C’est une première dans le domaine de l’ingénierie tissulaire : dans le cadre d’un essai clinique, une patiente a reçu un implant auriculaire bio-imprimé en 3D, cultivé à partir de ses propres cellules. Cet implant a été conçu grâce à une plateforme développée par 3DBio Therapeutics, une start-up spécialisée en médecine régénérative. Cette approche révolutionnaire pourrait conduire au développement d’implants tissulaires pour traiter toutes sortes d’anomalies, voire à la biofabrication d’organes.
Cet implant, baptisé AuriNovo™, est destiné aux personnes nées avec une microtie (une anomalie congénitale de l’oreille externe, caractérisée par une hypoplasie du pavillon). En France, cette malformation, qui compromet les capacités auditives, touche environ un enfant sur 8000. AuriNovo™ a été conçu pour fournir une alternative de traitement aux greffes de cartilage costal et aux matériaux synthétiques (polyéthylène poreux), qui sont traditionnellement utilisés pour la reconstruction chirurgicale de l’oreille externe.
« Il s’agit de l’aboutissement de plus de sept ans d’efforts ciblés de notre société pour développer une plateforme technologique différenciée unique répondant aux exigences de la FDA en matière de fabrication thérapeutique d’implants reconstructifs », a déclaré le Dr Daniel Cohen, PDG et cofondateur de 3DBio. La construction tissulaire consiste en un échafaudage d’hydrogel de collagène bio-imprimé en 3D, encapsulant les cellules du cartilage (que l’on appelle des chondrocytes) prélevées sur l’oreille du patient. L’implant est bien entendu imprimé de manière à correspondre à la taille et à la forme de l’oreille saine du patient.
Le premier implant imprimé en 3D fait de tissus vivants
Cet essai clinique de phase 1/2a est dirigé par le Microtia-Congenital Ear Deformity Institute basé à San Antonio, au Texas. Il s’agit de l’une des plus grandes cliniques au monde spécialisées dans les chirurgies pédiatriques de reconstruction de la microtie. L’essai devrait inclure 11 patients, âgés de 6 à 25 ans ; il permettra de recueillir des données de sécurité de l’implant, d’évaluer ses propriétés esthétiques et son efficacité (qui seront mesurées via des questionnaires de satisfaction).
La patiente qui a d’ores et déjà bénéficié de cette greffe inédite est une femme de 20 ans, née avec une microtie. Les chercheurs ont prélevé l’équivalent d’un demi-gramme de ses cellules cartilagineuses, puis les ont cultivées en laboratoire jusqu’à obtenir des milliards de cellules ; celles-ci ont ensuite été mélangées à une « bio-encre ». Après avoir scanné en 3D l’oreille opposée pour que l’implant adopte exactement la même géométrie, l’équipe a ensuite imprimé une oreille à l’aide d’une imprimante 3D spécialement conçue pour cet usage, nommée GMPrint™.
Cette imprimante permet un flux de travail stérile, associé à une qualité et une vitesse exceptionnelles ; elle est capable d’imprimer plus de 10 millions de cellules par minute. Elle repose sur un algorithme de planification de chemin d’impression basé sur l’IA, conçu pour optimiser l’impression de géométries complexes. La bio-encre utilisée, nommée ColVivo™, est à base de collagène et a été conçue pour préserver les principales propriétés biologiques et rhéologiques des tissus. L’implant bénéficie en outre de la technologie Overshell, une coque en polymère biorésorbable, conçue pour fournir un support structurel non permanent aux implants biologiques.
Une fois implantée, l’oreille continuera même à se développer, selon la société, générant de nouveaux tissus cartilagineux. « En tant que médecin ayant traité des milliers d’enfants atteints de microtie dans tout le pays et dans le monde entier, je suis inspiré par ce que cette technologie peut signifier pour les patients atteints de microtie et leurs familles », a déclaré le Dr Arturo Bonilla, chirurgien pédiatrique spécialisé dans la microtie et directeur du Microtia-Congenital Ear Deformity Institute.
Une technique qui pourrait résoudre d’autres problèmes médicaux
Le chirurgien souligne le fait que l’implantation de l’AuriNovo™ nécessite une procédure chirurgicale beaucoup moins invasive que celle pratiquée habituellement. En outre, l’oreille obtenue par cette approche apparaît plus souple qu’une oreille reconstruite à partir de polyéthylène poreux. Il espère ainsi que ce type d’implant devienne un jour « la norme » pour la reconstruction de l’oreille.
AuriNovo™ fait partie du programme de développement des produits orphelins de la FDA, qui vise à faire progresser le développement de produits prometteurs pour le traitement des maladies ou affections rares. Les résultats ne sont pas encore publiés, car l’essai clinique suit toujours son cours ; 3D Bio prévoit un suivi à long terme sur cinq ans.
« Il s’agit d’un moment vraiment historique pour les patients atteints de microtie, et plus largement, pour le domaine de la médecine régénérative », a déclaré le Dr Cohen. En effet, 3DBio Therapeutics espère appliquer cette même technique à d’autres parties du corps, notamment les disques intervertébraux, le nez et la coiffe des rotateurs (qui désigne l’ensemble des quatre tendons de l’épaule).
L’équipe envisage également d’exploiter sa plateforme pour répondre à d’autres besoins médicaux, y compris la reconstruction des tissus après le retrait d’une tumeur, ou encore la production d’organes complets. L’impression de parties du corps complexes telles que les organes présente néanmoins un défi bien plus grand que la construction d’une oreille, qui sert un objectif purement esthétique.