Fondée en 2018, ClearSpace est une start-up suisse spécialisée dans le développement de technologies et de services orbitaux, favorisant une exploitation sûre et durable de l’espace. Elle a été sélectionnée en 2019 par l’Agence spatiale européenne pour mener la première mission d’élimination de débris spatiaux en 2025. Aujourd’hui, l’Agence spatiale britannique annonce qu’elle mise également sur la start-up pour retirer plusieurs engins spatiaux hors d’usage.
Depuis 1957, le début de l’ère spatiale, des tonnes de lanceurs, de véhicules et d’instruments ont été envoyés dans l’espace. Selon l’Agence spatiale européenne (ESA), il y a actuellement plus de 129 millions d’objets de plus d’un millimètre en orbite autour de la Terre. Leur nombre ne fait qu’augmenter et chaque collision entre les plus gros objets génère des milliers de débris supplémentaires, potentiellement dangereux pour chaque mission spatiale. Ces déchets, qui peuvent rester en orbite pendant des centaines d’années, menacent également le bon fonctionnement des milliers de satellites actuellement en activité autour de la planète.
« Vu l’accroissement constant du trafic spatial, il nous faut développer et fournir des technologies pour rendre complètement fiables les mesures de prévention des débris », souligne l’ESA. La solution ? Éliminer ces déchets avant qu’ils n’occasionnent trop de dégâts. Pour cela, l’agence a signé un contrat de 86 millions d’euros avec une équipe industrielle dirigée par ClearSpace, qui lancera en 2025 la première mission active d’élimination de débris, baptisée ClearSpace-1.
Nettoyer l’espace pour préserver les services vitaux
Luc Piguet, PDG et cofondateur de ClearSpace, a déclaré : « Les débris spatiaux constituent un défi à l’échelle mondiale. Nous devons mettre en place dès maintenant les capacités qui permettront de protéger ce précieux environnement ». Première cible de ClearSpace-1 : un Vespa (Vega Secondary Payload Adapter), utilisé avec le lanceur européen Vega. Après le deuxième vol de Vega en 2013, cet objet a été laissé sur une orbite d’élimination graduelle comprise entre 664 et 801 km d’altitude, conformément à la réglementation sur la réduction des débris spatiaux.
Avec une masse de 100 kg, le Vespa est proche de la taille d’un petit satellite ; sa forme relativement simple et sa construction robuste en font un premier objectif approprié, avant d’envisager des captures plus grandes et plus complexes. Une fois la cible atteinte, l’engin de ClearSpace et le Vespa seront tous deux désorbités pour brûler dans l’atmosphère.
Parallèlement, l’Agence spatiale britannique vient d’annoncer officiellement qu’elle soutenait financièrement cette première mission de Clearspace, qui s’inscrit parfaitement dans le cadre des ambitions du Royaume-Uni de soutenir des opérations spatiales sûres et durables.
Cette mission inédite sera non seulement le premier engin spatial à désorbiter un engin non fonctionnel, mais sera aussi l’occasion de démontrer d’autres technologies, telles que le ravitaillement de vaisseau à vaisseau. Il est également question d’étudier, avec la société Astroscale, la faisabilité de missions de nettoyage plus avancées, visant à retirer de l’espace plusieurs objets hors d’usage en une seule fois (notamment un satellite de communication OneWeb).
« Ce projet soutiendra notre rôle de premier plan dans le nettoyage de notre orbite, qui a été négligée pendant bien trop longtemps, et contribuera à maintenir les satellites en fonctionnement en toute sécurité, afin qu’ils puissent continuer à fournir des services vitaux tels que les communications et la surveillance du changement climatique », souligne George Freeman, sous-secrétaire d’État parlementaire à la science, à la recherche et à l’innovation.
Une douzaine de fragmentations chaque année
Aujourd’hui, des normes internationales encadrent la façon dont nous utilisons l’espace, afin d’en garantir une exploitation durable. Pour commencer, les agences spatiales et sociétés privées du secteur doivent concevoir leurs engins de manière à ce qu’ils perdent le moins d’éléments possible une fois plongés dans les conditions extrêmes de l’espace. Il est également essentiel de libérer l’énergie stockée dans les engins en fin de vie (carburant et batteries), pour prévenir les explosions. Enfin, les missions terminées doivent se tenir hors de portée des satellites opérationnels.
Malgré ces mesures préventives, le nombre, la masse et la superficie des débris augmentent régulièrement et les accidents spatiaux sont fréquents : l’ESA rapporte que sur les deux dernières décennies, douze fragmentations accidentelles (liées à une collision, une explosion ou simplement à l’usure) ont eu lieu chaque année en moyenne, et cette tendance est malheureusement à la hausse.
Le Bureau des débris spatiaux de l’ESA surveille en permanence la situation. Lorsque les équipes reçoivent une alerte — soit une possible collision entre un satellite en activité et un débris — il faut évaluer les risques et si nécessaire, mettre en place une manœuvre d’évitement. Ceci a malheureusement un coût : ces manœuvres imprévues mobilisent des ressources humaines, consomment du carburant — raccourcissant au passage la durée de vie de la mission — et impliquent parfois l’arrêt temporaire des instruments de mesure et de surveillance.
Les experts estiment que les collisions entre les débris et les satellites en opération vont devenir la principale source de débris spatiaux, devant les explosions. De surcroît avec le déploiement récent de grandes constellations de satellites en orbite terrestre basse (Starlink, OneWeb, etc.). « Nous devons considérer l’environnement spatial comme une ressource naturelle partagée et limitée. Si nous continuons à créer des débris, […] certaines orbites autour de la Terre deviendraient complètement inhospitalières », avertit l’ESA.
Animation montrant le ramassage d’un adaptateur de chargement VESPA par une pince ClearSpace :