La manière dont les organes génitaux féminins sont représentés dans le cortex cérébral est complètement sous-étudiée. Une nouvelle étude réalisée en stimulant le clitoris de 20 femmes, tout en effectuant une IRMf de leur cerveau, a conclu que la représentation de leurs parties génitales était située près de celle de la hanche. Les chercheurs ont aussi montré que la fréquence des rapports sexuels dans les 12 derniers mois était corrélée à l’épaisseur structurelle du champ cartographié.
Notre cerveau reçoit en continu des informations sensorielles de notre corps. Le cortex somato-sensoriel se charge de les capter et de les intégrer par l’intermédiaire de nos neurones. À chaque partie du corps correspond une région précise du cortex somato-sensoriel, constituant ainsi une carte cérébrale du corps humain. En 2005, d’autres chercheurs avaient mis au point une technique provoquant une stimulation tactile très localisée du pénis, ce qui leur a permis de trouver la région précise consacrée à cette zone : près de celle de la hanche. C’est désormais au tour du clitoris — l’organe féminin dédié notamment au plaisir sexuel — d’être un objet d’étude.
Jusqu’ici, l’endroit précis dédié aux organes génitaux féminins était controversé. De précédentes études l’avaient placé soit sous la représentation du pied, soit près de celle de la hanche. Mais les techniques de stimulation (par soi-même ou un partenaire) étaient imprécises puisque d’autres parties du corps étaient touchées en même temps, ou le processus déclenchait une excitation, ce qui brouillait les résultats.
La nouvelle étude, menée par des chercheurs allemands, a consisté à stimuler le clitoris de 20 femmes de 18 à 45 ans pendant que leur cerveau était observé par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Pour les stimulations, un petit objet rond a été appliqué au-dessus des sous-vêtements au niveau du clitoris : grâce à des jets d’air, une petite membrane se mettait à vibrer légèrement. Huit stimulations du clitoris ont été réalisées — de 10 secondes chacune et entrecoupées de 10 secondes de repos. Le même dispositif a été utilisé sur le dos de la main droite à titre de contrôle.
La zone précisément activée varie selon les femmes
Les chercheurs précisent que cette étude ne répond pas à des questions telles que celle de savoir si le fait d’avoir une plus grande zone consacrée à la stimulation génitale permettrait de mieux percevoir les sensations. Et posséder une zone sensorielle plus développée incite-t-il à plus de rapports sexuels, ou à l’inverse, des rapports sexuels fréquents la font-ils grandir comme on fait travailler un muscle ? Autant de questions encore en suspens.
Seule certitude pour les chercheurs, la place du clitoris dans le cortex somato-sensoriel est à côté de la hanche (comme pour le pénis). Cela correspond aux aires de Brodmann 1, 2 et 3a, situées le long du gyrus post-central, mais l’endroit précis varie beaucoup entre chaque femme testée.
« Une association entre la fréquence des rapports génitaux et l’épaisseur du champ génital cartographié »
Les scientifiques ont ensuite cherché à savoir si cette zone présentait des caractéristiques différentes selon l’activité sexuelle. Les 20 femmes ont été interrogées sur la fréquence de leurs rapports sexuels au cours de l’année écoulée, ainsi que depuis le début de leur vie sexuelle. Puis, pour chacune d’entre elles, les chercheurs ont déterminé les dix points du cerveau les plus activés lors de la stimulation, et ils ont mesuré l’épaisseur de ces zones.
« Nous avons trouvé une association entre la fréquence des rapports sexuels et l’épaisseur du champ génital cartographié individuellement », a déclaré à l’AFP Christine Heim, co-auteure du rapport et professeure de psychologie médicale à l’hôpital universitaire Charité de Berlin. Des études ultérieures confirmeront peut-être l’hypothèse que plus les rapports sexuels sont nombreux, plus la région est grande.
Mais les recherches passées donnent des indices. Tout d’abord, il est bien établi que plus on utilise certaines parties du cerveau, plus elles grossissent : c’est la plasticité cérébrale. Ensuite, des études antérieures sur les animaux ont montré que la stimulation des organes génitaux des rats et des souris entraînait effectivement une expansion de la zone du cerveau correspondant à ces derniers.
Vers une thérapie pour les personnes ayant subi des violences sexuelles
Par ailleurs, ces observations pourraient contribuer à améliorer la prise en charge des femmes ayant subi des violences sexuelles, en agissant directement sur les zones du cerveau activées par le clitoris.
Heim avait précédemment montré que les personnes ayant subi des violences sexuelles traumatiques présentaient un amincissement des zones du cerveau consacrées aux organes génitaux. « Nous avons spéculé à l’époque que cela pourrait être la réponse du cerveau pour limiter la perception néfaste de l’abus », a-t-elle déclaré. Elle espère maintenant que ses recherches permettront d’élaborer de futures thérapies visant à réhabiliter cette région chez les survivants d’abus.