cette implantation menée sur Slayman est donc la première impliquant un patient vivant. Reste à savoir comment évoluera son état de santé. Afin de réduire le risque de rejet, Slayman a reçu deux types de traitements à base d’anticorps. Il doit également, malgré les modifications génétiques apportées au porc dans ce but, prendre des immunosuppresseurs afin de garantir la survie à long terme du rein.